Le véritable enjeu de la crise chinoise : celui de la fin du régime communiste<!-- --> | Atlantico.fr
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Le régime communiste chinois est menacé par la fragilisation de son économie.
Le régime communiste chinois est menacé par la fragilisation de son économie.
©Reuters

Colosse aux pieds d'argile

La crise économique que traverse la Chine pourrait avoir des conséquences d'une ampleur bien plus grande qu'un simple ralentissement de la croissance. Combinée à des catastrophes naturelles et écologiques, dans une société de plus en plus ouverte à la critique, le gouvernement communiste se trouve politiquement affaibli.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Atlantico : Jusqu'à présent, l'éclatante réussite économique et l'essor des classes moyennes qu'elle entraînait pouvait faire oublier au peuple la privation des libertés et permettre au régime communiste de se perpétuer. Mais si le système échoue, pourquoi l'opinion continuerait-elle à accepter corruption, autoritarisme, dictature ?

Jean-François Di Meglio : Il ne faut pas perdre de vue que le régime se définit à la fois comme une dictature mais aussi comme un système qui laisse remonter (et de plus en plus) remontrances et demandes sociales, en prenant en compte ces éléments à condition qu’ils soient bien canalisés. Ceci donne le sentiment qu’une utilisation raisonnée de ces canaux de résonance et d’expression de l’opinion, aussi contraints et restreints qu’il soient, valent mieux qu’une brutale destruction du processus graduel que certains appellent le "consensus de Pékin" et qui inclut un accord implicite entre enrichissement graduel et relâchement très progressif sur les libertés.

Il serait faux de dire que le ralentissement actuel arrête ce processus, même s’il le ralentit effectivement comme certains mouvements un peu erratiques et incontrôlés ont pu en donner l’impression, comme interpellations, gardes à vue ou arrestations inconsidérées liées au krach boursier et tentant de trouver des "responsables".

Les populations, même en cas de pertes boursières ou de ralentissement économique, continuent de voir le niveau de vie s’élever, leur accession à la propriété accrue, et surtout d’ailleurs dans les zones rurales, qui ont plus progressé ces dernières années que dans les précédentes, en partie d’ailleurs du fait de l’exode rural, même si elles représentent encore près de 50% de la population.

Le plus grand risque de déstabilisation, parce qu’il présente des réactions en chaîne, moins contrôlables par définition, viendrait de catastrophes climatiques ou écologiques. La catastrophe de Tianjin est un avertissement mais aussi sûrement une occasion de "resserrer la vis" sur les dirigeants corrompus faisant courir ce risque auquel le gouvernement chinois est particulièrement attentif et sur lequel il est vigilant.

La population chinoise, éblouie par l'extraordinaire croissance de son pays, limitait jusque là la portée des critiques. Mais, dès lors que la croissance n'est plus au rendez-vous, peut-on imaginer une mobilisation des opinions critiquant le régime ?

Les critiques, sporadiques, dispersées et jamais réellement unifiées (même dans le cas de Hong Kong d’ailleurs où les protestations locales émanaient de deux ou trois groupes distincts) ne sont pas nouvelles. Le cyberspace en est effectivement nourri. La limite, scrupuleusement surveillée par le gouvernement chinois, serait le début d’une "fédération des mécontentements". De même que dans l’histoire chinoise longue, ces fédérations de sentiments disparates émanant de groupes très divers n’a émergé que très rarement, il est peu probable qu’on y assiste à l’occasion de tels évènements économiques.

Comment cette crise pourrait-elle diminuer le train de vie et la sécurité économique de la classe moyenne ?

Assurément, les pertes en bourse et la baisse de l’immobilier dans les villes de seconde et troisième catégorie auront un impact. Mais la consommation est encore un phénomène nouveau, plutôt en croissance en Chine, sous-représenté dans les postes budgétaires des ménages. L’inflation est absente, et seuls les biens importés vont effectivement se renchérir marginalement à l’occasion de la dévaluation des 11 et 12 août derniers, qui reste cependant marginale à ce stade.

Le gouvernement lui-même pourrait-il reconnaître ses manquements et répondre aux critiques, ou pourrait on le voir politiquement diminué ? Est-ce que la parade militaire de cette semaine, à l'occasion de la fin de la deuxième guerre mondiale, est un exercice de démonstration de la bonne santé de l'appareil d'Etat ?

La tradition chinoise, et sa réinterprétation récente par le régime actuel, mais aussi par ses prédécesseurs immédiats (comme on l’avait vu lors du tremblement de terre de 2008) inclut effectivement la responsabilité et les déclarations indiquant, au-delà des purges de responsables désignés et jouant le rôle de fusibles, que jusqu’au sommet de l’Etat, la prise de conscience est effectuée et la reconnaissance des erreurs effective. 

Cela dit le leader actuel est le plus populaire encore depuis les dernières successions de dirigeants chinois. Il sait jouer sur tous les tableaux, la proximité, l’autorité, la dignité, le rayonnement international et c’est ce qui fait sa solidité. Ses faiblesses pourraient être à l’intérieur du Parti, où des critiques existent certainement, feutrées ou plus fortes, mais sans réelle affirmation à ce stade, en particulier du fait des luttes intitulées "anti-corruption". La voie est donc libre. La parade exceptionnelle (normalement c’est un exercice décennal) ne démontre rien d’autre qu’une volonté de solidifier le consensus autour de l’idée de grandeur chinoise, avec des références aux racines mêmes du régime (le véhicule officiel, le vêtement militaire du dirigeant, voire la proximité avec la Russie) qui sont plus circonstancielles que réellement structurelles. Ce défilé réussi est assurément une démonstration de force et de bonne santé, mais qui ne présente rien de nouveau, sauf sans doute l’évocation des luttes communes du peuple chinois, au-delà des clivages politiques, puisque pour la première fois le rôle des combattants du Kuo MinTang qui a perdu le pouvoir en 1949 à l’accession de Mao, a été reconnu en la personne de ses vétérans.

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