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Ségolène Royal, cette habituée
du parachutage
contre les militants locaux
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Démocratie à géométrie variable

L'investiture de Ségolène Royal aux législatives à La Rochelle a été validée mardi soir par le bureau national du PS. Elle échappe ainsi à une éventuelle primaire face aux élus locaux. Un paradoxe pour la fameuse apôtre de la "démocratie participative"...

Yves Revert

Yves Revert

Yves Revert est journaliste à la rédaction de La Nouvelle République du centre Ouest à Niort.

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Atlantico : Le bureau national du PS a validé l'investiture de Ségolène Royal à La Rochelle pour les élections législatives, éliminant de fait les potentielles candidatures d'élus locaux. Un "parachutage" qui n'est pas sans rappeler les élections municipales de 1995 à Niort. Qu'en était-il du contexte politique de l'époque ?

Yves Revert : A Niort, le contexte politique de l'époque était assez difficile pour les socialistes, puisque cette ville politiquement à gauche depuis environ un demi siècle, était récemment tombée entre les mains du candidat UDF Jacques Brossard, dans le cadre des élections législatives. Le Maire Bernard Bellec, sévèrement battu à ces élections, faisait alors figure de candidat malheureux du PS.

Par ailleurs, en 1994, la gauche avait également perdu les élections cantonales. 

Ségolène Royal, alors députée du Sud des Deux-Sèvres, en avait tiré la conclusion que la gauche risquait de perdre la ville lors des élections municipales, si le Maire sortant Bernard Bellec confirmait la candidature à sa propre succession en 1995. Son raisonnement consistait donc à se présenter aux municipales de Niort à la place du Maire sortant Bernard Bellec, de manière à assurer une victoire de la gauche.


Dans quelles conditions s'était opéré le "parachutage" de Ségolène Royal à Niort ?

A l’époque, Ségolène Royal était seulement députée d’une circonscription rurale, et elle ambitionnait vraisemblablement de devenir Maire d’une ville, de manière à disposer de davantage de "surface" politique. Et l’occasion se présentait, puisque le Maire sortant n’était pas - a priori - bien placé pour garder la ville.

Une primaire a donc eu lieu pour désigner le candidat socialiste le plus à même - sur le plan démocratique et militant - de briguer la Mairie de Niort. A Ségolène Royal, les militants niortais de la section PS ont préféré Alain Baudin, le jeune poulain de Bernard Bellec. Ségolène Royal était donc battue par six voix...

Le soir même, Ségolène Royal, qui était également la Première secrétaire fédérale du PS des Deux-Sèvres, a convoqué un Conseil fédéral à l'échelle du département pour faire annuler ce vote. Elle est donc passée outre le résultat des primaires par un coup de force, ignorant de fait le vote des militants. Le lendemain, à Paris, elle s’est faite investir par le bureau national du PS.

Au final, une triangulaire a eu lieu pour les élections municipales. Ségolène Royal s'est maintenue comme candidate officielle du Parti socialiste ; Bernard Bellec comme Maire sortant, qui refusait de se retirer de la compétition sous prétexte que Mme Royal était investie par Paris ; et un candidat de droite. Ségolène Royal est arrivée en tête au premier tour. Mais au second tour Bernard Bellec l’a emporté, une partie de la droite locale ayant reporté ses voix sur sa candidature, de peur qu'une "étrangère" puisse s'emparer des clés de la ville.


Une guerre ouverte était-elle déclarée entre les candidats socialistes ?

Une image particulièrement révélatrice me revient, celle de la vitrine des locaux de Ségolène Royal qui avait été recouverte d’excréments. C’était effectivement une véritable guerre ouverte.

L’équipe municipale sortante s’était divisée entre les candidats socialistes. La guerre civile grondait au sein du sein du PS niortais. Si bien que les habitants ne parlaient plus que du combat des deux candidats socialistes aux municipales.

Ségolène Royal avait même fait venir Jack Lang, pour que ce dernier l'assure publiquement de son soutien. Pour Ségolène Royal, il s'agissait de jouer la carte de la célébrité politique, en promettant qu'en cas d'élection à la Mairie niortaise, elle sortirait la ville de son anonymat.

Bernard Bellec, quant à lui, s’en est tenu à sa ligne de Maire sortant, et son expérience du terrain politique local.


Que dire justement de son investiture aux élections législatives à La Rochelle, qualifiée par certains socialistes de "parachutage de la honte" ?

Olivier Falorni, "hollandiste" de renom et Premier secrétaire fédéral du Parti socialiste en Charente-Maritime, avait obtenu au terme d'un vote à bulletin secret (des membres et militants de la fédération) que la circonscription de La Rochelle ne soit pas seulement réservée à une femme, dans le cadre des futures élections législatives.

Pourtant, le bureau national du PS à Paris a invalidé le vote de la fédération locale engagé par Olivier Folarmi, et affirmé que la circonscription devait revenir à une femme. Restait donc trois femmes en lice, Ségolène Royal bien entendu, mais également deux conseillères municipales de La Rochelle : Patricia Friou et Nanou Jaumouillé. 

Le bureau national du PS a finalement invalidé les candidatures des conseillères municipales en se prononçant contre l'idée d'une primaire, et en investissant directement Ségolène Royal.


En se prononçant de la sorte, le bureau national du PS ne souhaitait-il pas éviter à Ségolène Royal d'essuyer une énième défaite ?

Le raisonnement du bureau national du PS à Paris peut certainement s'expliquer de diverses manières... Mais il est très probable que les socialistes ont jugé que Ségolène Royal était trop utile au sein de l'Assemblée nationale, pour courir le risque d'une primaire à La Rochelle.

Enfin, le Maire Maxime Bono lui a témoigné son soutien en lui "offrant" sa circonscription, et les Rochelais n'ont manifesté aucune hostilité quant à sa candidature.


Que dire du recours répété à de telles pratiques par Ségolène Royal, alors qu'elle-même se pose en défenderesse de la "démocratie participative" ?

Le PS sacrifie des élus locaux au détriment du vote militant, car la fin justifie les moyens. Certains impératifs mettent entre parenthèse les règles et pratiques communes au sein des appareils politiques.

Propos recueillis par Franck Michel


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