"L’école n’a pas pour objectif d’imposer un code de bonne conduite à ses élèves"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
"L’école n’a pas pour objectif d’imposer un code de bonne conduite à ses élèves"
©

Interdire la minijupe à l'école ? Non !

L’école publique maternelle et primaire de Ploudalmézeau (Finistère) part en guerre contre les minijupes, les shorts, le maquillage et les talons. Le règlement intérieur, voté à l’unanimité par le conseil de l’école, instaure un code vestimentaire scrupuleux pour les jeunes filles. Mais, selon l'écrivain Jules Gassot, "on peut lire Voltaire en mini-jupe !"

Jules Gassot

Jules Gassot

Jules Gassot est écrivain.

Il est l'auteur du Manuel de savoir-vivre à l’usage des jeunes filles (Stéphane Million Editeur, 2010)

 

Voir la bio »

Atlantico : Une école publique maternelle et primaire de Ploudalmézeau (Finistère) a voté un code vestimentaire scrupuleux pour les jeunes filles : exit les minijupes, les shorts, le maquillage et les talons. Pourquoi une école a-t-elle besoin d’inscrire ces notions dans son règlement intérieur ?

Jules Gassot : Un problème d’éducation entre les parents et les enfants persiste. Si l’école a besoin de se substituer au rôle des parents, ce règlement peut s’avérer nécessaire pour l’établissement.

Il est néanmoins fort dommage que l’école brise la créativité des enfants, tous les matins chacun apprécie de choisir ses vêtements et affirmer son style. C’est l’âge de la découverte. Le maquillage ne me semble pas gênant pour apprendre à lire et à compter. De nos jours, nous observons une phobie ambiante sur tout. Il existe une peur collective sur la sexualité. Au moindre écart, les gens s’alarment. C’est une réaction défensive de l’établissement mais je ne suis pas sûr que cela règle quoique ce soit. Pour régler le sujet, le dialogue s’impose.

L’interdiction, souvent, ne fonctionne pas. Cependant sur des enfants, c’est une valeur qui peut avoir des résultats, n’ayant pas les moyens de se défendre. Lorsque l’on impose quelque chose, il se créer, généralement, l’effet inverse. Si cette école y voit une amélioration tant mieux mais je crains que ce règlement et sa vocation reste lettre morte.

Doit-on y voir une sexualisation des jeunes filles de plus en plus précoce ?

Pourquoi les enfants jouent-ils aux adultes avant l’âge ? Mettre du gloss, des mini-jupes et des talons traduit certes un rapport de séduction, cela peut donner l’impression d’une sexualisation plus précoce des enfants. Mais il existe une différence entre vivre sa sexualité et vivre dans un monde sexy.

Quel sont les intérêts des jeunes filles derrière ce comportement ? La question se pose. Les enfants font ça innocemment, je pense que c’est une simple volonté d’imiter les plus grands, sans avoir conscience de leurs actes. C’est de l’amusement d’aller à l’école maquillée et en talon. Je ne pense pas qu’il y est une volonté de séduire l’instituteur derrière ce comportement. On oublie trop souvent la notion du plaisir de découverte des enfants, de tester certaines choses.

Ce n’est pas calculé, par ailleurs, leur environnement est très sexué.  Les magazines, les programmes télévisés notamment. Est-ce que pour autant les enfants de CM1/CM2 sont plus sexués qu’il y a 30 ans ? J’en doute.

Le regard adulte est perturbé par la société qui lui échappe et son évolution qui s'effectue plus rapidement que pour la génération précédente. La société s’inquiète de voir ces enfants devenir des adultes.

De surcroit avec l’interdiction de s’habiller comme elle le souhaite, une fois arrivée au collège ces jeunes filles vont se déchaîner.

Est-ce la vocation de l’école de légiférer les codes vestimentaires des élèves ?

C’est étrange. L’école n’est pas là pour juger. Je ne pense pas non plus que les instituteurs de cette école avaient l’intention d’élaborer un règlement vestimentaire en se lançant dans cette vocation. Leur combat est intéressant mais si celui-ci n’est pas relayé auprès des parents il n’a pas d’aboutissement.

L’école n’a pas pour objectif d’imposer un code de bonne conduite à ses élèves. Elle est là pour les aider à se construire et à s’accomplir. Ce n’est pas à travers un code vestimentaire que l’on peut changer le cerveau de quelqu’un. On peut lire Voltaire en mini-jupe !

L’école et le ministère de l’Éducation nationale donne l’impression de dresser un citoyen parfait. Robespierre s’est déjà cassé les dents sur ce sujet. Un citoyen parfait n’est pas un bon citoyen c’est un soldat de plus sans personnalité. Cette volonté d’uniformisation des individus n’est pas la solution, bien au contraire, le but est de former des individus ultra-différents.

Cet évènement est une petite goutte d’eau qui corrobore les actions du gouvernement. Depuis quatre ans il n’existe pas de prime à l’originalité, la tendance est plutôt à la dépersonnalisation.

Cela témoigne d’une volonté de résoudre tous les problèmes comportementaux, on pense que le bien se réduit à ne pas déranger. L’école ne souhaite plus d’enfant turbulents par conséquent, ils inventent des textes pour canaliser les comportements, celui-ci ne sera qu’une proposition supplémentaire parmi tant d’autre. La semaine prochaine le nouveau règlement concernera les garçons qui n’auront plus droit de porter des joggings ou des jeans car cela ne fait pas sérieux.  Nous pouvons inventer un texte comme ce dernier une fois par semaine, c’est une perte de temps vis-à-vis de la pédagogie qui mériterait d’être davantage prise au sérieux pour s’adapter à ces nouvelles attitudes.

C’est une régression dans la mission d’un enseignant, une perte de temps sur un travail délicat. 

Voir le point de vue de Lydia Guirous sur ce même sujet.

Propos recueillis par Caroline Long.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !