Pourquoi la promesse de baisse d’impôts s’inscrit plus dans une logique d’habileté politique que dans une quelconque stratégie d’efficacité économique<!-- --> | Atlantico.fr
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Si le krach boursier venait à s’amplifier, les recettes fiscales de la France risqueraient de chuter fortement.
Si le krach boursier venait à s’amplifier, les recettes fiscales de la France risqueraient de chuter fortement.
©Reuters

Bla bla bla

Pour l'année 2016, François Hollande s'est engagé à baisser les impôts pour un montant qui devrait avoisiner les 2 milliards d'euros. Au regard du contexte économique mondial, l'effet d'annonce prime clairement sur la volonté de relancer la croissance.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Maître Thomas Carbonnier est Avocat et coordinateur pédagogique du DU Créer et Développer son activité ou sa start-up en santé au sein de l’Université Paris Cité (issue de la fusion Paris 5 et Paris 7). Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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Atlantico : En quoi cette mesure est elle susceptible de relancer la croissance ? 

Thomas Carbonnier : Cette promesse n’engage que ceux qui y croient. Elle répond à de véritables craintes de contagion de l’exil fiscal des classes moyennes supérieures. Les contribuables français sont sur un bateau. Les très riches, riches et le haut de la classe moyenne tombent à l’eau : qui reste-t-il à bord pour payer les impôts ?

Cette volonté subite de baisse de la pression fiscale ne trompe personne : elle poursuit des fins électorales. Les motivations économiques sont, malheureusement, très secondaires. D’ailleurs, à l’heure actuelle, les prévisions de croissance économique de la Chine ont été divisées par quatre. La plus grande usine du monde menace d’être frappée brutalement par une crise économique violente mais, heureusement, rassurons-nous, à l’instar du nuage de Tchernobyl, notre pays sera totalement épargné !

Compte tenu du désastre économique et fiscal, notre pays est-il gouverné par des amateurs ou des professionnels ? Le Titanic a été construit par des professionnels alors que l’arche de Noé, l’a été par travail d’amateurs. L’un a coulé, l’autre a sauvé le monde. Qu’en sera-t-il du gouvernement, de sa politique fiscale et de l’économie française… ?

La question du financement de cette mesure n'est pas encore résolue. Entre croissance, baisse des taux ou baisse des dépenses, quels sont les moyens dont dispose le gouvernement pour y répondre ? Quelles sont les contraintes du gouvernement à ce sujet ?

Si le krach boursier venait à s’amplifier, l’économie française en serait affectée au même titre que l’emploi. Dans de telles conditions, les recettes fiscales risqueraient de chuter fortement. Une baisse des taux ou de l’assiette de l’IR risquerait d’accroître le déficit budgétaire de l’Etat anticipé en raison d’un financement quasi-impossible à mettre en œuvre.

Toutefois, il existe une vraie piste à explorer. Celle-ci serait idéologiquement dangereuse pour une gauche en manque de reconnaissance. Elle constituerait un vrai retournement idéologique : diviser de moitié le taux de l’IR. Les contribuables habituellement exonérés d’impôts ne s’en remettraient probablement pas. Il en irait probablement de même pour de nombreux élus : les socialistes se reconnaîtraient plus dans un IR qui n’aurait plus vocation à  tenter de réduire, à défaut de réduire de manière effective…, les écarts de richesses.

Imaginons l’improbable : le Président Hollande annonce qu’il limite à 25% le taux maximum de l’IR. Que se passerait-il ? Quand Reagan a baissé, en 1986, les taux d'impositions de moitié, les recettes fiscales ont... doublé ! Pour mémoire, le taux marginal était de 50% à… 28% ! Du côté anglais, Margaret Thatcher avait également baissé de manière réelle les taux d’imposition et avait obtenu des résultats sensiblement comparables.

Lorsqu’un contribuable est très fortement fiscalité, il est tenté d’échapper à l’impôt par tous moyens. Le vigneron sera amené à déclarer des rendements par parcelle très inférieurs à la réalité. L’agriculteur minorera l’ampleur de ses récoltes. Le chef d’entreprise d’une TPE essayera d’accroître artificiellement ses frais kilométriques dans ses frais remboursables pour diminuer légèrement sa note fiscale. Quant à ceux dont la fiscalité pour qui elle est devenue insupportable, ils quitteront le territoire national si possible. Toutefois, lorsque la fiscalité est perçue comme faible, elle devient acceptable aux yeux de nombreux contribuables. Les ambitions frauduleuses de ces derniers diminuent. La fraude n’est plus intéressante : le jeu n’en vaut plus la chandelle.

Rappelons à cet effet qu’il existe de nombreux avantages fiscaux pour les propriétaires de grands patrimoines mobiliers (parts et actions de sociétés, obligations, tableaux de maître, voiture de collection, etc). Pour ces contribuables, l’exil fiscal est aisé. Il est aisé de créer une société holding en Belgique qui détiendra la société commerciale française pour des raisons purement fiscales… Le contribuable personne physique n’aura alors plus qu’à se domicilier dans un pays européen à faible fiscalité. Il pourra gérer ses affaires à distance grâce aux nouvelles technologies et venir en France rapidement en avion ou en tgv.

En revanche, pour les propriétaires immobiliers, il est très difficile d’échapper à l’Impôt. Ils ne bénéficient que d’avantages fiscaux en trompe l’œil : les dispositifs de défiscalisation immobilière classique sont rarement intéressant sur le long terme. Malheureusement, il est trop souvent oublié tous les emplois générés par l’industrie immobilière : gardien d’immeuble, plombier, charpentier, maçon, électricien, architecte, conducteur de travaux, géomètre-expert, notaire, avocat, huissier, syndic, administrateur de biens, gestionnaire d’HLM, agent immobilier, inspecteur technique du bâtiment, thermicien, ingénieur spécialisé en génie urbain, etc. Ce secteur procure des emplois de tous niveaux qui eux sont durables et impossibles à délocaliser. Malheureusement face à la pression fiscale, les investisseurs préfèrent se détourner du marché français pour privilégier celui de l’immobilier allemand, belge et hollandais pour des raisons essentiellement fiscales…

Il est vraiment urgent de sortir de l’idéologie pour privilégier l’efficacité de l’impôt !

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