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La crise pousse les classes moyennes vers les solutions politiques radicales
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Les classes moyennes & la rigueur

Un panel de 120 Français des classes moyennes amené à converser sur la plateforme collaborative FreeThinking. L'étude s'est déroulée du 10 au 19 novembre. Objectif : mieux comprendre leur perception de la crise des dettes souveraines, du plan de rigueur Fillon II et des proposition du B20 et du patronat Français. (Épisode 1/3)

Véronique  Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier ont créé en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

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Pour les Français qui se sont exprimés durant ces 10 derniers jours, une confirmation qui n'est pas une bonne nouvelle : la rigueur du plan Fillon II est nécessaire mais insuffisante. Parce qu'elle ne s'attaque pas aux problèmes de fond mais se contente de coller des rustines, des "vieux chewing-gums", selon l'expression de l'un d'entre eux, sur des fuites qui ne sont pas réellement traitées.

Ce qui est fait à leurs yeux, c'est essentiellement colmater ce qui peut l'être à coup d'expédients budgétaires et de recettes marginales nouvelles. Ceci les amène à formuler trois reproches majeures :

Un plan Fillon II injuste, forcément injuste

Ce qui ressort encore, c’est la perception d’une série de mesures s’en prenant prioritairement au citoyen moyen et dont la conséquence sera inévitablement à leurs yeux la baisse de leur pouvoir d’achat et la montée du chômage notamment dans le bâtiment. Des mesures n’allant pas chercher l’argent là où il se trouve - dans les dépenses publiques, dans tous les avantages fiscaux, dans les revenus financiers.

Une perception qui se construit aussi de façon sélective : l’impôt sur les grandes sociétés présent dans le plan Fillon II, par exemple, n’est jamais cité, comme s’il n’existait pas. En revanche, est « relevé » le fait que les très hauts salaires ne sont pas mis à contribution. Et les élites politiques protégées. Sur ce point, le gel des salaires du Président et des ministres fait l’effet d’une provocation. Dans une moindre mesure, est aussi relevée l’inexistence de mesures contre la France de l’assistanat qui renforce l’idée d’un plan injuste socialement.

Extraits de propos tenus par notre panel de Français :

« Il faudrait déjà veiller à réduire plus significativement les dépenses publiques avant de taxer le citoyen qui est étranglé de payer plus par ici et par là. »
« Ce sont toujours les mêmes qui  mettent la main au porte-monnaie :

-       réduction des dépenses de la sécurité sociale, donc cela va entraîner quoi encore ? moins de soins pour les petits revenus ?
-       Hausse de la TVA, donc petits restaus en famille, sorties ciné, et j’en passe…
C’est toujours 2 poids, 2 mesures. »
« Je pense qu’il faut un plan de rigueur pour nous sortir de la crise. Mais je trouve que ce sont les bas salaires qui paient comme d’habitude. J’aurais préféré une taxe sur les gros salaires et une nouvelle tranche d’impôts pour les plus riches. Et aussi une baisse des salaires pour les ministres et les élus. Une taxe sur les affaires financières. Et enfin, arrêter de gaspiller avec les fêtes, pour élus, les ministres et à l’Elysée. »

Sans vision, pas de mobilisation

C’est ainsi que notre panel formule son deuxième reproche majeur. Celui-ci se traduit de 2 façons :

  • Le plan de rigueur serait un plan de court terme qui ne donne pas à voir un projet pour la France. C’est le besoin qui s’exprime à chacune de nos investigations d’entendre un discours ambitieux sans être naïf ou utopique, sur le retour à une France forte, sur la relance de l’emploi, sur la défense de l’industrie française, sur la création d’entreprise, sur la dynamisation des atouts de la France. Donner le cap pour retrouver un élan, et ne pas se contenter de donner le programme technique. 

« Stimulons et dynamisons notre savoir-faire, donnons de l’ambition aux créateurs d’entreprise serait sans doute plus prospère pour tous ».

  • Ensuite, un plan sans aucune visibilité sur le "Roi". Alors que dans cette période de « ponction », le gouvernement ne peut pas se contenter de « prendre » mais doit aussi rendre des comptes en faisant preuve de clarté et de rigueur sur les résultats attendus, au-delà du comptable.

« La RIGUEUR OUI ! parce que l’on a pas le choix !!!Mais pourquoi on nous dit pas la VERITE ! L’ECHEANCIER DES DETTES DE LA France ! UN PREVISIONNEL avec différentes possibilités ! L’État est une entreprise et si nous, citoyens français étions actionnaires, il y aurait des avertissements depuis longtemps. »

  • Le complexe de Sisyphe. Sans vision, c’est un sentiment teinté d’une forte exaspération qui domine ; celui de ne pas voir de marge de progression possible, celui de se dire que les années qui viennent vont se ressembler et que le sort de la France risque d’être comparable à celui des autres pays européens, avec un déclassement sans précédent – le glissement progressif vers un pays sous-développé.

« Plan de rigueur sur plan de rigueur et après ? Travailler plus pour gagner plus ? Pour le moment, j’ai l’impression de travailler plus pour…travailler plus ».
« Le pouvoir mène le pays à la ruine et la crise prend des aspects aux risques très explosifs ».
« Les mêmes méthodes qu’en Afrique : réduire les dépenses de l’état ! C’est vrai que pour développer un pays l’idéal est de réduire les profs,  les infirmières… » 

Ce qu'il faudrait faire...

Ce qu'il faudrait faire, c'est véritablement "changer de logiciel" : non seulement changer par de vraies réformes plutôt que par une succession de mesures budgétaires ; mais aussi et surtout changer en réinventant, en pensant différemment « out of the box » le nouveau modèle français.

« Je trouve ce plan de rigueur inadapté. En effet il faut que tous les français payent des impôts au jour d’aujourd’hui, il y a moins d’un ménage sur 2 qui en payent. Comment voulez-vous qu’on y arrive. De plus il faut absolument encourager le travail, diminuer les indemnités chômage. Il faut taxer les hauts revenus quand on voit que quelqu’un qui gagne 6000 euros par mois ne paye pas d’impôts car il a un bon conseiller fiscaliste.
Dépenses excessives du côté de l’Etat avec des conseillers en masse, des frais généraux trop élevés !!!On doit absolument réindustrialiser le pays pour pouvoir créer des emplois ; il y a trop de personnes qui s’occupent des services. Bref beaucoup de choses à revoir. Il faut remettre tout à plat ! Imposition juste pour tous et en fonction des revenus  sans possibilité d’y échapper !!»
« Le plan de rigueur ne servira à rien si des emplois ne sont pas créés. La véritable relance passe par là. Un nouveau monde est à inventer. Retroussons-nous les manches et tous ensemble. » 

  1. Droite / Gauche : qui pourra changer le logiciel ?

2ème enseignement de notre étude, qui n'est pas surprenant en lui-même mais qui étonne par sa radicalité : la conscience de la nécessité urgente du changement se heurte de plein fouet au sentiment que personne, dans la classe politique "de gouvernement", n'est capable de le mener à bien.

Un constat très fort dans les 600 contributions recueillies : oui, il faut changer, et vite, si nous ne voulons pas être la Grèce hier, demain peut-être l'Italie. L'audace est pour eux de rigueur, l'heure aux solutions radicales et nouvelles. Mais, en regard de ce constat partagé avec la classe politique "de gouvernement", une question émerge : ne faudrait-il pas commencer à regarder ailleurs - beaucoup plus du côté des extrêmes, à droite, mais aussi (surtout ?) beaucoup plus à gauche, pour trouver une solution ?

Cette opinion émergente se structure autour de quatre points :

  • Un désabusement classique mais de plus en plus présent face à l'offre politique traditionnelle des principaux partis. Ce n'est pas nouveau, mais on sent bien qu'un point de non-retour n'est pas loin d'être atteint. Avec une opinion très largement partagée sur le blog : les premiers responsables de la crise, en réalité, ce ne sont pas les banquiers aussi décriés soient-ils, ce sont les politiques ; les politiques qui ont enfoncé le pays (voire le continent) dans des dysfonctionnements aujourd'hui ingérables. Cette opinion va de pair avec une question radicale : comment ceux qui nous ont mis dans cette situation pourraient-ils nous en sortir ?

"Ce sont des années de déficit budgétaire que nous devons payer. Droite ou gauche, aucun, n'a été capable de gérer le pays avec rigueur. Quel particulier se permettrait de repousser sur le long terme ses propres dettes en se disant que de toute façon, ce sont les autres qui paieront ? J'ai vraiment envie de porter plainte contre l'état français pour abus de confiance, sauf que l'état français c'est moi ! mdr"
"Les erreurs du passé, nous les payons à ce jour. Depuis les années 80, aucun gouvernement ne s'était penché sur les problèmes de demain. L'Europe n'a pas été une bêtise... Mais personne n'a pensé aux conséquences quand un pays coulait... Les plans de rigueur ne font que commencer... Si nous voulons garder notre système."


  • Cette question se pose bien sûr à Nicolas Sarkozy mais aussi et surtout pour François Hollande. En effet : un doute sur la personnalité de François Hollande et sa stature présidentielle dans ces temps troublés se fait jour sur le blog. Non pas que ses propositions soient massivement rejetées - elles sont en fait peu évoquées, la polémique sur les 60 000 embauches dans l'Education Nationale n'étant pas ou peu reprise dans la discussion - . Mais les commentaires sur sa personnalité et son ancrage très "traditionnel"  et "centriste" au PS ne peuvent être ignorés.

Surtout, au-delà des commentaires négatifs ou sceptiques sur François Hollande, un point apparaît : le peu d'appétit qu'il suscite. Face à une situation incertaine et somme toute effrayante, face à un possible saut dans l'inconnu, François Hollande ne fait pas envie. A cet égard, la comparaison avec les contributions que nous recueillions  sur notre blog il y a 7 mois sur DSK est spectaculaire. Là où DSK était présenté comme un possible sauveur, même si lui aussi était issu du "système", François Hollande ne l'est pas du tout. Il n'a pas d'aspérités, ne provoque pas la discussion, ne mobilise pas pour ou contre lui.

"François Hollande n'a pas le charisme nécessaire et les épaules assez solides pour diriger le pays alors que la situation économique est extrêmement délicate. Nicolas Sarkozy n'a pas fait de miracles jusqu'à présent mais il a pour lui l'expérience de la crise."


  • Face à cette insignifiance relative de François Hollande, et encore une fois dans le contexte général d'un très grand doute sur la capacité du personnel politique "traditionnel" à résoudre les problèmes qu'il a lui-même créés, on assiste à une recrédibilisation relative de Nicolas Sarkozy. On ne peut pas du tout  affirmer que le Président de la République retrouve un soutien massif de la part des participants ; mais il est clair que le rejet dont il faisait l’objet en des termes d'une rare violence il y a encore 7 mois (avec un mot d'ordre très largement partagé : vivement DSK, que Sarkozy s'en aille) n'est plus de saison. Bien-sûr, on trouve encore un nombre non-négligeable de Français pour le mettre en cause durement. Mais, et cela émergeait déjà dans la dernière investigation d’avril, sa personne ne suscite plus la marée de critiques voire d'insultes qu'elle provoquait. Un « retour de respect » semble donc apparaître, pour l'instant visible plus en creux qu'en plein mais visible quand même. L'effet de la crise, avec cette idée que sympathique ou pas, et même si le succès n'est pas assuré loin de là, le Président est à la manoeuvre dans le gros temps, qu'il ne se cache pas.

"Le bateau prend l'eau, c'est le moins qu'on puisse dire. Le Président Sarkozy tente de faire bonne figure en imposant des restrictions massives et des plans de sauvetage. C'est pas démagogique mais c'est maintenant son boulot. Le candidat de gauche tente de mener son rôle d'opposition mais semble lui aussi désarmé face à cette situation qui ne cesse d'évoluer au fil des semaines sans que personne n'arrive vraiment à la contrôler."
"J'ai l'impression que si ça n'avait pas été Nicolas Sarkozy à la présidence de la France, la situation serait peut-être encore pire... Aucun candidat opposant présumé ne me semble avoir assez charisme pour représenter la France en 2012."


  • Dernier point important : finalement, si on est contre Sarkozy (qui reste malgré tout l’homme du bouclier fiscal et de l’échec sur le pouvoir d’achat, encore et toujours évoqués), mais pas convaincu par Hollande, que reste-t-il ? Que reste-t-il pour "changer de logiciel" et échapper à la répétition du même (rigueur, difficultés de pouvoir d'achat...) sous une forme différente ? Les idées plus radicales du Front de Gauche, qui répondent à la radicalisation des esprits. C'est la première fois sur ce blog que l'extrême gauche opère une telle percée dans les contributions. Non pas sur des idées très identifiées ou des propositions précises, non pas sur la personnalité de Jean-Luc Mélenchon qui reste assez peu cité (alors que le Front de Gauche l'est bien davantage qu'il y a 7 mois, lui) ; mais sur sa capacité à opérer une critique encore une fois radicale du système. A proposer une alternative vraiment alternative, pas un ajustement à la marge (mais douloureux quand même).

"Mais je pense qu'une alternative existe, en effet il y a bien un parti qui présente un projet réaliste chiffré, qui prend l'argent là où il se trouve et non pas au peuple pour les prochaines présidentielles, mais comme les media sont à la solde des marchés financiers on n'en parle quasiment pas et ceux qui sont pour la pensée unique le tourne en dérision. C'est le Front de Gauche, dont j'i découvert le programme sur leur site.
Effectivement le Parti de Gauche et quelques autres partis proposent de reprendre les choses en main car OUI un état peut décider de manière unilatérale de refuser un système de notations incohérent... ET même si le pays est tenu par des engagements européens je ne crois pas au regard de l'Histoire qu'on lui reprocherait d'avoir refusé cette mainmise des spéculateurs sur une économie nationale. On pourrait rester dans la zone euro sans pour autant en accepter les diktats des financiers. La finance a eu la peau de plusieurs chefs d'état. Certes ils n'étaient pas les meilleurs, mais élus par le peuple. Et 'est au peuple de dire qui doit gérer le pays !"»  

Suite de ce feuilleton des "classes moyennes face à la rigueur" demain...

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