Avec 64% de Français qui considèrent qu’on est encore en pleine crise, le moral national se dégrade légèrement<!-- --> | Atlantico.fr
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Une large majorité des sondés peine à voir la lumière au bout du tunnel.
Une large majorité des sondés peine à voir la lumière au bout du tunnel.
©Reuters

Baromètre IFOP pour Atlantico

Selon une enquête IFOP pour Atlantico, en matière de situation économique, le moral des Français est en berne. Loin de l'optimisme dont fait preuve le gouvernement, une large majorité des sondés peine à voir la lumière au bout du tunnel.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Dans quel contexte s’inscrit ce baromètre aujourd’hui ?

Jerôme Fourquet : On se place dans une approche historique puisque cette enquête a été initiée en 2009 au moment où France décrochait économiquement. Une douzaine de mesures a été effectuée sur la perception des Français dans la perspective d’une sortie de crise. Il était d’autant plus intéressant de disposer d’un nouveau point de mesure en cette rentrée, au moment où ce sujet est au cœur du débat politique. En effet le gouvernement s’est avancé sur ce thème à plusieurs reprises, la sortie de crise serait à porter de main et l’activité économique en train de repartir.

Pourquoi avoir fait le choix de l’aspect psychologique à travers le ressenti des sondés dans cette enquête ?

Dans toute sortie de crise, une dimension psychologique va jouer. La confiance des acteurs économiques, des consommateurs et des dirigeants d’entreprise est élément décisif pour sortir des comportements de précaution et pour se remettre à consommer, investir ou prendre des risques. C’est ce que le gouvernement essaye - si l’on est critique on dira par la « méthode coué », ou de manière plus neutre : « dire c’est faire » - et de faire réadvenir un niveau de confiance dans la société française pour accompagner une reprise économique venant de l’extérieur.

Le gouvernement explique qu’il faut avoir confiance, que la politique menée commence à porter ses fruits, et se faisant, il s’agit d’accompagner le mouvement et de l’amplifier. Les deux ne sont pas contradictoires, avoir à la fois des éléments objectifs tels que l’INSEE peut nous les fournir (taux de chômage, indice de la consommation, taux de croissance…) et puis d’un autre côté des éléments plus subjectifs fournis par les instituts d’opinion sur le climat et la psychologie de nos concitoyens. Le diagnostic qu’ils font est encore très sombre et on est loin d’un diagnostic partagé avec celui que tient le gouvernement.

Quel est l’état d’esprit des Français à la lecture de ces résultats ?

2/3 des Français estiment que nous sommes encore en pleine crise. On a donc une large majorité de concitoyens qui n’adhèrent pas à l’idée que la lumière est au bout du tunnel et que les choses s’arrangent. L’état psychologique des citoyens n’a pas évolué depuis mars quasiment. A la fin du 1er trimestre, cela s’était achevé par une croissance positive, +0.6% de croissance, mais le deuxième trimestre avait été atone sur le plan de la croissance avec 0%. Les chiffres que l’on a ici viennent donc en appui des mesures INSEE.

Les Français restent très sceptiques et l’état du rapport de force est très proche de ce qu’on observait au moins de mars. C’est mieux qu’en janvier 2012, le début d’année avait coûté cher à Nicolas Sarkozy à quelques mois de la présidentielle. La crise débutée en 2008 avait connu une amélioration autour de 2010-2011 et une rechute au début de 2012 avait été durement ressentie par les Français. C’est ce que les économistes nomment le double creux.

Depuis – on était quasiment à 80% de Français qui estimaient qu’on était en pleine crise - cette proportion est inférieure. Nous ne sommes plus dans le point le plus bas de la courbe en W mais 2/3 estiment qu’on est en pleine crise. Le gouvernement mise sur un regain de moral de la part des Français pour améliorer les tendances qui se dessinent. Or, d’après nos chiffres, l’enthousiasme et l’optimisme que le gouvernement voudrait communicatif n’a majoritairement pas déteint sur la population.

Quelles sont les grandes tendances en fonction des catégories ?

Les résultats de la déclinaison par catégorie sont assez classiques. Bien entendu on reste dans le domaine de la perception, du ressenti mais celui-ci ne tombe pas du ciel. Il est ancré dans une réalité quotidienne, sur le vécu des sondés. Ainsi 76% des ouvriers estiment que l’on est en pleine crise, contre 58% des professions libérales et des cadres supérieurs. Deux lectures qui ne sont pas contradictoires : même sur les cadres supérieurs, les catégories privilégiés, on atteint quasiment les 60% d’individus qui pensent que l’on a les deux pieds dans la crise, dont le moral n’est pas au beau fixe. Et au fur et à mesure que l’on descend dans l’échelle sociale, cette morosité est encore plus prégnante : 72% chez les employés et 76% chez les ouvriers. Donc la France populaire, celle visait par la baisse d’impôt en cette rentrée juge au ¾ que la situation est encore dégradée et que le retournement de conjoncture n’est pas pour demain. Cela n’est pas un signe très encourageant pour la consommation quand on sait que ces catégories-là ont les capacités d’épargne les plus faibles et dépensent presque l’intégralité de leur budget.

Cela se retrouve sur la déclinaison par revenus. Pour les revenus les plus modestes les discours du gouvernement apparaissent en total décalage avec leur ressenti.

Un prisme sympathisant se dessine, les électeurs de gauche ont un peu plus tendance à adhérer aux discours du gouvernement. Plus on se dirige à droite, plus on pense que la France est plombée. Un double effet explique le résultat des électeurs FN puisque cet électorat est plus enclin aux discours déclinistes et en plus les classes populaires sont particulièrement représentées au sein du parti.

Pour conclure, le gouvernement a les yeux rivés à juste titre sur le taux de croissance, le taux de chômage, le carnet de commande des entreprises, sur les chiffres du commerce extérieur autant d’éléments mais il a bien conscience que l’aspect psychologique des choses, le moral est au moins aussi important. C’est pour cela que cette question est précieuse et ce moral semble durablement morose, si d’aventure une reprise économique venait à arriver, aucun regain d’optimisme chez els Français ne pourrait amplifier cette reprise.

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