Rentrée de Marine Le Pen en Haute-Marne : les leçons de la dynamique frontiste en zone rurale aux départementales<!-- --> | Atlantico.fr
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Des variations parfois assez significatives du vote FN s'observent au niveau local.
Des variations parfois assez significatives du vote FN s'observent au niveau local.
©REUTERS/Philippe Wojazer

Sociologie du vote FN

Alors que les élections européennes de 2014 et les départementales ont montré une adhésion similaire au Front national, plusieurs dynamiques ont évoluées, selon une analyse réalisée par l’Ifop pour la Fondapol.

Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach pour la Fondapol

Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach pour la Fondapol

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

Sylvain Manternach travaille au département Opinion de l'Ifop.

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Si le niveau du vote FN est resté stable par rapport aux élections européennes de juin 2014 au plan national, des variations parfois assez significatives s’observent à un niveau d’analyse plus fin. On constate en effet par exemple que dans la circonscription nord-ouest les candidats frontistes obtiennent des scores en retrait de la performance "personnelle" de Marine Le Pen. A l’inverse, dans la plupart des cantons du Var et dans une partie des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes les représentants frontistes améliorent le score de la liste FN qui était conduite par Jean-Marie Le Pen lors des européennes.

Mais de manière plus globale, on constate une vraie différence de comportement entre les zones rurales et les agglomérations comme le montre le graphique suivant.

L’évolution du score du FN entre les européennes et le premier tour des départementales

selon la taille de la commune (France entière)

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Au plan national, le FN est en recul sensible dans les plus petites communes et il cède du terrain dans toute la ruralité alors qu’il s’inscrit en dynamique dans la France urbaine et progresse plus significativement encore dans les plus grandes villes (+2.8 points dans les communes de plus de 100 000 inscrits). On retrouve ici la même dichotomie que concernant l’abstention. Ceci n’est pas le fait du hasard mais illustre de nouveau un rapport différent à l’Europe et aux départements entre les zones rurales et les milieux urbains. Le rejet de l’Europe s’exprime avec plus de force dans les zones rurales qui dans le même temps, on l’a vu, manifestement un attachement plus intense à l’institution départementale. De ce fait, dans les campagnes, on a plus facilement voté FN à l’été 2014 quand il s’agissait de dire "non" à l’Europe alors que cette année le FN n’a pas autant bénéficié de la dimension vote de rejet dans ses territoires plutôt bien disposés à l’égard des conseils généraux, territoires qui se sont d’ailleurs davantage mobilisés que les grandes villes. A l’inverse, ces dernières se sentaient moins concernées par ce scrutin et moins attachées aux départements ce qui a eu comme traduction une abstention particulièrement élevée et un vote FN en progression par rapport aux européennes où la dimension anti-UE avait moins joué que dans les campagnes.

A ce rapport différent entretenu par les villes et les campagnes aux départements (et à l’Europe) est venu se greffer un autre facteur celui de l’influence des élus locaux, facteur plus sensible en milieu rural que dans les agglomérations. Prenons à titre d’exemple le cas du département du Nord. A l’instar de ce que l’on a observé au niveau national, on constate ici aussi que plus une commune était petite et plus le FN a reculé par rapport aux européennes de 2014 et qu’inversement, plus on s’élevait dans la hiérarchie urbaine, et plus la dynamique frontiste était forte.

L’évolution du score du FN entre les européennes et le premier tour des départementales

dans le département du Nord

Mais localement ce reflux en zone rurale a été amplifié par la présence de maires candidats aux départementales. Ainsi, alors que le FN recule en moyenne de 0.9 point sur l’ensemble du département, il cède de 4.8 points dans les communes dont le maire était candidat suppléant dans un binôme et 7.2 points dans celles dont le maire était candidat titulaire. La carte ci-dessous montre que bon nombre de zones de fortes pertes du FN par rapport aux européennes correspondant à ce type de communes. C’est le cas notamment dans le valenciennois, dans les deux communes les plus au sud du département mais également aux marges de l’agglomération lilloise où l’érosion "naturelle" du vote FN par rapport aux européennes dans ces communes qui ne sont plus vraiment urbaines est amplifiée par la présence d’un maire comme candidat. Ainsi alors que la plupart de ces communes périphériques apparaissent en jaune (progression de 0 à 2 points) ou en bleu pâle (recul de 0 à 2 points) bon nombre d’entre elles ressortent en bleu plus foncé.

Deux autres zones apparaissent en bleu foncé sur la carte mais sans pour autant qu’elles ne comptent de communes dont le maire se présentait. Il s’agit de la région de Wormhout au nord du département et de celle du Cateau-Cambrésis au sud. Dans ces deux territoires, des conseillers généraux bien implantés se représentaient cette année : Patrick Valois, divers droite, dans le canton de Wormhout et Laurent Coulon du PS dans celui du Cateau-Cambrésis. Or, ces deux candidats se sont construit de solides fiefs dans leur canton historique. Ainsi sur le nouveau périmètre du canton de Wormhout, comprenant 45 communes, Patrick Valois et son binôme obtiennent 48.4% au 1er tour mais ce score grimpe à 58.7% sur les 11 communes qui constituaient le canton de Wormhout jusqu’en 2015. De la même façon, Laurent Coulon recueille 26.8% sur son nouveau canton composé de 56 communes mais 37.2% en moyenne dans les 18 communes de l’ancien canton du Cateau-Cambrésis. Cette "prime au notable" a, dans ces deux territoires, elle aussi freiné la dynamique frontiste et détourné localement des voix du FN.

En quittant le Nord, on retrouve le même phénomène. Partout en zone rurale, le FN a moins été porté que lors des européennes par le vote sanction et il s’est heurté de surcroît à l’implantation de certains maires qui, en se portant candidats aux élections départementales, ont capté de nombreuses voix dans leur commune, faisant baisser d’autant les autres partis politiques dont le FN.

Prenons par exemple le canton de Saint-Pierre-le-Moûtier dans la Nièvre. Le FN y enregistre par rapport aux européennes un recul de 4.8 points, mais ce reflux atteint 18.2 points dans la commune de Toury-Lurcy dont le maire n’est autre que Guy Hourcabie, par ailleurs conseiller général sortant divers gauche du canton de Dorgne (1), 13.9 points dans celle de Livry, dirigée par Christian Barle, conseiller général divers droite sortant du canton de Saint-Pierre-le-Moûtier et 15.4 points à Chantenay-Saint-Imbert dont le maire est Alix Meunier, suppléant de Christian Barle.

Autre exemple, on constate le même phénomène en Dordogne dans le canton du Pays de Montaigne et Gurson où la baisse du FN atteint 7.2 points sur l’ensemble du canton. Mais elle est de 27.6 points à Saint-Géraud-des-Corps, dont le maire est Thierry Boide, qui est également conseiller général sortant de l’ancien canton de Villefranche-de-Lonchat et 21.1 points dans la commune de Bonneville-et-Saint-Avit-de-Fumadières dont le maire est serge Foucaud, conseiller général sortant socialiste du canton de Vélines (2), se représentant cette année.

Dans le même ordre d’idées, et de manière plus globale, on observe que sur l’ensemble des cantons ruraux la présence de conseillers généraux sortants, influe assez clairement sur l’évolution du score du FN entre les européennes de 2014 et le premier tour des élections départementales. Dans les cantons ruraux ne comptant aucun sortant se représentant, le FN progresse en moyenne de 0.7 point par rapport aux européennes. Dans ceux comptant un sortant, il est stable. Il recule ensuite de 1.9 point dans les cantons comptant deux sortants et de 3.5 points dans ceux en dénombrant trois (cas beaucoup moins fréquent).

(1) Canton intégré dans le cadre du redécoupage dans le nouveau canton de Saint-Pierre-le-Moûtier.

(2) Ce canton et celui de Villefranche-de-Lonchat ayant été intégrés dans le nouveau canton du Pays de Montaigne et Gurson.

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