Xavier Bertrand : "Les migrants doivent savoir que l’Europe n’est plus un territoire où l’on peut trouver des prestations sociales ou du travail"<!-- --> | Atlantico.fr
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Xavier ertrand, candidat Les Républicains aux élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Xavier ertrand, candidat Les Républicains aux élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
©Reuters

Entretien politique

Candidat Les Républicains aux élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand ne mâche pas ses mots en matière d'immigration. Le député-maire revient notamment sur son idée de "blocus maritime", le cas de Sangatte à Calais, la responsabilité de Londres et la manière dont la France doit gérer l'arrivée massive de migrants en Europe.

Xavier Bertrand

Xavier Bertrand

Xavier Bertrand est Président de la Région Hauts-de-France et Président de Nous France.

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Atlantico : Dans quelle mesure l’accord trouvé avec la Grande Bretagne jeudi 20 août marque-t-il l'échec de Schengen ?

Xavier Bertrand : Les problèmes à Calais sont principalement dû à l’Angleterre puisque les migrants ne veulent qu’une chose : passer de l’autre côté de la Manche. Parce qu’en Angleterre il est possible de travailler facilement sans papiers.

Avant même la question de Schengen regardons la situation dans les pays d’origine de ces migrants, en Libye comme en Erythrée : tant que ces pays ne connaîtront pas la paix, beaucoup chercheront à fuir.

La France comme l’Europe doivent également investir dans le développement et le co-développement dans ces régions, et je pense notamment au formidable projet de Jean-Louis Borloo pour l’électrification de l’Afrique, pour lequel l’Europe doit totalement s’engager.

Tant que de telles politiques n’auront pas été mises en place, je préconise l’instauration d’un blocus maritime au large des côtes libyennes plutôt qu’au niveau des côtes italiennes comme c’est le cas aujourd’hui, afin d’éviter de nouveaux drames en Méditerranée.

Alors que Nicolas Sarkozy fermait en novembre 2002 le centre de Sangatte, le nombre de clandestins n'a pas décliné. Un centre d'accueil de jour pour gérer l'afflux a été créé en septembre 2014. Comment traiter cette problématique dans la région ?

L’accord signé jeudi 20 août avec la Grande Bretagne est un  bon accord... pour Londres, puisque nous continuons de jouer le rôle de garde-frontière des Anglais, avec, certes, un financement britannique un peu plus important. Les Anglais doivent aussi prendre en charge sur leur territoire nombre de ces migrants, comme ils l’ont fait dans le cadre des accords du Touquet.

Enfin, je rejoins Natacha Bouchart, maire de Calais, sur l’idée de la création d’un centre différent du centre d’accueil Jules-Ferry, ouvert seulement quelques heures par jour. Il faudrait un centre géré par le HCR. On ne peut pas continuer à ignorer la réalité de la vie des calaisiens ainsi que les conséquences économiques causées par la situation des migrants.

Les Anglais doivent assumer leur part de responsabilité, et pas seulement sur le plan de la sécurité. Ils doivent changer de politique à l’égard de l’immigration, de l’immigration clandestine et de l’emploi des clandestins. Sans cela, les problèmes à Calais ne seront toujours pas résolus.

Ensuite, les migrants  doivent savoir que l’Europe n’est plus un territoire où l’on peut trouver des prestations sociales ou du travail comme ce fut le cas dans le passé. Ce message doit être porté à l’échelle européenne. Souvenons nous de cette phrase prémonitoire de Michel Rocard : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre sa part." Ceci est bien évidemment vrai pour toute l’Union Européenne.

Un mot sur la fermeture de Sangatte et les accords du Touquet. L’accord consistait à effectuer les contrôles à Calais en échange de quoi le centre de Sangatte était fermé et les migrants pris en charge en Angleterre. Mais aujourd’hui la situation a beaucoup changé.

Comment s'organiserait ce blocus maritime que vous préconisiez en juin au micro de France Info ?

A environ 1km des côtes libyennes, des navires européens bloqueraient les départs des bateaux des passeurs. Faire un blocus au large des côtes italiennes, c’est déjà trop tard. A la vue des autorités, les passeurs jettent à l’eau les migrants. Si certains peuvent alors être sauvés, beaucoup périssent.

Plus de 100 parlementaires français se sont déjà engagés pour une telle solution, en co-signant une proposition de résolution.

Est-ce suffisant quand on sait que depuis le début de l’année, la plupart de ces mouvements migratoires proviennent non pas d’Afrique mais de Syrie et d’Afghanistan par le biais de la Grèce et de la Turquie ?

Avant toutes choses, c’est la protection de toutes nos frontières européennes extérieures qui doit être renforcée. Aucune des demi-mesures mises en place aujourd’hui ne réussira, c’est pourquoi il faut une politique globale et beaucoup plus ferme. 

Par ailleurs, il est temps que la Turquie sorte de l’ambiguïté concernant l’immigration. Enfin, depuis de nombreuses années je défends l’idée que Frontex puisse se doter d’un véritable corps de garde-côtes et de garde-frontières, mieux à même de protéger les frontières de l’Europe, comme par exemple en Grèce.

Depuis le début de l’année on compte 340.000 migrants aux portes de l’UE, l’année dernière à la même période ils étaient 123.500 et 280.000 au total pour l’année 2014. C'est la pire crise que connait l'Europe depuis la Seconde guerre mondiale selon le HCR. Comment traiter les causes sans se limiter aux symptômes ?

Nombre de solutions doivent être apportées par l’Europe, mais avant l’Europe. C’est à dire en Afrique, comme dans les zones de conflit. La paix, le développement économique et médical dans ces pays d’émigration sont essentiels. Sans cela, les candidats à l’exode ne manqueront pas.

Le ministre de l’Intérieur s’est rendu à Calais puis à Berlin. Ces déplacements ne remplacent pas la nécessité d’un sommet européen, urgent mais surtout décisionnaire.

Mme Merkel elle-même a reconnu que la question des migrants serait un enjeu plus important encore pour l’Europe que la situation financière de la Grèce.

Lorsqu’en mai dernier, la Commission européenne envisageait la question des quotas pour répartir les migrants sur le territoire européen, le chiffre de 20 000 personnes à accueillir sur 2 ans était alors envisagé, très loin de la réalité des chiffres actuels. Comment la France au sein de l'Europe peut s'organiser face à ces mouvements de populations ?

Je ne suis pas d’accord avec cette politique de répartition en Europe, et que l’on arrête de nous faire croire que la réponse réside ici. Il va falloir revoir d’ailleurs le statut d’enclaves européennes qui sont situées en Afrique du Nord… Par exemple Ceuta et Melilla, à partir desquelles il est possible de bénéficier d’un statut de réfugié à titre européen. Cela doit changer. Les décisions disparates entre les Etats européens peuvent avoir de lourdes conséquences. Souvenez-vous : la France au début des années 80, l’Espagne et l’Italie ensuite, en régularisant  massivement, ont créé un appel d’air.

Encore une fois, selon Frontex, ce sont 340.000 migrants qui ont été détectés aux portes de l’UE entre janvier et juillet cette année. Que fait-on d’eux concrètement ?

Il faut développer des centres dans des pays du Maghreb, dans les pays de transferts, sur la base du partenariat. L’Europe doit les financer, c’est dans son intérêt. En effet, une fois que ces migrants sont en Europe, il est trop tard. Quant aux migrants qui sont déjà au sein de l’UE, s’ils ne peuvent bénéficier d’un quelconque statut réglementaire, ils doivent repartir dans leur pays d’origine. Ces règles sont connues de tous, il faut maintenant les appliquer. J’assume cette politique de fermeté. 

Ne confondons pas un Afghan qui va quitter son pays pour fuir les talibans,  avec celui qui vient en Europe chercher un emploi, même hypothétique.

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