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Touche pas à mon pouvoir d'achat !
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EDITORIAL

Les débats sur des chiffres qui devraient faire l'unanimité démontrent notre grande difficulté à l'analyse objective dépassionnée et à faire des choix. D'accord pour une rigueur budgétaire de l'Etat qui n'impacte pas mon quotidien !

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Il paraît qu'on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres. Peut-être. Ce qui est sûr, c'est qu'on peut souvent trouver le chiffre qui argumente votre point de vue. L'Italie par exemple a une dette publique supérieure à la notre du point de vue du poids qu'elle représente rapportée au PIB (120% versus 85% en France), mais une dette plus « saine » du point de vue de ce que l'on appelle le déficit primaire (le déficit budgétaire avant le paiement du service de la dette).

Si la France est bien en déficit primaire, l'Italie, et l'Allemagne, sont en excédents primaires. Autrement dit, le solde financier dû au fonctionnement des services publics est positif dans ces deux pays. Mais voilà que depuis hier, sans doute agacés par l'éloge permanent de l'Allemagne, sa rigueur budgétaire, ses grosses PME (grôse PME comme dirait Renault en ce moment) et ses exportations florissantes, nous avons enfin trouvé à redire, en accusant l'Allemagne de camouflage budgétaire, sans omettre à l'occasion le parallèle avec le grand mensonge grec, histoire d'aiguiser encore la réjouissante et soulageante attaque.

Dans l'impasse, on se rassure en se comparant, un peu comme nos enfants évoquent la moyenne ou la pire note de la classe suite à l'annonce d'une mauvaise note (lorsque cela arrive exceptionnellement bien sûr).

De même, si la dette publique est devenue encombrante, et ceci de façon quand même consensuelle, il n'en demeure pas moins, comme pour le cholestérol, qu'il semble exister une bonne et une mauvaise dette, celle de la France ayant la vertu d'avoir amorti le choc de la crise plus qu'ailleurs. Tout comme il existe une dette structurelle et une dette conjoncturelle, comprendre exceptionnelle et provisoire, comme la vignette, car en matière de taxe comme ailleurs, rien ne dure comme le provisoire.

Le mode de calcul peut lui aussi différer, comme le révèle le dernier match entre coût annuel et coût cumulé des 60 000 fonctionnaires supplémentaires dans l'éducation nationale du plan Hollande. S'il coûte parait-il 500 millions par an de payer 12000 fonctionnaires, cela coûte aussi 1 milliard d'en payer 24000 la seconde année, et ainsi de suite. Certains allant même jusqu'à compter toutes les annuités, les retraites, etc.

Autrement dit, tout le monde a raison, et c'est bien là le drame de la place laissée, face souvent à des journalistes mollement intrusifs sur les chiffres, aux joutes des tribunes plateaux télé, lorsqu'un consensus politique sur les grands indicateurs (au moins ça) s'avère indispensable. L'argumentation subjective sur les chiffres entretient les approches dogmatiques, perturbe le travail pédagogique nécessaire et consolide les positions partisanes.

Et si les calculs sur les options sont débattus, ils sont rarement étoffés par l'analyse de l'impact des décisions antérieures. Les niches fiscales par exemple doivent tout d'un coup toutes (ou presque) disparaître parce que la présentation exclusive de leur coût ignore systématiquement les bénéfices engendrés, faute de les avoir mesurés. Pour en revenir aux 60 000 enseignants, le bénéfice attendu, par exemple en réduction de l'échec scolaire pour ne citer qu'un indicateur, n'est jamais évoqué.

Ces débats sur une vérité qui de plus en plus se conjugue au pluriel traduisent aussi notre difficulté contemporaine à faire des choix, alors tout est argumentable. Difficulté à faire des choix car ils signifient aujourd'hui renoncements, lorsque la période de l'après guerre nous a éduqué au toujours plus, au toutes options, au carré de chocolat en plus du café, hier un plus, aujourd'hui un acquis. Cette approche géologique par accumulation de strates nous fait vivre douloureusement cette période de rigueur, évocatrice d'efforts, de réductions, lorsque nous nous étions habitués à la générosité de l'Etat providence et à l'augmentation de nos taux d'équipement, des fonctions de nos appareils domestiques, de nos amis facebook, etc. Même le Congrès américain était dans l'impasse hier pour trouver les économies de dépenses publiques annoncées lors du deal du début août sur le relèvement du plafond de la dette (cf édito du 2 août).

La multiplication des lignes de dépenses des budgets des ménages considérées chacune comme inégociable ou devenue primaire (la téléphonie et internet par exemple), dans un contexte d'inflation (notamment énergétique), de chômage et d'augmentation programmée de la pression fiscale, crée une très forte tension sur le pouvoir d'achat des ménages qui reste, et sera, une préoccupation majeure, et un enjeu central de la campagne présidentielle.

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