Pourquoi Apple et Google feignent d'être en guerre commerciale<!-- --> | Atlantico.fr
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Apple et Google, une lutte fratricide... pour de faux.
Apple et Google, une lutte fratricide... pour de faux.
©Reuters

World wide war

Les deux mastodontes sont moins en concurrence frontale qu'on ne pourrait le penser : à chacun sa niche. La guerre qu'ils se livrent pourrait bien n'être qu'un simulacre visant à conserver chacun leur position dominante.

Ludovic Lassauce

Ludovic Lassauce

Ludovic Lassauce est responsable produit marketing global chez un équipementier télécom en charge du Machine-to-Machine (Internet des objets). Il a un diplôme d'ingénieur en télécommunications, ainsi qu'un MBA en économie et finance de l'Université de Chicago- Booth School of Business.

 

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Apple contre Google est certainement le match, dans le secteur high-tech, le plus palpitant du moment. Une véritable lutte fratricide que le blogueur californien Mike Elgan a récemment qualifié de "guerre atomique", oppose ces deux géants issus du même célèbre fond d’investissement de la Silicon Valley, Séquoïa Capital. Depuis son lancement, Android (Google), principale plate-forme applicative concurrente d’iOS (Apple), est rapidement passée d’une simple alternative à un environnement dominant.

Cette guerre fait rage sur deux fronts. Au niveau applicatif, Apple lance des nouveaux services comme « Siri » visant à éliminer le besoin de faire appel aux applications Google dans son environnement iOS, tout comme de son côté Google Music se substitue à iTunes. Puis, au niveau des terminaux, Apple s’attaque directement aux fabricants, comme Samsung, utilisant la plateforme Android, en livrant cette fois-ci une bataille juridique afin de contenir ceux-ci dans une niche de marché bien distincte.

La théorie de la guerre entre les deux géants, bien qu’excitante, a pourtant un peu de plomb dans l’aile. En effet, analysons un peu plus en détail les positions respectives des deux géants. Google et Apple sont-ils réellement substituts l’un de l’autre sur le marché des smart phones ?

Une guerre qui n'en est pas une

Pour cela, considérons les deux extrémités de la chaîne de la valeur : l’éditeur d’applications et le consommateur final. Si l'on considère le marché d’un point de vue de l’éditeur d’applications, il n’y a clairement pas de concurrence entre Android et iOS, car nous sommes très loin du modèle de distribution Nintendo. Les deux environnements offrent aux développeurs une opportunité de générer des revenus sur deux marchés distincts dans la mesure où ni iOS, ni Android ne leur imposent des conditions d’exclusivité, et où leurs modèles économiques de rémunération sous-jacents sont très similaires. D’ailleurs, Android a même été une aubaine pour Apple, parce qu’en accélérant l’adoption des smart phones de manière considérable, il a permis à la communauté des éditeurs de se multiplier en atteignant des seuils de retour sur investissement plus rapidement.

Qu’en est-il maintenant du point de vue du consommateur final ? Il y a deux manières de répondre à cette question. Tout d’abord d’un point de vue purement quantitatif, observons le « churn » entre les deux environnements (ou conversion d’un utilisateur Apple en Android et vis versa). Si les études quantitatives restent limitées compte tenu de la structure du marché en forte croissance, en interrogeant Google, sa percée s’est faite d’une part sur la conquête d’utilisateurs vierges, et d’autre part sur le renouvellement au dépend des environnements BlackBerry, Microsoft Windows, Symbian,… sans vraiment conquérir des utilisateurs à Apple.

Une deuxième approche complémentaire et qualitative s’appuie sur la structure du marché des terminaux. Apple et Google occupent deux niches de marché bien distinctes. Une première segmentation s’effectue au niveau des prix d’acquisition du terminal où lorsqu’un iPhone neuf dernier cri non subventionné atteint un prix d’environ 800 euros, on peut acquérir un téléphone Android dernier cri à moitié voir à un quart du prix. On se retrouve en gros à comparer Porsche avec Renault ou bien de la Budweiser avec une bonne Leffe. Peut-on vraiment considérer ces marques comme concurrentes bien qu’apparemment vendant des produits similaires ? C’est ignorer le concept de niche. Une deuxième segmentation apparaît au niveau de la psychologie de l’utilisateur qui existait déjà dans le monde informatique entre adaptes Windows et Mac, l’un privilégiant l’ouverture et la masse, sur une intégration verticale pour offrir une expérience utilisateur supérieure.

Les raisons de ce simulacre de bataille

Alors qu’est ce qui peut alimenter cette idée qu’Apple et Google se mènent une guerre sans merci malgré leurs investisseurs initiaux communs et un positionnement techniquement situé sur deux niches de marché distinctes ?

Premièrement, la crainte bien réelle des lois « antitrust » pourrait entraver grandement leur liberté de mouvement sur le marché de l’édition et de la publicité en ligne. Cette menace motive les protagonistes eux-mêmes à maintenir ce simulacre de bataille, tout en prenant soin de ne pas allumer d’incendie sur leurs propres terres.

Ensuite, sur une chaîne de la valeur en mouvement constant, l’angoisse d’un saut technologique, qui peut mettre hors course un acteur en très peu de temps, est écartée par une perpétuelle course à l’innovation. Et, le saut technologique ne se résume pas uniquement à une affaire d’investissement R&D, mais aussi à la capacité culturelle d’une société à se remettre en cause. Si Google taille des croupières à Microsoft, ce n’est pas parce que ce dernier n’est pas capable de fournir l’effort de R&D nécessaire pour rivaliser avec Google, mais bien parce que son organisation a atteint un tel niveau qu’elle n’est plus capable de se transformer.

Dans le cas présent, en marge du marché des smartphones, émerge celui de l’ "Internet des objets". Ivan Seidenberg, précédent PDG de Verizon (opérateur mobile leader aux USA), évoquait un taux de pénétration probable de la téléphonie mobile de plus de 500% de la population, par l’émergence d’un nombre considérable de terminaux autre que le téléphone mobile. Ce marché pourrait ouvrir une brèche pour un nouvel entrant offrant une plateforme applicative et bousculer l’hégémonie établie d’Android et Apple.

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