Censure anti-jeunes : pourquoi la société française perd son temps à vouloir les corriger plutôt que d'exploiter leurs ressources ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Extrait de "Oser la jeunesse", publié aux éditions Flammarion.
Extrait de "Oser la jeunesse", publié aux éditions Flammarion.
©Reuters

Bonnes feuilles

Vincent Cespedes analyse la société contemporaine, montrant que celle-ci compte de moins en moins sur la jeunesse pour se réinventer. Il invite à donner de l'ambition à la nouvelle génération, à lui transmettre de l'ardeur et à l'autoriser à critiquer le monde pour faire naître le désir d'entreprendre et la soif de vivre. Extrait de "Oser la jeunesse", publié aux éditions Flammarion (2/2).

Vincent Cespedes

Vincent Cespedes

Vincent Cespedes est philosophe et écrivain.

Il est l'auteur de L'homme expliqué aux femmes ou encore de L'Ambition ou l'épopée de soi chez Flammarion.

Il tient une page Facebook ainsi qu'un blog.

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Mais la censure antijeune des sociétés frileuses commence à un niveau inframédiatique : dans le langage qu’on utilise pour s’adresser à toi. Rarement de la parole vivante, de la passion pour te comprendre et échanger ; souvent du discours à sens unique, des ordres à suivre, des commandements. Prête attention aux aînés qui s’adressent à toi. La plupart se montrent-ils ouverts au dialogue, intéressés par ton point de vue et prenant le temps de le découvrir ? Non : ils t’écoutent pour te juger, et te jugent pour te recadrer. Et ça les fait jouir, parce que ça les rassure. Parce qu’ils te contrôlent et par conséquent contrôlent tout ce qui pourrait nuire à leur confort intellectuel et émotionnel. Chaque usage du conditionnel te tire les oreilles : « Tu devrais… Tu aurais dû… » ; chaque usage de l’impératif t’aboie dessus. Ils te font la leçon, et refusent que tu la leur fasses. D’où leur hypocrisie envers les enfants, leur mépris railleur des adolescents, leur flagrant rejet des jeunes adultes.

A l’époque victorienne, le romancier Charles Dickens avait fait du droit des enfants son cheval de bataille. Le 8 février 1858, un dîner fut organisé sous sa présidence pour célébrer l’anniversaire de la fondation d’un hôpital des enfants malades à Londres. Il confia, lors de son discours : « Je me suis donné pour règle dans la vie de ne pas croire quelqu’un qui me dit qu’il ne s’intéresse pas aux enfants. » En 2015, l’auteur d’Oliver Twist se retourne dans sa tombe : les enfants – ce qu’ils ont à raconter, à condamner, à pointer du doigt, à vouloir meilleur – n’intéressent, au mieux, que leurs proches, mais les démocraties modernes les rejettent, et avec eux, les jeunes de moins de trente ans. Si des publicitaires se penchent sur leurs habitudes et leurs attentes, c’est pour mieux les manipuler. Des psys, pour soigner leurs addictions, leur « hyperactivité » ou leurs pulsions morbides. Des doctrinaires politiques, pour les embrigader et les instrumentaliser. Des entreprises cyniques, pour les exploiter. Tous veulent corriger la jeunesse et non l’accepter telle qu’elle est, avec ses défiances, ses déviances, son aplomb.Tous veulent lui apprendre à vivre, dans le sens de lui apprendre à la dure la politesse et les bonnes manières, non dans celui d’un enseignement enthousiasmant.

Extrait de "Oser la jeunesse", de Vincent Cespedes, publié aux éditions Flammarion, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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