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La Russie, nouveau "big brother" du web
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KGB 2.0

Le programme russe Roskomnadzor ambitionne de surveiller l'ensemble des médias en ligne. Ou comment le gouvernement de Dimitri Medvedev tente de contrôler Internet...

Roskomnadzor. Derrière ce nom se cache le service fédéral de surveillance d’Internet et des médias traditionnels, qui dépend du Ministère russe des Télécommunications. Fondé en 2008, son objectif est notamment de "garantir et protéger la confidentialité des données privées, personnelles et familiales de citoyens".

En pratique, Roskomnadzor surveille les médias et menace de faire fermer les sites Internet qui ne supprimeraient pas assez rapidement des contenus jugés "illégaux". Une activité qui devrait prendre de l'ampleur dès la fin de cette année, avec la mise en place d’un programme étendu de surveillance.

24 heures chrono pour la régulation des médias en ligne

En 2010, Roskomnadzor commence par donner 24 heures aux médias en ligne pour supprimer tout commentaire jugé inapproprié, afin de "prévenir la circulation d’informations contraires à la loi". En l’absence de réponse du site après deux notifications, le service peut saisir la justice. Les décisions rendues peuvent entraîner la perte d'immatriculation comme média des sites internet visés, et donc dans les faits sa fermeture.

Parmi les cibles de Roskomnadzor, le journal indépendant Novaïa Gazeta. En octobre 2010, le rédacteur en chef adjoint du journal, Sergei Sokolov, écrit sur le blog du journal: "Il est tout à fait possible que vous ne puissiez plus trouver Novaïa Gazeta l’année prochaine, ni dans votre kiosque, ni dans votre boîte mail. Nous serons peut-être fermés…" En cause, un article sur le site nationaliste "Russian mind". D’après l’enquête menée par Novaïa Gazeta, il existerait des liens entre les membres de "Russian Mind" et les responsables de l’assassinat de la journaliste Anastasia Barburova, qui écrivait pour Novaïa Gazeta.

"Après la publication de cet article, nous nous attendions à ce que Roskomnadzor s’occupe du site Russian Mind. Roskomnadzor s’est occupé non pas de l’ultra-droite, mais de Novaïa Gazeta", poursuit Sergei Sokolov.

Cinq millions de mots clés...

Malgré ses inquiétudes, Novaïa Gazeta existe toujours. Mais Roskomnadzor s’apprête à se doter de nouvelles forces.

Un nouveau projet naît en effet en avril dernier. Roskomnadzor annonce le développement d’un programme de surveillance, qui liste cinq millions de mots clés jugés "illégaux". Il fonctionnera avec un moteur de recherche et scannera les sites web des médias de masse, pour y trouver ces fameux contenus illégaux. Ce programme sera prêt fin décembre, doté d’un budget de 15 millions de roubles, soit 359 000 euros.

"Le nombre et la nature des objectifs fixés au moteur de recherche sont surprenants, écrit Gregory Asmolov sur Global Voices. Ils dépassent de loin l’incitation à la haine nationale ou les appels à la violence. Ils incluent non seulement le terrorisme, l’appel aux actions qui menacent l’ordre constitutionnel, les informations classées secret défense, la publicité pour les drogues et la pornographie, mais aussi les fausses informations sur les personnalités officielles, et les contenus qui menacent la liberté et le secret du choix pendant les élections."

Une liste "impressionnante, et quelque peu effrayante", rapporte le journal Business Insider.D’où viennent ces inquiétudes ? De son budget, relativement peu élevé, et du temps imparti pour le développement du programme, rapportés à un objectif ambitieux. D’après plusieurs blogueurs russes, il est tout bonnement impossible de faire fonctionner ce programme dans ces conditions. Pour certains, cette incohérence est le signe que le programme est en réalité déjà mis en route. Ils craignent en outre que ce budget limité soit une manière de camoufler l’objectif ultérieur : commencer petit, en ne visant que la presse en ligne, avant d’élargir la compétence du projet en visant les blogs, et finalement "tout ce qui est en ligne".

Enfin, que va-t-il advenir des informations rassemblées par le moteur de recherche, en particulier "les fausses informations sur les personnalités officielles" ? Derrière cette définition, n’est-ce pas un moyen de viser les opposants et militants des droits de l’homme ?"La création de ce logiciel instaure une surveillance généralisée du web russe, qui risque de conduire, à terme, au retrait de tout contenu gênant pour les autorités", s’inquiète Reporters sans frontières.

"Les droits des humains en péril"

La Russie est régulièrement pointée du doigt par les organisations de défense des droits de l’homme. En octobre dernier, Amnesty International publiait un communiqué intitulé"Russie, les défenseurs des droits humains en péril."Cinq ans après l’assassinat d’Anna Politkovskaïa, une autre journaliste de Novaïa Gazeta, l’ONG fait un sombre constat. "En Russie, les journalistes, les défenseurs des droits humains et les militants de la société civile sont pris pour cibles et souvent assassinés en raison de leur travail. Ce n'est pas tolérable. Ces agissements ne font pas l'objet d'enquêtes approfondies ni impartiales, et les responsables présumés échappent à la justice", déclare John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.

Dans ce contexte, une phrase détonne : celle de Jimmy Wales, fondateur de Wikipedia."La Chine continue la censure sur Internet, et nous voyons certains pays du G8 se diriger vers une régulation du web. Le président Medvedev est le seul dirigeant qui comprend vraiment Internet.Nous devons rester vigilant", finit-il par conclure.

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