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"Petites histoires secrètes du rugby...", de Bernard Laporte : tout ce qu'il se passe juste avant un match
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Bonnes feuilles

En 2014, le manager du RC Toulon a su guider son équipe vers sa 4e victoire de championnat de France. Celui qui s'impose comme le meilleur entraîneur français en exercice livre sans détours sa vision singulière du rugby et ses souvenirs. Extrait de "Petites histoires secrètes du rugby...", de Bernard Laporte, publié chez Solar Editions (2/2).

Bernard  Laporte

Bernard Laporte

Bernard Laporte, est un joueur puis entraîneur français de rugby à XV. Il est le sélectionneur du XV de France de 1999 à 2007. Il est également homme d'affaires. Il a été secrétaire d'État chargé des Sports auprès de la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports dans le second gouvernement Fillon du22 octobre 2007au23 juin 2009. Bernard Laporte est depuis 2011, entraîneur du RC Toulon. Il est également consultant sur RMC, notamment pour l'émission Super Moscato Show.

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C’est un moment singulier, qui s’étire entre notre arrivée au stade, une heure et demie avant la rencontre, et le coup d’envoi. La tension, teintée d’excitation et d’appréhension, va crescendo. La concentration et la détermination se lisent sur les visages fermés, déjà projetés vers le jeu à venir. Les rituels sont immuables : chacun a sa place et ses habitudes ; la moindre perturbation dans l’ordre établi est un coup de canif dans la confiance du joueur. C’est là, dans la solitude d’un vestiaire collectif, que se préparent les matchs.

En tant qu’entraîneur, ce moment où l’on pénètre dans les vestiaires revêt aussi une émotion particulière. C’est le dernier instant que l’on partage avec les joueurs avant qu’ils ne pénètrent, seuls, sur le terrain pour jouer la partition édictée en amont. Alors, dans cette petite salle sombre, sommairement meublée de bancs, de portemanteaux et de douches, on a envie de se rapprocher, de se lier à eux et de faire corps jusqu’au coup de sifflet. On veut les encourager, les motiver, les accompagner sur la pelouse.

Il faut trouver les mots, déchirer le silence et exhorter ses hommes à se jeter dans la bataille. Les expressions qui fleurissent là sont magnifiques, elles n’ont de sens et de portée que dans cette intimité. « On va les démonter, les dézinguer, les fracasser… Ils vont tomber le cul par-dessus tête… On va leur marcher dessus… leur filer le tétanos… », clame-t-on, comme on part à la guerre.

Le sérieux du match à venir peine à contenir quelques fous rires. Je me souviens d’une rencontre face à Castres, que l’on recevait à Bègles au début des années 1990. J’étais joueur à cette époque. Toute la semaine, notre entraîneur avait axé notre préparation sur un travail de fond, lourd et austère. Je savais qu’on n’allait pas rigoler : Castres comptait dans ses rangs un pilier sud-africain de tout premier plan, il allait nous faire mal. Et là, dans le vestiaire, je surprends Serge Simon à enfiler des chaussettes de ville avant de mettre ses crampons ! Je lui dis qu’il n’est pas prêt et pas déterminé. Je suis furieux. On peut perdre sur ce genre de détail qui relève de l’amateurisme. Il relève la tête, plante son regard dans le mien et rétorque, d’un ton très calme : « Ton pilier sud-africain, je vais le jouer avec des chaussettes de ville. » Je suis scié. Sur le terrain, il n’y aura pas match : Serge le dominera de bout en bout !

Autre jour, autre match, même décontraction. Toujours sous les couleurs béglaises, nous nous apprêtons à défier Clermont-Ferrand sur son terrain. Les « jaune et bleu » sont des adversaires redoutables, âpres au combat et déterminés à gagner. Il me faut vider le trop-plein d’énervement, apporter le calme et la sérénité nécessaires à la concentration. Je parviens à trouver les mots, nous allons partir nous échauffer quand un cri retentit dans le vestiaire. Vincent Moscato est ivre de rage. Alors qu’il allait enfiler ses chaussures, il découvre qu’un plaisantin s’en est emparé discrètement pour… y faire ses besoins. Je me retourne, les mecs se tordent de rire. L’insouciance et la légèreté ont pris le pas sur la concentration. Heureusement, Vincent avait des chaussures de rechange…

Extrait de "Petites histoires secrètes du rugby...", de Bernard Laporte, publié chez Solar Editions, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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