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"La saga des Romanov" : comment la famille impériale a-t-elle fait son retour dans l’Histoire officielle russe ?
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Bonnes feuilles

De Pierre le Grand à Nicolas II, le roman vrai des souverains de l'ancienne Russie, qui ont bâti le plus vaste pays du monde. L'extraordinaire destin de la famille Romanov, aujourd'hui réhabilitée dans l'histoire officielle, nous est conté par un maître du genre. Extrait de "La saga des Romanov", de Jean des Cars, publié aux éditions Tempus (2/2).

Jean des Cars

Jean des Cars

Jean des Cars est l’historien des grandes dynasties européennes et de leurs plus illustres représentants. Parmi ses grands succès : Louis II de Bavière ou le Roi foudroyé, Sissi ou la Fatalité, La Saga des Romanov, La Saga des Habsbourg, La Saga des Windsor, La Saga des reines et La Saga des favorites. En 2014, il a publiéLe Sceptre et le sang : rois et reines dans la tourmente des deux guerres mondiales. Ses ouvrages font l'objet de traductions, notamment en Europe centrale.

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En Russie, la spectaculaire nouveauté dans l’obsession officielle de réconcilier les citoyens avec leur passé remonte à 1998, lors de l’inhumation des restes identifiés de la famille impériale dans la cathédrale Saint-Pierre et- Saint-Paul de Saint-Pétersbourg, en présence du président Boris Eltsine. Pour y pénétrer avec son épouse, il attendit que le canon de la forteresse tire, à blanc, à midi comme chaque jour depuis Pierre le Grand, pour indiquer l’heure exacte. Depuis cette cérémonie à laquelle j’ai assisté, en compagnie d’Hélène Carrère d’Encausse – cérémonie inoubliable pour ceux qui l’ont vécue, à la fois hautement symbolique et d’un courage politique admirable –, la mémoire n’a plus honte. De ce jour, il y a dix ans, les tsars, leur famille et leurs partisans ont fait, eux aussi, leur retour dans l’histoire officielle russe. Les Romanov ne sont plus systématiquement honnis, exécrés, haïs, au contraire. On cherche même à les comprendre, à en savoir plus. Au minimum, ils ont droit au respect et à la dignité. La famille de Nicolas II a souffert, elle aussi, c’est maintenant reconnu. Les martyrs ne sont plus d’un seul côté. Et leur souvenir est ressenti comme une seconde forme de légitimité, le retour au vieux berceau de la sainte et éternelle Russie. La clé de ce tango idéologique est dans le patriotisme, une valeur russe essentielle depuis toujours ; il suffit de relire Guerre et Paix pour mesurer l’importance de la terre russe. Et, pour une partie de l’opinion russe, Staline défendit cette immensité, comme Alexandre Ier l’avait fait lors de l’invasion napoléonienne. Ce n’est pas un hasard si, encore aujourd’hui, on utilise la même expression de guerre patriotique pour évoquer aussi bien les souffrances de 1812 que celles de 1941- 1945. Face au danger, Russes et Soviétiques ont eu la même attitude. Avec des correspondances. Sait-on que l’ordre d’Alexandre-Nevski, du nom d’un illustre guerrier du XIIIe siècle, canonisé, créé par Pierre le Grand en 1722, devint, sous Staline en 1942, un ordre militaire soviétique du même nom pour stimuler les courages lors des terribles combats de la guerre ? Une distinction du génie russe récupéré par la résistance soviétique.

Une vérité apparut : si l’Union soviétique était un système, la Russie reste une civilisation. Depuis quelques années, les ambassadeurs de Russie rachètent, lorsqu’ils le peuvent, les souvenirs de l’ancienne Russie vendus aux enchères. Le passé impérial, qui n’intéressait officiellement personne, est devenu une valeur sûre. Aujourd’hui, les efforts des uns et des autres visent à refermer la douloureuse parenthèse de l’horreur ouverte en 1917 avec l’effroyable guerre civile et les atrocités qui suivirent. On peut rapprocher cette intelligente démarche de celle de Louis-Philippe, le roi des Français, après 1830. Au château de Versailles, il aménagea le Musée de l’Histoire de France, pour honorer « Toutes les gloires de la France ». La Russie d’aujourd’hui se souvient, elle aussi, de toutes ses gloires, en particulier de celles qui avaient été balayées par l’idéologie marxiste. En 1933, le grand auteur dramatique Jacques Deval fait jouer une de ses plus célèbres pièces, Tovaritch (Camarade), qui met en scène des aristocrates démunis exilés face à un commissaire politique. Dialogue entre deux mondes, deux ennemis. Le délégué soviétique Gorotchenko déclare au grand-duc, ancien aide de camp du tsar : « Vous êtes la Russie d’hier. Je suis la Russie d’aujourd’hui. Mais ni vous ni moi ne pouvons dire ce que sera la Russie de demain… » En 1933 !

Le mercredi 1er octobre 2008, après une instruction commencée en 1995, la Cour suprême de Russie a jugé, définitivement, que les répressions et l’exécution de la famille impériale dans la nuit du 17 juillet 1918 étaient « infondées et injustifiées », les prisonniers ayant été victimes de la terreur bolchevique, sur ordre de Lénine. Le tsar Nicolas II, son épouse et leurs cinq enfants, sauvagement assassinés et n’ayant même pas eu droit à un simulacre de procès, sont donc réhabilités. Quatre-vingtdix ans après ce massacre, les Romanov retrouvent leur honneur.

C’est ce passé perdu mais peu à peu retrouvé que cet ouvrage se propose de raconter, jusqu’à ses mises au jour les plus actuelles qui surprennent bien des Russes. Pour mesurer cette édifiante et amère remarque d’un de mes correspondants : « Nous ne savions pas tout cela. Et nous ne savions pas que vous le saviez… »

Extrait de "La saga des Romanov", de Jean des Cars, publié aux éditions Perrin (1/2). Pour acheter ce livre,cliquez ici.

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