Créativité : nous avons perdu le goût du futur

Dans la mode, dans la déco ou à la TV, plus que jamais il semble que l’ambiance soit à la nostalgie. Vous avez tous déjà entendu ou peut-être même prononcé cette phrase : "La mode est un éternel recommencement". En effet, nous avons tous notre histoire et des réminiscences de notre enfance, mais là il semblerait que le mal soit bien plus profond. En mode, les directeurs artistiques aiment puiser dans les historiques de marques et ne cachent pas leur admiration pour certaines icônes du passé qui ont marqué les époques et sont devenues des patrimoines de l’élégance. Ainsi, Jane Birkin ou Audrey Hepburn ressortent des tiroirs de façon cyclique dans les magazines de mode. Mais depuis quelques années, cette nostalgie tourne à la manie.

Et il suffit d’ouvrir n’importe quel magazine pour se rendre compte du phénomène : les campagnes de pub et les rédactionnel mode semblent renier le présent pour se réfugier dans les années 70, les années 20, les années 50 … Deux créateurs sur trois disent être aller puiser leur source dans le passé,  Beyonce se déguise en mamma 50’s, Wad consacre 2 pages à l’anniversaire de la 4L, Jean Dujardin joue dans un film muet en noir et blanc…

Et sur nos petits écrans, ce n’est pas moins fort : en 2007, Mad Men ouvre la voie du "rêve 60’s" et  depuis c’est la déferlante : Pan Am, The Hours… Ces séries nous rappellent le lifestyle très glamour et l’optimisme d’une époque où tout restait encore à inventer et où la publicité vendait encore du rêve.

Le passé serait-il plus sexy que le futur ? En mode, comme en déco et en art de vivre, le siècle dernier a vu naître de nombreux phénomènes. Les années 50-60, chéries par tant de créateurs aujourd’hui, ont porté les inventions les plus révolutionnaires en terme d’objets (téléviseur, téléphone, réfrigirateur…) et de mode : le prêt-à-porter, la mini-jupe, le pantalon pour les femmes... De façon plus générale, la caractéristique des époques qui nous font rêver est leur façon d'être tournées vers l’avenir. Il existait à ce moment un imaginaire du futur (la science fiction parlait de téléportation et les voitures étaient censées voler en l’an 2000 !). Alors, après avoir batifolé dans le siècle des inventions, ne serions-nous pas en pleine gueule de bois ? 

La créativité de notre siècle est peut être simplement moins spectaculaire. Nous sommes arrivés au fil du temps, à combler tous les besoins fonctionnels, et nos envies flirtent plus avec la recherche d’un luxe quotidien. Nos inventions n’en sont pas moins révolutionnaires. L’Ipad et l’Iphone, par exemple, nous apportent une nouvelle forme de mobilité et une ouverture sur le monde qui est finalement assez proche de l’idée de téléportation. Dans notre comportement mode, le numérique a largement changé la donne, la culture et l’information sont plus accessibles et nous sommes naturellement passés à une mode cultivée et référencée. Le talent de notre décennie sera de jouer avec le temps, d’un côté, en le tuant via la fonctionnalité bien pensée de la "mode intemporelle" et, de l’autre côté, en le convoquant et en le manipulant via des citations historiques créant une "mode émotionnelle". Le temps est donc le réservoir créatif de notre époque.