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Pourquoi l'assimilation par Nicolas Sarkozy de l'allaitement" à une forme "d'esclavage" a-t-elle provoqué tant de commentaires ?
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Milky Way

Lors d'un déplacement à Bordeaux, Nicolas Sarkozy s'est laissé aller à quelques confidences sur son épouse Carla et ses sessions d'allaitement avec la petite Giulia. Selon lui, la pratique est à la fois "une grand joie et de l'esclavage". Des associations britanniques fustigent le machisme du président de la République. Pourquoi tant de passion sur le sujet ?

Sylvie Ricochon

Sylvie Ricochon

Sylvie Ricochon est présidente de l'association française pro-allaitement La Leche League

 

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Atlantico : Filmé par les caméras du Petit Journal de Canal+, Nicolas Sarkozy a déclaré cette semaine que l’allaitement était à la fois "une grande joie et de l’esclavage car son épouse avait peur de ne pas avoir assez de lait". Partagez-vous l'opinion des associations pro-allaitement britanniques, qui fustigent le machisme du président de la République ?

Sylvie Ricochon : Non, je ne pense pas que cela soit machiste. C’est surtout une déclaration de quelqu’un qui n’a jamais allaité, cela m’a plutôt amusé.

Observer sa femme, au début de l’allaitement, qui se consacre entièrement à son bébé, peut apparaître de l’extérieur comme quelque chose de phénoménal, trop prenant ou même trop fusionnel. En fait, cela est vraiment nécessaire à l’établissement de la relation entre la maman et le bébé. Pour moi, ce n’est pas du tout de l’esclavage, c’est une façon de rentrer en contact avec son bébé, d’apprendre à le connaître, d’apprendre à comprendre comment il fonctionne. C’est un passage obligatoire quand l’on démarre l’allaitement.

Je pense que les gens, comme Nicolas Sarkozy, qui portent de tels jugements, ne veulent que le bien de la personne qui est en face. Ils essayent de se mettre à la place de la personne mais ne peuvent y arriver, car ils n’ont pas l’expérience. Il faudrait poser la question à Carla Bruni-Sarkozy. Comment elle le vit ? Est-ce que c’est de l’esclavage pour elle ? Je ne pense pas qu’elle réponde oui à ce genre de questions.

L'allaitement constitue-t-il une pratique très développée en France ?

D’après les derniers chiffres, il y a une augmentation sensible de l’allaitement en France. Nous avons passé la barre des 60% des femmes qui donnent leur sein à leur enfant. Cela n’est quand même pas égal partout, cela dépend des régions. Il y a des poids culturels très forts qui sont très difficilement explicables. Par exemple, en moyenne, les femmes allaitent bien plus à Paris que dans le reste de la France. Il semblerait que plus le milieu est urbain plus les femmes allaiteraient. Cela peut s’expliquer par le fait que l’information soit accessible plus facilement dans les milieux urbains.

Nicolas Sarkozy a également déclaré que "l’allaitement n’était pas une tradition française". Partagez-vous la même analyse ?

En France, nous revenons de loin. Nous avons été très loin dans la pratique de la mise en nourrice. Au XVIIe et XVIIIe siècles, cette pratique était extrêmement courante. Les bébés étaient confiés à des nourrices, qui elles-mêmes mettaient leurs propres bébés chez d’autres nourrices, ce qui donnait des situations invraisemblables. La pratique n’était pas aussi présente dans les autres cultures : je pense que c’est ce à quoi faisait allusion le président de la République.

Quel avantage principal trouvez-vous à la pratique de l’allaitement ?

L’allaitement n’est ni mieux, ni moins bien qu’un autre mode de nourrissage. C’est en revanche le seul mode qui soit entièrement fait pour le bébé. Quand une femme commence à être enceinte, déjà, les seins se préparent à allaiter, il y a un vraiment processus qui se met en place. Quand le bébé né, c’est la même chose. La mère est baignée d’hormones de l’accouchement pour permettre à l’allaitement de se mettre en place.

De son côté, le bébé a lui aussi des compétences très certaines qui font que l’allaitement est quelque chose de normal, naturel. Quand on met un bébé dans les bras de sa mère, il ne va pas se précipiter sur le biberon qui est posé sur la table à côté.  Il va se mettre à chercher le sein.

Si vous considérez cette pratique comme naturelle, iriez-vous jusqu’à dire que les autres pratiques de nourrissage vont à l’encontre des lois de la nature ?

Du lait de vache, cela a toujours été destiné à la croissance du petit veau. Si vous leur posez la question, les vétérinaires disent que l’on ne donne jamais du lait d’une espèce à une autre espèce, cela pourrait les rendre malades.

Quels conseils pourriez-vous donner aux hommes dont les femmes pratiquent l’allaitement régulièrement ?

Je leur dirais de prendre leur bébé dans les bras, d’être à l’écoute, d’observer et d’écouter son cœur. Le cœur ne trompe pas. Le papa a un rôle énorme dans l’allaitement, il est justement là pour faire que le sentiment d’esclavage, dont parlait Nicolas Sarkozy, ne s’empare pas de la mère.

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