L’Allemagne est-elle en train de manipuler la France pour lui faire accepter une Europe plus fédérale à l’insu de son plein gré ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel, François Hollande et Jean-Claude Juncker.
Angela Merkel, François Hollande et Jean-Claude Juncker.
©Reuters

"Ainsi font font font les petites marionnettes"

Quelques jours après l'annonce du maintien de la Grèce dans la zone euro, le président Hollande annonçait vouloir la création d'un Parlement de la zone euro. Une proposition que la France avait toujours rejetée, et que Yanis Varoufakis, le sulfureux ancien ministre des Finances grec, traduit comme une victoire des ordolibéraux allemands.

Mathieu Plane

Mathieu Plane

Directeur adjoint du Département analyse et prévision à l'OFCE

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Jean Luc Sauron

Jean Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est Haut fonctionnaire, professeur de Droit européen à l'Université Paris-Dauphine.

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Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Atlantico : Au moment de sa démission du gouvernement grec, Yanis Varoufakis avait indiqué que l'Allemagne (et notamment son ministre des finances Wolfgang Schäuble) se servait du dossier grec afin de mettre la pression sur la France pour un transfert supplémentaire de souveraineté. Une telle "accusation" est-elle pertinente ?:

Jean-Luc Sauron: Non, à mon sens, c'est un avatar du complotisme, mode d'explication fort répandu actuellement. Elle participe à une stratégie politique de certains (comme Varoufakis) visant à agglomérer autour de la Grèce tous les Etats membres de la zone euro connaissant des difficultés (schématiquement les pays du Sud de l'Europe : France, Portugal, Espagne, Italie et Grèce). Cette stratégie repose sur deux erreurs : la première est que tous ces Etats en difficultés sont assimilables les aux autres ; secondairement, qu'il est possible de substituer un autre moteur "méditerrannéen" à l'axe franco-allemand.

Mathieu Plane : Il est fort probable qu'une partie du gouvernement allemand, Wolfgang Schaüble en tête, considère que l'intégration européenne serait facilitée par une zone euro sans la Grèce. Et un Grexit aurait pu aussi être vu comme un moyen de mettre la pression sur les autres pays pouvant s'écarter des règles budgétaires ou réfractaires à appliquer les mesures imposées par la Troïka. Cela aurait été la victoire de la ligne dure des conservateurs allemands, en faisant de la Grèce un exemple, au cas où d'autres pays aient envie de s'écarter du "droit" chemin considéré comme le seul soutenable par les partisans de cette ligne. Selon cette position orthodoxo-libérale, une fois la Grèce écartée, l’intégration européenne aurait été facilité sur la base du modèle allemand. Mais finalement ce choix là n'a pas été celui défendu par Angela Merkel qui a préféré imposer aux Grecs un programme d'ajustement budgétaire et structurel drastique plutôt que de voir la Grèce sortir de la zone euro, ce qui aurait pu entrainer des dommages collatéraux considérables et devoir en porter la responsabilité.

Roland Hureaux :  Ce n'est pas impossible. Il  ne fait pas de doute que Schäuble ait  voulu, et veuille encore, exclure la  Grèce de la zone euro pour des raisons qui sont d'ailleurs économiquement tout à fait sensées.

Son sentiment que la Grèce ne peut pas respecter les disciplines de la monnaie unique est tout à fait fondé . On a tort de le critiquer comme on le fait.

Mais politiquement, il ne semble pas mesurer, à la différence d'Angel Merkel et d'autres, que la sotie de la Grèce ( je n'aime pas ce jargon de Grexit) constituerait un ébranlement  tel que la zone euro se disloquerait sans doute très vite, surtout si on s'aperçoit que la Grèce se porte  mieux après la sortie , ce qu'aucun économiste sérieux ne niera.

On peut imaginer que Schäuble veuille  appliquer  alors le vieux principe  de la construction européenne:  profiter des épreuves pour rebondir et renforcer chaque fois un peu plus  l'Union. Derrière la sortie de la Grèce se  profilerait un plan destiné à renforcer la  cohésion des  membres restants en leur imposant au besoin de nouvelles disciplines supranationales.  La France qui est aujourd'hui, avec l' Italie, le plus indiscipliné des membres , serait particulièrement dans le  collimateur.

Un tel plan serait fort risqué . D'abord parce que le risque de désintégration  de l'euro , en cas de sortie de la Grèce , reste fort. Ensuite parce qu'il  est vain d'imaginer qu'on peut enfermer durablement dans un dispositif institutionnel de grands pays  comme la France et l'Italie , surtout si les contraintes supranationales qu' on voudrait leur imposer entrainent  des troubles sociaux  ou la montée du vote extrémiste.

Je ne suis pas sûr que Varoufakis ait dit l'exacte  vérité mais ce n'est pas invraisemblable. De toutes les façons, pressions sur la France ou pas, Schäuble ne veut plus des Grecs et sur ce chapitre il a l'opinion allemande avec lui.

Quelques jours après l'annonce du maintien de la Grèce au sein de la zone euro, François Hollande a fait part de sa volonté de renforcer l'intégration de la zone euro. Le ministre italien des finances est allé dans la même direction dans la foulée. Faut-il-y voir le signe d'une victoire de Wolfgang Schaüble ? 

Jean-Luc Sauron : Là encore, je ne le pense pas. Tout d'abord, Wolfgang Schaüble n'a jamais fait campagne pour une intégration plus poussée de la zone euro, mais un plus grand respect de ses règles. François Hollande et Matteo Renzi, en revanche, ont tiré la même leçon de la crise grecque : la zone euro ne pourra survivre sans une adhésion populaire commune. Autrement dit, il convient d'organiser le contrôle démocratique des opérations au sein de la zone euro d'une manière convergente ou plutôt assise sur un socle commun aux 19 Etats membres. La zone euro ne pourra pas supporter une nouvelle crise, telle que celle qui se déroule depuis le référendum grec, et conduisant à la manifestation de légitimités démocratiques nationales (d'abord grecque avec le référendum, puis les votes au sein de plusieurs des parlements des Etats de la zone euro). En effet, quelle légitimité démocratique aurait-elle pu s'imposer en cas de divergence des votes exprimés ? 

Mathieu Plane : Le feuilleton grec est loin d'être terminé. La position allemande est apparue extrêmement dure, laissant peu de place à une quelconque alternative économique. Et à cette occasion, l'Europe est apparue de plus en plus orthodoxe et de moins en moins solidaire, et ce malgré mes échecs des politiques passées, responsables en grande partie du désastre économique et social actuel. Mais il est vrai que partageant une même monnaie, une plus forte intégration budgétaire, fiscale et politique de la zone euro est nécessaire mais la question est selon quel modèle ? De ce côté là, l'Allemagne a clairement avancé ses pions et ne semble pas prête à beaucoup de compromis, contrairement à la position française plus souple et consensuelle. Et pour répondre à votre question, je ne sais pas si la Grèce a servi de monnaie d'échange mais l'épisode grec a permis de clarifier les positions des uns et des autres et a mis en avant les divergences sur la question européenne. Cela montre aussi qu'il n y pas d'unité dans la zone euro et que chaque crise débouche sur une crise encore plus violente que celle initiale. Dans ce contexte, le processus d'intégration, bien que nécessaire, paraît compromis et les crises reportées plutôt que réellement réglées.

Roland Hureaux : Non,  la Grèce est un problème en soi et ne saurait être une monnaie d'échange , d'autant que Schäuble ne peut pas se targuer d'une victoire  puisque la Grèce , contrairement à son souhait, reste dans l'euro. En outre la décision de garder la Grèce dans l'euro a été prise Washington avant de l'avoir été à Paris ou à Bruxelles.

La servitude volontaire,  cela  existe: Français et Italiens veulent qu' on leur mette le licol  au cou, comme Schäuble, parait-il,  veut le faire: vous voyez qu'il n'y a pas tant de divergences qu'on le  dit !

Mais la position de Hollande et de Prodi est suspecte. Si Schäuble est pour un renforcement des disciplines institutionnelles de l'euro,   rien ne dit que le gouvernement allemand dans son ensemble  le soit : témoin, l'accueil réservé de Merkel à ces propositions. On se trouverait donc  en fait  à front renversé: Français et Italiens veulent une discipline plus forte , même s' ils seraient les premiers à les subir  et les Allemands en dehors de Schäuble, ne semblent pas tant  y tenir !

Ils n'auraient pas tort de toute les façons de se   méfier de la France sur ce sujet.  Depuis le début de  la construction européenne, depuis 1952, les Français  font de la surenchère dans l'intégration et quand l'heure vient   d'en tirer les conséquences, ils s'aperçoivent tout à  coup que l'intégration leur crée des contraintes et ils deviennent alors les  plus réticents.

La position de François Hollande , comme celle de  la plupart des    socialistes français a  toujours un peu le même air boy-scout "zombie",  comme dirait Emmanuel Todd :  soyons toujours le plus gentil, le plus fraternel, le plus européen:  ne pas exclure quiconque et donc pas la Grèce , toujours plus d'intégration  et donc de  fraternité, d'amitié, surtout  être bon camarade. Mais ces positions qui ont l'air gentilles se heurtent  au réel que les Allemands ont raison de rappeler : on ne peut pas garder  la Grèce à n'importe quel prix; ça ne sert à rien de prêcher  plus d'intégration  si les Français ne sont pas capables de montrer l'exemple de la discipline.

Quel intérêt représente pour l'Allemagne une plus grande intégration des autres pays de la zone euro sur le modèle voulu par Wolfgang Schauble ? Se trouve-t-il du côté économique, idéologique ? 

Jean-Luc Sauron : Si tant est que quelqu'un connaisse vraiment la pensée de Wolfgang Schaüble, elle est proche de l'ordolibéralisme allemand, adossé au respect des règles de droit. Je m'explique. Pour beaucoup de responsables politiques allemands, l'économie doit être gouvernée par des institutions régulatrices mandatées par le pouvoir politique sur un projet donné; ces institutions, durant l'exécution de leur mandat, échappent aux contestations populaires souhaitant desserer les contraintes économiques de mise en oeuvre du mandat. C'est exactement la structure et l'équilibre mises en place dans le fonctionnement de la zone euro : la Commission européenne, la Banque centrale européenne et la Cour de justice sont les institutions régulatrices indépendantes des contestations démocratiques. Elles appliquent un mandat déterminé et inscrit dans les traités de l'Union et les actes de droit dérivé (two pack et six pack). A ce mécanisme s'ajoute le respect des engagements pris qui conforte la confiance des marchés dans le temps. Ce respect conduit les opérateurs à savoir ce qui se déroulera et donc à investir sans la crainte de voir les règles du jeu changées par un gouvernement en fonction de la contestation populaire du moment. 

Mathieu Plane : Une fois de plus, il n est pas possible d'avoir d'un côté une monnaie commune et de l'autre une gouvernance économique fondée uniquement sur des règles budgétaires avec une banque centrale indépendante disposant d'une politique monétaire unique pour 19 états membres différents. La crise des subprimes venant des États Unis, qui a ravagé économiquement et socialement la zone euro mutant en crise des dettes souveraines, montre bien le dysfonctionnement actuel des institutions européennes et leur incapacité à résoudre les crises. Or si l'Europe a su avancer à petits pas dans le bon sens comme avec la mise en place d'instruments financiers de solidarité (FESF et MES) ou une politique monétaire plus innovante avec le QE ("Quantitative easing" ou programme d'assouplissement monétaire ndlr) et la création de l'OMT (Opération monétaire sur titre, programme mené par la BCE pour le rachat d'obligations des Etats membres à la suite de la crise de la dette ndlr), il n en reste pas moins que la mauvaise gouvernance économique de la zone euro a été renforcée avec le durcissement des règles budgétaires, accompagnées des politiques de réformes structurelles sans vision sociale. En tout cas, les résultats sont là, alors qu en 2010, le taux de chômage aux États Unis et dans la zone euro étaient au même niveau, aujourd'hui il est proche de 5 % aux États Unis et supérieur à 11 % dans la zone euro. En l'espace de 5 ans, la zone euro accuse un retard de près de 10 points de PIB vis à vis des États Unis, c'est gigantesque. La question de la réorientation de la gouvernance de la zone euro, avec une Europe plus politique, plus intégrée fiscalement avec davantage de transferts et des règles budgétaires beaucoup plus orientées sur l'investissement, est donc centrale mais ce modèle d'intégration ne semble pas celui proposé actuellement par l'Allemagne. Cette question devra être traitée et Wolfgang Schaüble le sait. Et c est sûrement la raison pour laquelle la crise grecque lui a permis d'avancer ses pions en tentant de prendre le leadership sur le sujet pour éviter de se voir imposer un modèle dont il ne voudrait pas.

Roland Hureaux : Les Allemands sont  un peu moins idéologues que le Français ou les eurocrates  de Bruxelles. Ils le sont quand même  un   peu sinon, ils  auraient depuis longtemps laissé tomber l'euro.

Tout dépend ce qu' on entend par intégration : la position des Allemands est souvent contradictoire. Si l'intégration; ce doit être la solidarité financière  -  et comment ne le serait-ce pas si on pousse à bout le raisonnement ? - , ils n'en veulent absolument pas. Ils ne veulent conserver de l'intégration que   de meilleures  possibilités de surveiller leurs partenaires pour qu'ils appliquent une discipline à l' allemande. Mais ils ont déjà obtenu beaucoup de moyens ( pacte de  stabilité etc.) et visiblement ces moyens ne  suffisent pas . Ils se heurtent à des réalités: l'incapacité radicale de la Grèce à sortir  de l'ornière quelque traitement qu'on lui applique, la taille de la France et d' Italie  qui fait qu' on ne peut pas leur appliquer n'importe quelle contrainte.

Les services du ministère des finances allemands n'ont fait que peu de cas de la déclaration de François Hollande, la jugeant peu crédible. Le dossier grec est-il le révélateur d'une crise plus profonde entre la France et l'Allemagne ?

Jean-Luc Sauron : Non, il n'y a pas de crise entre la France et l'Allemagne, ou plutôt, si crise il y a, c'est entre deux conceptions de l'Europe. Les deux Etats divergent depuis le début des années 2000 économiquement et socialement. Le problème n'est pas là. L'enjeu véritable est l'avenir de la construction communautaire comme interface à la mondialisation et comme nature du modèle. Le débat politique et journalistique se sont concentrés sur le Grexit. Mais la vraie destabilisation de l'Union viendra du Brexit ou du prix que les 27 seront prêts à payer pour éviter la sortie de la Grande-Bretagne. Les convergences plus destabilisantes sont celles entre David Cameron et Wolfgang Schaüble sur la nécessaire diminution des pouvoirs de la Commission européenne pour faciliter la fluidité économique entre l'Union et les autres grandes zones de commerce mondiales (Etats-Unis, Japon, et.) par la baisse de la spécificité de la construction communautaire.

Mathieu Plane : Oui bien sur, la crise grecque a été révélatrice des divergences profondes entre la France et l'Allemagne, qui ne se limite pas seulement à des clivages nationaux mais qui montre aussi les clivages politiques gauche - droite. D'ailleurs, au delà des clivages nationaux, tout était réuni pour que les négociations soient explosives entre la droite conservatrice allemande et l'extrême gauche grecque, ce sont deux visions du monde qui s'affrontent et qu'il est quasiment impossible de réconcilier ou alors seulement temporairement. Et c'est dans ce contexte politique très tendu que l'Europe doit se construire. Mais la crise grecque a montré pour la première fois depuis 2008 une vraie rupture dans le couple franco allemand. Or, la crise grecque est loin d'être réglée, le Grexit a été écarté temporairement mais le traitement imposé à la Grèce par l'Europe conduira inévitablement encore à une grave récession, rendant d'autant plus insoutenable la dette grecque et aggravant une situation sociale déjà catastrophique. Tant qu'il n'y aura pas un véritable plan d'investissement en Grèce, avec le déblocage de nouveaux fonds ce qui va au-delà du plan proposé par Juncker, et un haircut massif sur la dette grecque ce que ne veut pas l'Allemagne, la question du Grexit va rapidement se reposer et les divergences sur les solutions proposées risquent de se renforcer. La crise européenne actuelle n'est pas uniquement économique, elle est profondément politique.

Roland Hureaux : Je suppose en effet qu'ils la jugent peu crédible. En outre suivre une proposition française, quelle qu'elle,  soit dans le contexte  actuel ne valoriserait guère  la chancelière vis à vis de son opinion.  Mais je ne suis surtout pas   sûr que   les Allemands, quoi qu'en ait dit M.Varoufakis,  souhaitent autant d'intégration qu'on le pense.  Le  gouvenrment allemand est tiré à hue et à dia par des opinons divergentes en son  sein  et une  opinion publique qui a quelque chose de névrotique. J'entends par névrotique la tension entre des désirs contradictoires entre lesquels  le sujet n'arrive pas à trancher.

En bref, les Allemands souhaitent le maintien de l'euro parce qu'ils profite  à une partie de leur économie et parce qu'ils sont , comme nous,  sous   la chape de plomb idéologique pro-euro que vous connaissez, mais ils ne veulent pas en payer le prix.

Comme chez nous, les meilleurs économistes ont  beau dire que l'euro ne marche pas , les politiques , sidérés par l'idéologie dominante, ne veulent pas en sortir. Toutefois,  ils ne veulent absolument pas tirer les conséquences de cette position pro-euro : ils excluent la moindre solidarité financière, je l'ai dit,  et tout en ayant imposé que l'euro soit taillé  à l'allemande, ils s'exaspèrent que  les autres pays n'entrent pas dans le même costume.

Alors que Hollande doit traiter avec un parti socialiste  toujours dégoulinant  de bons sentiments, Merkel doit tenir compte d'une opinion publique exaspérée par les Piigs (Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne) , une expression méprisante, voire raciste, qui dit bien ce qu'elle veut dire . Elle n'est  en fait  pas libre de lâcher les pays méditerranéens comme son  opinion le voudrait parce que les Etats-Unis le lui permettent pas et parce que la logique de  l'euro veut que , si un membre lâche,  tout l'édifice est menacé. Alors  le gouvenrment Merkel prend des poses martiales et intransigeantes avec ces pays qui ne se traduisent en réalité par  rien de concret, sachant que le plan exorbitant que l'on a extorqué au gouvernement grec ne sera  jamais appliqué.

Quels sont les dangers d'une plus grande intégration de la zone euro sur le modèle actuel ? Quelles sont les alternatives possibles ?

Jean-Luc Sauron : Les dangers sont simples. Une nouvelle crise verrait une confrontation des légitimités populaires (les unes favorables à un accord, les autres défavorables). En effet, la structuration actuelle de la zone euro ne comprend pas de lieu de débats pour faire acter un soutien parlementaire représentatif d'une majorité au sein de ladite zone. Il existe une alternative : ou une fédéralisation franco-allemande pour stabiliser un géant économique et politique stabilisateur de l'Europe toute entière; ou la fédéralisation d'un socle d'Etats plus larges, amorce d'un fédéralisme européen continental (voir à ce sujet mon essai de décembre 2011 : "L'Europe est-elle toujours une bonne idée ?", Gualino éditeur).

Mathieu Plane : Le problème qui se pose est celui du modèle d'intégration européen qui doit trouver une adhésion du peuple européen. Or, aujourd’hui, la construction européenne se fait à marche forcée avec un euroscepticisme grandissant en raison de la situation sociale catastrophique que traverse de nombreux pays, loin de la prospérité espérée avec la mise en place de la monnaie commune, et du manque de légitimité démocratique des décisions européennes qui sont pourtant l'alpha et l'oméga des politiques économiques nationales actuelles. Mais c'est aussi une erreur de penser qu il faut absolument déconstruire l'euro. Le processus de la monnaie unique est trop avancé pour revenir en arrière, aux monnaies nationales, sans créer des dommages irréversibles et catastrophiques pour le monde entier. La survie de l'euro est indispensable à la construction européenne mais elle ne sera possible que si une Europe plus solidaire et démocratique émerge.

Roland Hureaux : Les gens parlent d'intégration mais ne savent pas ce que ça implique . Cela implique , comme dans  un  état unitaire ( je récuse l' expression de fédéralisme:  l'intégration européenne,   c'est un état unitaire ), une solidarité entre les régions comme il y en a une en France entre l'Ile-de-France plus riche et le reste du pays ou avec les DOM-TOM  ou alors l'Allemagne de l'Ouest et celle d'Est . Les Allemands clairement n'en veulent pas, et les autres, sans le dire, non plus. Ou alors, faute de solidarité,  il faut  envisager des transferts massifs de population des régions les plus pauvres vers les régions les plus riches : les chômeurs grec ou espagnols iraient travailler en  Allemagne par centaines de milliers et la Grèce et l'Espagne se dépeupleraient , comme le Massif central français s'est dépeuplé.  L'intégration, c'est ça. On comprend que dès lors qu'elle n'est plus seulement un mot, elle ne plaise  plus à grand monde.

Y a-t-il une alternative ? On pourrait mettre des rustines encore quelque mois sur l'euro come on l'a fait avec l'accord du 13 juillet. Mais, en fait,  la construction est  devenue  trop artificielle pour durer. Un jour ou l'autre,  elle lâchera et alors la loi du marché prévaudra entre les différentes monnaies et  on verra que ça ne se passe pas si mal que ça, au moins sur le plan économique. Sur le plan politique, ce sera bien sûr un tremblement de terre de première magnitude.

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