Construction de nouveaux logements dans les colonies : Israël paie-t-il le prix de son système électoral à la proportionnelle intégrale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Benjamin Netanyahu.
Benjamin Netanyahu.
©Reuters

Coalitions et primes aux minoritaires

Mercredi 29 juillet, Benjamin Netanyahu a annoncé la construction de 300 nouveaux logements en Cisjordanie, à 30km au nord de Jérusalem. Une politique qui doit faire avec des partis modestes qui, radicaux ou non, pèsent de façon décisive sur les décisions du gouvernement grâce au système électoral à la proportionnelle intégrale du pays.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Le Premier ministre israélien est-il victime du système de proportionnelle quasi intégrale (3,25% suffisent à avoir des représentants à la Knesset) qui l'oblige à prendre des décisions influencées par certains membres de sa coalition ou est-ce un projet consacré par le Likoud ?

Frédéric Encel : Victime, oui, mais acteur aussi. Je veux dire par là qu'il n'a jamais su ou voulu le modifier, alors que la dernière mandature en date lui en offrait la possibilité puisqu'il disposait d'une large coalition gouvernementale. Mais au-delà de ce mode de scrutin en effet désastreux du point de vue d'une gouvernance cohérente, il y a sa volonté politique. Si Netanyahou avait souhaité rompre avec une politique favorable aux implantations, il aurait tenté de bâtir une coalition de centre gauche avec les travaillistes. Arithmétiquement, il pouvait le faire. Son choix s'est porté sur une coalition nationaliste et religieuse ; du coup, rien d'étonnant à ces nouvelles constructions. 

Quelle est la marge de manœuvre de Benjamin Netanyahu dans le cadre de ce gouvernement de coalition ? Le système électoral israélien permet-il aux partis radicaux d'imposer certains projets en échange de soutiens politiques ?

Sa marge de manoeuvre est à la fois large et réduite. Large, parce qu'en cas de rejet de sa politique par l'un de ses partenaires gouvernementaux, il peut menacer ce dernier de l'exclure de la coalition au profit d'un autre parti ; menace en général assez dissuasive ! Réduite, car cette menace joue dans les deux sens ; il n'est en effet pas du tout certain qu'en cas de désagrégation de l'actuelle coalition il puisse en constituer une autre. Quant au système électoral, il permet effectivement à des partis modestes - radicaux ou pas - de peser de façon décisive. Cela dit, lorsque dans les années 1980 un unique député pouvait incarner un parti à lui seul et changer de bord à sa guise sur les bancs de la Knesset, aujourd'hui il en faut quatre et ils ne peuvent aussi facilement passer de gauche à droite et vice versa. 

Dans quelle mesure le système de proportionnelle en vigueur au sein de l'Etat hébreu peut-il faire perdre de l'efficacité sur le plan politique ? En d'autres termes, a-t-on des exemples de projets politiques, de décisions qui n'ont pas pu être adoptées par la Knesset alors même que la société y était favorable ?

Dès avant la proclamation de l'Etat d'Israël en 1948, le mouvement sioniste avait souhaité le mode de scrutin le plus juste et représentatif possible. Il l'est. Mais son inconvénient majeur réside en effet dans sa propension à empêcher des majorités stables et la poursuite de politiques claires sur le moyen terme ; les premiers ministres doivent sans cesse composer et louvoyer. Concrètement, quantité de projets diplomatiques, militaires ou institutionnels ont avorté à une ou deux voix (sur 120) du fait de volte-faces de députés isolés, ou par manque de volonté commune au sein d'un même gouvernement ; Ben Gourion renonçant à conquérir la Cisjordanie en 1948, Rabin chutant pour une histoire d'horaires de shabbat non respecté en 1977, Shamir empêchant Péres de conclure avec la Jordanie l'accord de Londres de 1985, Sharon changeant carrément de parti politique en pleine législature pour pouvoir évacuer Gaza, etc. 

Que sait-on sur la position dominante des Israéliens en matière d'implantations en Cisjordanie ? Y sont-ils plutôt favorables ou manifestent-ils une certaine opposition ?

Les enquêtes d'opinion donnent systématiquement et depuis longtemps une majorité d'Israéliens en faveur des deux Etats côte à côte, ce qui induit nécessairement la perspective d'évacuations massives. Je rappellerais aussi qu'en 2005, lorsque Sharon évacue la bande de Gaza et ses vingt implantations, les sondages le créditent d'un large soutien. De ce point de vue, longévité politique remarquable du nationaliste Netanyahou n'est qu'un demi-paradoxe ; ce n'est pas tant sur cette question qu'il est réélu que sur la thèse sensible de la sécurité générale du pays. Et puis, tout de même, n'oublions pas l'essentiel : la vacuité programmatique de la gauche israélienne depuis presque deux décennies maintenant...   

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