Que faudrait-il à François Hollande pour se qualifier pour ce second tour de 2017 que les sondages lui refusent obstinément ? <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande gagne 6 points dans les sondages, passant de 20 à 26%.
François Hollande gagne 6 points dans les sondages, passant de 20 à 26%.
©Reuters

Recette miracle

Selon une enquête Ipsos pour Le Point publiée le 29 juillet, François Hollande gagne 6 points dans les sondages, passant de 20 à 26% d'opinions favorables. Mais le président français ne passerait toujours pas le cap du premier tour à la présidentielle de 2017, d'après un sondage Ifop, et les marges de manœuvre pour reconquérir son électorat sont faibles.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : D'après un sondage Ifop pour RTL, François Hollande ne passerait pas le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, et ce, quelles que soient les configurations. Quelles circonstances pourraient permettre au président actuel de connaitre les joies du second tour ?

Eddy Fougier : Je distingue 3 circonstances. La première concerne l'amélioration de la situation économique et sociale, le chômage étant le point essentiel mais aussi, la croissance, un déficit public maîtrisé, un endettement en baisse, ainsi que l'enjeu du pouvoir d'achat. A travers la crise agricole actuelle cette question se pose de manière assez vive.

Autre aspect, d'ordre politique : il s'agit qu'il y ait le moins de candidats possible à gauche pour la présidentielle de 2017. Si François Hollande l'a emporté en 2012, c'est aussi car il n'y avait pas de candidat du côté des radicaux de gauche, Eva Joly a rencontré peu de suffrage, les candidats d'extrême  gauche étaient assez faibles… Mélenchon avait l'avantage de ramener aux urnes des électeurs qui se seraient abstenus et qui au second tour ont voté Hollande. Mélenchon a été en quelque sorte un capteur de voix pour le candidat PS.  La configuration avait été l'inverse pour Lionel Jospin qui avait dû faire face à un candidat chevènementiste, un candidat radical, Noël Mamère chez les Ecologistes, Besancenot et Laguiller à l'extrême gauche. L'horreur absolue que n'importe quel candidat socialiste veut éviter en appelant au vote utile. Et je passe sur le danger d'un candidat frondeur pour François Hollande, Arnaud Montebourg par exemple qui se présenterait en candidat libre.

Et la troisième condition politique à droite, il a tout intérêt à ce que la droite soit particulièrement divisée. Si Nicolas Sarkozy se présente, François Bayrou se présentera aussi, autant de voix perdues pour le président du parti Les Républicains, et autant de possibilités de le dépasser sur le fil. Nicolas Sarkozy représente le candidat idéal car il est facile de "taper", ce qui a été fait lors du débat entre les deux tours en 2012.

Marine Le Pen arrive en tête dans le sondage que vous mentionnez. Elle est aussi un personnage politique repoussoir pour bien des électeurs dont les centristes qui préfèreront Hollande à Sarkozy dans cette circonstance, face au risque de droitisation de la campagne. Et pour l'actuel président de la République, être au second tour avec Marine Le Pen est jouable.

Que manquent-ils à François Hollande pour passer le cap du premier tour en 2017 ? Que doit-il faire pour y arriver ?

Sur l'aspect économique et social, un certain nombre de mesures ont été prises, censées améliorer la situation. Est-ce que cela va remplir les objectifs ou pas, je ne sais pas. La conjonction d'un certain nombre d'éléments extérieurs va aussi être déterminante : la baisse de l'euro par rapport au dollar, la baisse du prix du pétrole, la baisse des taux d'intérêts, une reprise qui semble soutenue dans beaucoup de pays… Tout cela peut sauver le soldat Hollande. Mais sa capacité d'action sur ces facteurs n'est pas importante.

Il peut faire en sorte qu'il n'y ait pas de concurrents notables au sein du PS, que les frondeurs mettent leurs ambitions éventuelles dans la poche. Il peut essayer de faire en sorte qu'aucun candidat écologiste ne se présente, à fortiori avec les radicaux de gauche. Il lui sera plus difficile d'agir à droite afin que ce soit plutôt Nicolas Sarkozy qui arrive en tête de la primaire.

En 2016 il est évident qu'il va y avoir des mesures ou mesurettes, peu coûteuses à l'Etat, permettant de rassurer l'électorat. Je ne suis pas certain que les caisses de l'Etat soient suffisamment fournies pour que la marge de manœuvre soit suffisante, mais dans la symbolique, beaucoup de chose peuvent être mises en place. On peut imaginer des mesures relatives à la laïcité, la lutte contre les discriminations… Cela peut remobiliser un électorat quelque peu perdu.

Quelles sont les conséquences de cette situation perceptible à travers les sondages sur son propre camp ?

Première hypothèse, que certains sortent du peloton mais très vite on leur reprochera de diviser et de renforcer les risques de ne pas être au second tour. Il y aura certaines voix surement en faveur des frondeurs, mais on imagine aisément que cela sera davantage de la gesticulation politique qu'une volonté manifeste de présenter un plan B.

Autre option, les membres du PS peuvent estimer au dernier moment qu'ils se dirigent dans le mur et qu'un candidat plus crédible est nécessaire. Et si l'on se fie  au sondage, le seul candidat plus crédible serait aujourd'hui Manuel Valls. Ce scénario rappelle 1995 lorsque sur le tard Lionel Jospin avait été choisi pour sauver la maison. Mais cela serait vraiment le scénario catastrophe, pas souhaitable pour le PS. Ils risqueraient de mener une campagne compliquée et Manuel Valls. Ce dernier est plutôt apprécié de certains sympathisants mais il n'est pas vraiment souhaité par les militants.

Inversement, le Président semble gagner en popularité, notamment en raison de son traitement de la crise grecque (+6 points) Y a-t-il des sujets particuliers que les politiques peuvent aborder, leur permettant de gagner des points dans les sondages ?

Il faut des circonstances exceptionnelles (guerre, attentat sur le sol français) ce qui amène la population à se ressouder autour du chef de l'Etat puisqu'il incarne le pays. On l'a vu suite aux attentats de janvier. Mais cela ne dure qu'un temps. Les effets sur la cote de popularité de François Hollande de l'opération au Mali en 2013 ont duré très peu de temps et la décrue du président de la République s'est poursuivie. Ce n'est donc pas un phénomène durable et il n'est pas contrôlé, programmé par les chefs d'état.

Les micro-mesures cosmétiques correspondant à des niches électorales sont envisageables. Cela prendrait la forme de "clin d'œil" en direction de certains segments de l'électorat traditionnels du PS comme les enseignants, les membres de la fonction publique, c'est-à-dire les différentes catégories qui peuvent se retrouver dans des mesures  et penser alors : "ce gouvernement n'était pas si mauvais que cela, il a augmenté ma retraite…" Mais je me répète, la marge de manœuvre économique et financière est assez faible. Ce "clientélisme" ne correspond pas à l'ère budgétaire.

Les sujets un peu plus transversaux tels que la sécurité routière, les plans de lutte contre les cancers… mises en avant par Jacques Chirac n'ont pas abouti à ce qu'il soit particulièrement populaire lors de son mandat. Il l'a été bien davantage après  sa présidence. Cela ne suffira probablement pas aux Français qui attendent des grands projets.

A ma connaissance, il n'y a jamais eu de grand retour de popularité en l'absence de circonstances singulières. Peut-être que François Hollande sera le premier. Mais souvenons-nous de l'impopularité manifeste de Giscard d'Estaing, cela s'est terminé par l’événement que l'on connait : la défaite face à Mitterrand. Jacques Chirac était peu populaire mais en 2002 les circonstances étaient particulières. Sans cela, personne n'est revenu de l'enfer des sondages.

C'est compliqué. La problématique est la même pour Nicolas Sarkozy, nous n'avons jamais vu de président battu revenir et gagner. Et il reste impopulaire. Marine Le Pen est globalement impopulaire aussi. Cette impopularité concerne donc  les 3 candidats. Si Nicolas Sarkozy est désigné par Les Républicains, on risque d'avoir comme candidat François Hollande, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon soit les premiers 5 candidats lors de la présidentielle de 2012. Je ne suis pas certain que les Français aient très envie de revoir les mêmes têtes avec plus ou moins les mêmes débats. Dans la galère de l'impopularité, François Hollande n'est donc pas seul.

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