Plutôt qu’augmenter les salaires minimum, il faut accroître la productivité si on veut lutter contre la pauvreté <!-- --> | Atlantico.fr
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Augmenter le salaire minimum ne sert que ceux qui sont "déjà" dans l’emploi et ne permet pas de lutter contre la pauvreté.
Augmenter le salaire minimum ne sert que ceux qui sont "déjà" dans l’emploi et ne permet pas de lutter contre la pauvreté.
©Reuters

Contre-productif

Le déficit de productivité français est un enjeu économique majeur : il explique la stagnation des salaires, de la croissance et une part de l’augmentation des inégalités.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Au Royaume-Uni comme aux Etats-Unis, un sujet est en train d’émerger et prendre le dessus des enjeux économiques dans les débats publics : le niveau des salaires. Après des années de crise, les responsables politiques commencent à promettre d’améliorer l’existence quotidienne en augmentant les salaires, prenant le relai du président Obama. Aux Etats-Unis, Hillary Clinton, qui tente chaque jour d’apparaître plus à gauche que la veille, en parle régulièrement. Au Royaume-Uni, le gouvernement conservateur vient d’annoncer une augmentation du salaire minimum (comme d’ailleurs l’Allemagne l’a fait récemment).

Les deux pays anglo-saxons ont en commun un vrai problème économique : la faiblesse de leur productivité. A Londres, le chancelier de l’Echiquier George Osborne, qui présentait son programme économique, a récemment déclaré que "le Royaume-Uni a un problème de productivité à long terme". Aux Etats-Unis, où il existe depuis quelques années un débat économique sur la stagnation de la productivité, Janet Yellen, qui dirige la Fed, faisait des déclarations allant dans le même sens en juin dernier :"le facteur le plus important pour améliorer le niveau de vie est la croissance de la productivité, définie comme la croissance de ce qui peut être produit en une heure". Ce déficit de productivité est un enjeu économique majeur : il explique la stagnation des salaires, de la croissance et une part de l’augmentation des inégalités.

L’augmentation arbitraire des salaires par un relèvement du salaire minimum n’apportera cependant aucune solution de long terme à ce défi de la productivité (l’Allemagne, qui vient de s’engager dans une tendance à la hausse très nette des salaires en voit l’effet immédiat : une perte de compétitivité). Au contraire, elle pourrait avoir un effet négatif sur l’emploi. Comme le rappelle opportunément The Economist, il existe une règle économique très généralement vérifiée, même sur le marché du travail : "quand les prix augmentent, la demande baisse".

L’augmentation du salaire minimum a pour effet d’élever une barrière à l’entrée pour les employés les moins productifs ou les moins qualifiés. Elle exclut donc automatiquement des travailleurs du marché de l’emploi pour les précipiter vers le chômage. Si l’effet peut être marginal dans les pays où le salaire minimum est relativement faible, il est fort dans ceux (comme la France) où il est déjà élevé. Au final, augmenter le salaire minimum ne sert que ceux qui sont "déjà" dans l’emploi et ne permet pas de lutter contre la pauvreté…

Des études économiques viennent appuyer encore ces conclusions, en montrant que l’augmentation du salaire minimum peut également avoir pour effet d’accélérer l’automatisation (ce n’est pas un hasard si la France compte parmi les champions du monde de la substitution des emplois peu qualifiés par des machines). Dans une période de transformation économique comme aujourd’hui, c’est donc une mesure économique périlleuse et incertaine.

En 1965, Yale Brozen, professeur d’économie à l’Université de Chicago décédé en 1998, avait publié un article sur l’automatisation. Sa conclusion était qu’elle n’était pas une menace pour l’emploi ; il identifiait à l’inverse un péril pour les salariés les moins qualifiés : la hausse du salaire minimum… 50 ans plus tard, le diagnostic économique reste le même !

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