Zahir Belounis, footballeur prisonnier du Qatar : à quel prix Doha deviendra-t-elle bientôt la capitale mondiale du sport ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Sport
Zahir Belounis, footballeur prisonnier du Qatar : à quel prix Doha deviendra-t-elle bientôt la capitale mondiale du sport ?
©

Bonnes feuilles

Retenu un an et demi au Qatar, Zahir Belounis est devenu le symbole malgré lui des dérives de ce pays si cher aux intérêts français. Extrait de "Dans les griffes du Qatar - Chantage, mensonges et trahisons", publié chez Robert Laffont (2/2).

Zahir Belounis

Zahir Belounis

Zahir Belounis a aujourd'hui trente-cinq ans. Devenu l'un des porte-parole de Human Rights Watch, il raconte son histoire dans le monde entier. Depuis fin août, à la suite de sa plainte, une information judiciaire a été ouverte à Paris pour "escroquerie et recel, conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne, extorsion aggravée et faux en écriture privée".

Voir la bio »

Doha deviendra-t-elle, comme le souhaite et tente de l’imposer la famille royale à coups de planche à billets, la capitale mondiale du sport ? C’est bien possible, au vu du rythme imposé. L’organisation de la Coupe du monde de football 2022 – à moins que l’on ne soit obligé sous la pression de procéder à un nouveau vote1 – sera la démonstration de cette ambition et de cette stratégie de communication. Et le minuscule émirat du Golfe, avide de changer de stature, ne désespère pas d’accueillir prochainement les Jeux olympiques !

Mondiaux d’athlétisme en 2019 ainsi que de la Coupe du monde de cyclisme en 2016. En décembre 2014, Doha a reçu le Championnat du monde de natation en petit bassin, dont Florent Manaudou a été le héros grâce à ses records et ses six médailles. Le mois suivant, le pays a vibré pour le Mondial de handball. La cérémonie d’ouverture s’est déroulée sous le dôme futuriste Lusail Hall, dont les teintes évoquent les symboles du pays, à savoir le sable, la perle de nacre et l’eau azur des plages. Ce stade ultramoderne de quinze mille places est sorti de terre en quelques mois au prix de trente et un millions d’heures de travail mobilisant vingt-six mille ouvriers ! L’artiste Pharrell Williams a chanté son gigantesque tube « Happy » dans cette même enceinte pour un concert exceptionnel après le match Russie-Danemark. Et, pour la cérémonie de clôture de l’épreuve, la star de la pop Kylie Minogue s’est produite au même endroit. Le montant de son show n’est pas connu mais on sait qu’en 2008 l’artiste australienne avait obtenu, pour l’inauguration d’un complexe hôtelier à Dubaï, un cachet de 1,2 million d’euros…

Prêt à tout pour que l’événement handball soit une réussite dans les tribunes, le comité d’organisation qatari, qui disposait d’un budget de 200 millions d’euros, quand il sera de 24 millions d’euros seulement pour le comité d’organisation du Mondial 2017 en France, a également invité des milliers de supporters étrangers. Cela n’a pas suffi à garnir les gradins mais plus d’une vingtaine de fans des Bleus sont venus tous frais payés – hôtel, billets d’avion, navettes, places et nourriture – pour encourager leur équipe. Le Qatar a agi de même pour une poignée de fans triés sur le volet dans les autres sélections. Seul impératif : faire du bruit dans les tribunes et assurer l’ambiance. Si certains ont été payés pour assister aux matchs, si des salles sont restées vides malgré tout durant des rencontres du tour préliminaire ou si l’arbitrage a favorisé le pays hôte, la compétition a été un succès. Le pays n’a beau recenser que six cents licenciés de la discipline, il est devenu le premier finaliste non européen d’un Mondial, provoquant une énorme sensation. Il faut dire que la sélection est composée de seulement deux Qataris nés au pays, les quatorze autres étant d’origine étrangère, qu’ils soient bosniens, cubains, égyptiens, espagnols, français, iraniens, monténégrins, syriens ou tunisiens ! Cela grâce à une politique de naturalisation massive et à un assouplissement du règlement de la Fédération internationale permettant à un joueur, après trois ans sans porter le maillot d’une équipe nationale, de pouvoir changer de sélection. Une équipe vite qualifiée de « bande de mercenaires », dirigée par Valero Rivera, champion du monde avec l’Espagne deux ans plus tôt. Seule la France du demicentre Nikola Karabatic et du gardien Thierry Omeyer (joueur comme quatre autres membres des Experts du PSG Handball, possédé depuis 2012 par le fonds d’investissement Qatar Sports Investments, comme pour le football) a pu les stopper en finale, empochant une cinquième couronne mondiale. Après le sacre, Claude Onesta, le patron des Bleus, n’a pu retenir de sortir les griffes : « J’aurais été peiné que le Qatar gagne. Ce n’est pas le message qu’on doit envoyer. Quand vous avez des passeports temporaires pour une compétition, c’est un contournement de la règle. Je ne jette pas la pierre à l’équipe du Qatar qui est rentrée dans la règle, mais il serait dommageable de rester dans cette direction. »

Au Qatar, tout est donc possible, même l’impossible… Être le quatrième producteur mondial de gaz favorise cette politique, cette sorte de diplomatie du sport lancée dans les années 1990, celle par exemple qui permet de mettre sous cloche les soupçons de soutien au Proche-Orient des groupes extrémistes proches des Frères musulmans ou d’aide aux djihadistes du Sahel. Le sport transformé en cause nationale offre une visibilité sur la scène mondiale et contribue au prestige de l’émirat à travers la planète. Sa tête de gondole reste le Paris-Saint-Germain, devenu le cinquième club le plus riche au monde1 avec 472,2 millions d’euros de revenus lors de la saison 2013-2014.;

Tout cela, je ne m’en préoccupais pas en rejoignant Doha en juillet 2007. Pour tout dire, ça ne m’intéressait pas spécialement. J’avais surtout signé pour garnir mon compte en banque et tenter d’exercer mon métier pour la quatrième fois à l’étranger, après la Malaisie, l’Angleterre et la Suisse. Du Qatar, je ne savais rien ou presque. Que le pays avec ses cent soixante kilomètres de long et quatre-vingts de large pour onze mille cinq cents kilomètres carrés soit plus petit que l’Île-de-France ou moins peuplé que Paris intra-muros, qu’il soit le premier exportateur de gaz naturel liquéfié ou dispose d’une frontière terrestre avec l’Arabie saoudite, à vrai dire, c’était le cadet de mes soucis. Que Doha, à plus de six mille kilomètres de Paris, jouisse d’un climat désertique avec du soleil presque toute l’année et un taux d’humidité élevé, et alors ? Cela ne comptait que parce que j’aurais à jouer sous des températures caniculaires, mais franchement, ce n’était pas primordial ni une source de motivation. J’étais en revanche au courant que le Qatar avait depuis 1995 sur son trône le prince héritier cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, lequel avait lancé l’année suivante la chaîne télévisée Al-Jazeera (il a depuis abdiqué, en juin 2013, pour donner le pouvoir à son fils, Tamim ben Hamad al- Thani, par ailleurs propriétaire du PSG). J’étais également conscient que cette monarchie du Golfe était riche. Ainsi, d’après les données du Fonds monétaire international pour 2012, l’émirat était le deuxième dans le classement du produit intérieur brut par habitant, juste derrière le Luxembourg. Une ascension fulgurante pour ce pays indépendant depuis seulement 1971.

Extrait de "Dans les griffes du Qatar - Chantage, mensonges et trahisons", publié chez Robert Laffont, de Zahir Belounis, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !