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7 ans de zapatérisme
et une Espagne
au bord de la crise de nerfs
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Hasta la vista

Élections législatives ce dimanche en Espagne. José Luis Zapatero ne se représente pas et le candidat de droite Mariano Rajoy devrait, sauf immense surprise, lui succéder. Il devra gérer une situation délicate. Bilan du zapatérisme.

Bernard  Bessière

Bernard Bessière

Bernard Bessière, professeur émérite d'Aix-Marseille Université, est spécialiste de l'histoire et de la culture de l'Espagne contemporaine. Il a publié récemment avec Bartolomé Bennassar : Espagne : histoire, société, culture, Paris, La Découverte, 2017,[3e édition mise à jour]

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Après sept années de pouvoir (un premier mandat de quatre ans entre 2004 et 2008) puis un second amputé de six mois du fait des élections anticipées, José Luis Rodriguez Zapatero quittera dimanche prochain la scène politique. Celui-ci ayant décidé de ne pas présenter sa candidature, c’est son vice-président, Alfredo Pérez Rubalcaba, qui représentera le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).

Depuis deux ans déjà, Zapatero est la cible de très vives critiques provenant des secteurs sociaux et professionnels les plus divers. S’il était inévitable que la droite politique et médiatique le conspue, et cela à un rythme quotidien, il fut plus surprenant de voir que les critiques émanaient également de ceux qui constituaient la base de l’électorat traditionnel du parti socialiste : les syndicats, les salariés et la jeunesse.

Les syndicats (notamment Comisiones Obreras d’inspiration communiste et l’UGT d’obédience pourtant socialiste) ne pardonnent pas au leader de la gauche d’avoir imposé l’année dernière un plan d’austérité dont l’ampleur était inconnue en Espagne. Très symboliques, le gel des retraites pourtant bien modestes et plus encore la diminution des salaires des fonctionnaires de 5% ont été ressentis comme une trahison, comme une blessure. Quant aux « indignés » de la madrilène Puerta del Sol et de toutes les villes importantes du pays, qui, depuis mai dernier surprennent le monde par l’ardeur de leurs revendications et le caractère spontané de leur mouvement, ils ont jeté dans le même sac et sans nuance les politiciens de gauche et ceux de droite. Il faut bien admettre que dans un pays où le PSOE (leader de la gauche) et le PP (leader de la droite) représentent quasiment 80% de l’électoral et où les autres partis ont été laminés par la bipolarisation, la jeunesse angoissée par la précarité et un chômage record ait pu perdre toute confiance dans la classe politique dominante. Lorsque la situation économique confine à la tragédie, l’opinion publique, et singulièrement celle de la jeunesse, manquent furieusement de nuances. Ainsi, même si les différences sont flagrantes entre les enjeux, les projets, les origines sociologiques et les références idéologiques des deux grands partis, en temps de crise le sens des nuances s’effrite ! « PSOE-PP, tous des menteurs ! », clament les indignés.

Depuis plus d’un an les sondages unanimes s’accordent à prédire la victoire de Mariano Rajoy qui portera les couleurs du Partido Popular. Il s’agira donc de la quatrième alternance politique de l’après-franquisme. En 1981, le PSOE de Felipe González succéda au chef du gouvernement de centre-droit Leopoldo Calvo-Sotelo ; en 1996 le PP de José María Aznar l’emporta sur le candidat socialiste ; en 2004 retour du PSOE lorsque Zapatero domina Mariano Rajoy, dauphin de Aznar. Ce dimanche aura donc lieu la revanche du candidat de la droite espagnole sur son adversaire de gauche.


La seule incertitude des élections porte non pas sur l’issue du scrutin (on prévoit entre 10 et 15 points d’écart) mais sur le type de majorité dont jouira le PP. Dans l’hypothèse d’une majorité relative, le PP aura besoin d’un appui parlementaire émanant de l’un, voire des deux partis-charnière : les Catalans de Convergencia i Unió (CiU) et les nationalistes basques du Partido Nacionalista Vasco (PNV). C’est traditionnellement dans ces cas-là que les nationalistes catalans et basques parviennent à faire admettre leurs revendications qui consistent en de nouveaux transferts de compétences de l’État vers ces deux puissantes Communautés autonomes.

Au terme du premier mandat de Zapatero, qui fut marqué par l’adoption de mesures radicales (retrait immédiat des troupes espagnoles engagées par Aznar au côté de Bush et de Blair dans le conflit irakien) et de lois sociétales novatrices voire audacieuses (mariage homosexuel, introduction de l’instruction civique au lycée qui ne ferait plus l’impasse sur l’histoire de la dictature, modification du statut de l’instruction religieuse, loi de mémoire historique qui aspirait à rendre leur dignité aux victimes du franquisme), le peuple espagnol maintint sa confiance au Parti socialiste en mars 2008. Mais, neuf mois à peine après cette seconde victoire électorale, l’Espagne fut, comme la plupart des pays de la zone euro, frappée de plein fouet par deux crises successives. Début 2009, la crise financière des surprimes a été combattue avec retard par le gouvernement socialiste. La bulle immobilière, qui avait fait pendant vingt ans le bonheur de l’économie nationale, explosa en quelques mois, laissant des dizaines de milliers de chantiers inachevés et faisant des centaines de milliers de nouveaux chômeurs. On comprend dès lors que ce soit en Espagne que prit son essor en mai dernier le puissant mouvement des « indignés ». Ajoutés aux conséquences de la crise financière, les effets délétères de la crise économique et de la dette souveraine ont pris les allures d’une tragédie nationale.

A la veille des élections, le taux de chômage est de 22% (45 % chez les jeunes de 18 à 30 ans), le pourcentage des CDD dépasse les 25% alors que la moyenne européenne s’établit à 14%, et le taux de croissance, négatif, engage l’Espagne dans une phase de récession inévitable, situation qui vient de conduire les agences de notation à juger très sévèrement les perspectives de l’économie espagnole. Ce bilan fortement dégradé jouera évidemment en défaveur du Parti socialiste même si le candidat de la droite n’a pas véritablement expliqué comment il entendait sortir le pays de cette situation.

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