Stabilisation du chômage : quelles nouvelles dynamiques régissent le marché de l’emploi en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les chiffres du chômage de juin n'ont pas comblé les espérances du gouvernement en termes de reprise de l'emploi.
Les chiffres du chômage de juin n'ont pas comblé les espérances du gouvernement en termes de reprise de l'emploi.
©Reuters

Sous les chiffres

Les chiffres du chômage de juin n'ont pas comblé les espérances du gouvernement en termes de reprise de l'emploi. Malgré une stabilisation des chiffres (+1 300 demandeurs d'emploi dans la catégorie A), la situation ne s'arrange ni pour les chômeurs de longue durée ni pour les moins qualifiés.

Bruno Ducoudré

Bruno Ducoudré

Bruno Ducoudré est économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), au sein du département analyse et prévision.

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Atlantico: Quelle typologie des demandeurs d'emploi peut-on établir aujourd'hui ? Quelle part attribuer à ceux qui ont perdu leur emploi et quelle part attribuer aux nouveaux arrivants sur le marché du travail ?

Bruno Ducoudré : une typologie en fonction de l'âge révèle que la crise a principalement touché les jeunes et les plus de 50 ans. En numéraire, ils ne sont pas les plus nombreux, mais on constate que depuis 2008, ils représentent les catégories qui ont connu la plus forte augmentation rapportée à leur nombre total à Pôle Emploi.

D'après le critère de la qualification des chômeurs, les plus touchés sont les personnes non qualifiées, qui souffrent à la fois des destructions d'emplois et d'un non-accès au marché du travail, pour les nouveaux entrants. Le taux de chômage des non-diplômé a fortement augmenté avec la crise (il est passé de 12,7% en 2008 à 17,1% en 2012 - source Insee) tandis que le taux de chômage des plus diplômés (diplômes supérieurs à Bac +2) est resté quasi stable à 5,6% en 2012 contre 4,7% en 2008.

La crise a fait apparaître deux phénomènes : premièrement la part des chômeurs de longue durée a augmenté, or comme il y a moins de création d'emploi, on assiste à l'allongement de la durée d'inscription. Ce qui amène un certain nombre d'inscrits à atteindre la limite des droits reversés, et donc à devoir se tourner vers le RSA, ce qui diminue considérablement les revenus. La part des personnes non-indemnisées a donc également augmenté avec la crise. Ensuite, la part des personnes qui entrent sur le marché du travail représente 0.5% de la population active, c'est à dire que tous les ans, 130 000 jeunes finissent leurs études et cherchent du travail. Pour eux aussi, l'impact de la crise est très important, car pour les jeunes non qualifiés notamment, le marché du travail est inaccessible, et pour ceux qui sont en étude, on constate un allongement de la durée des études pour retarder l'entrée sur ce marché difficile d'accès. Depuis 2012, la mise en place des contrats aidés (CUI-CAE, emplois d'avenir) ont permis d'amortir le choc, mais dans le même temps, on assiste à une augmentation des inscriptions pour pouvoir bénéficier de ces dispositifs.

Enfin on note que ces dernières années ont vu une hausse continue du nombre de demandeurs d'emplois seniors, hausse causée à la fois par l'arrêt de certains dispositifs permettant une anticipation de départ à la retraite et également par le recul de l'âge minimum légal de départ à la retraite. Malgré le contrat de génération, qui visait essentiellement à favoriser le maintien ou le retour à l'emploi des seniors et l'accès à l'emploi des jeunes, on ne constate pas d'amélioration du retour à l'emploi, les entreprises ne s'étant pas tournées vers les dispositifs d'aide à l'emploi des seniors.

En termes d'évolution, est-ce qu'on constate un changement de profil des demandeurs d'emploi  ? Quelles sont les nouvelles difficultés découlant de ces modifications?

Ce que l'on voit indirectement dans les chiffres de Pôle emploi, c'est une tendance à l'augmentation des CDD, des petits boulots,comptabilisés dans les catégorie B et C : on est inscrit comme chômeur mais on conserve une activité limitée. On rencontre souvent des chômeurs qui travaillent par exemple 15 jours, puis ont 15 jours sans emplois, etc. Ceux qui n'ont pas du tout d'activité (catégorie A) augmentent mais il y a une augmentation similaire des catégories B et C. On assiste donc à une réelle précarisation du marché du travail. Aujourd'hui, presque 85% des contrats signés sont des CDD, et près de 50% sont des CDD de moins d'un mois. Cela crée un nouveau profil chez les demandeurs d'emploi : ceux qui enchaînement les contrats précaires et qui ont du mal à se sortir de cette spirale, puisque certaines entreprises préfèrent renouveler des CDD que de créer un CDI. Le nombre de personnes bénéficiant du RSA activité, généralisé en 2012 et destiné à compléter le revenu des travailleurs précaires, a d'ailleurs beaucoup augmenté.

Est-ce que les stratégies mises en œuvre par pôle emploi, formations, accompagnement, aides de retour à l'emploi, impactent le profil des demandeurs d'emploi en évitant notamment l'inscription dans la durée des chômeurs ?

Les mesures prises par Pôle Emploi ont eu un impact. Non pas pour régler le problème du retour à l'emploi, mais pour changer l'ordre dans la file d'attente : les jeunes, les seniors, les chômeurs de longue durée ont une chance plus grande de retrouver du travail, alors que sans ces dispositifs, leur retour sur le marché de l'emploi serait encore plus compliqué. Donc ces dispositifs permettent de rééquilibrer les chances, pour faire en sorte que ceux qui ont un accès plus difficile à l'emploi ne soient pas exclus des circuits. Cependant, ces dispositifs ne permettent pas de créer des emplois, donc il est difficile d'apprécier leur efficacité. D'autant plus qu'on ne sait pas quelle serait la situation si ces dispositifs n'avaient pas été mis en place.

Peut-on établir quelles sont aujourd'hui les dynamiques du marché du travail? Quels sont les secteurs qui recrutent et ceux qui détruisent des emplois ? 

La tendance sectorielle est très claire: ces derniers semestres, l'industrie et la construction sont des secteurs qui détruisent des emplois. Alors que c'est vrai pour l'industrie depuis une quinzaine d'années, le retournement est plus récent pour la construction qui est très touchée et qui devrait continuer à l'être dans les prochains semestres. La situation dans les services est un peu meilleure, et c'est dans les services que l'on devrait voir les effets de la croissance en 2015, même si on ne peut pas encore affirmer où précisément les emplois seront créés.

On prévoit aussi une relance de l'intérim dans un premier temps, très sensible à la conjoncture et qui permet aussi aux entreprises d'embaucher d'abord en intérim et d'éventuellement le transformer en CDI. Entre janvier et juin 2015, on constate une augmentation réelle des contrats intérimaires de 2,6% selon le baromètre Prism'Emploi. De plus, ce sont les entreprises de moins de 20 salariés qui sont les plus porteuses et qui supportent l'embauche, bien qu'elles proposent majoritairement des CDD.

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