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Délai de carence des fonctionnaires en arrêt maladie : équité, poil au nez
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Zone franche

L’alignement des conditions d’arrêt maladie des fonctionnaires sur celles des salariés du privé, c’est de la bonne vieille austérité en temps de crise, pas de l’équité.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Catch 22 est une expression inventée par l’écrivain américain Joseph Heller pour le roman du même nom et recouvrant le paradoxe suivant : si l’initiative que l’on prend pour atteindre un objectif est en contradiction formelle avec ce dernier, à quoi bon ?

Dans le livre, un pilote de chasse forcé d’accomplir une mission à la limite de l’opération-suicide ne peut refuser de s'envoler qu'en apportant la preuve de son instabilité mentale. Le hic (le « catch »), c’est qu’un type démontrant qu’il est maboul pour échapper à une mort quasi certaine est manifestement tout à fait sain d’esprit…

L’introduction d’un « délai de carence » pour les fonctionnaires ― c’est à dire d’une non-rémunération de la première journée d’un arrêt maladie ― au nom de l’égalité avec les salariés du privé semble procéder de la même logique absurde.

Dans l’immense majorité des entreprises, en effet, l’employeur prend ce délai de carence à sa charge, son collaborateur conservant de 75 à 100% de son salaire. Le fonctionnaire n’abandonne donc qu’un privilège théorique sur le reste de la population, même si l’économie qu’en attend l’État (240 millions d’euros) est on ne peut plus concrète. 

De fait, c’est cette passion française pour une égalité de façade qui empêche de dire les choses telles qu’elles sont : la création de ce délai de carence est essentiellement un moyen de réduire les dépenses déguisé en mesure « morale ». En Grèce, en Grande-Bretagne, en Espagne, s’il n’y a plus assez de sous pour payer les salaires dans la fonction publique, on supprime des postes et on rogne carrément sur la fiche de paye de ceux qui restent sans storytelling inutile.

Chez nous, où l’on ne prononce même pas le mot rigueur sans se signer et balancer du sel par dessus son épaule, on se féliciterait presque d’avoir un gouvernement aussi inspiré par les jugements de Salomon.

Que le statut des fonctionnaires ― qui travaillent moins, cotisent moins, partent en retraite plus tôt et avec une pension supérieure ― ait besoin d’être revu et aligné sur celui de leurs cousins du privé, c’est une position qui se défend. En Suède, en Finlande ou au Canada, pays où l’environnement social vaut bien le nôtre,  le contrat de travail d’un comptable est le même au ministère ou à l’usine.

Mais que l’on présente un recul comme une avancée sans jamais assumer ses choix, ça finit par agacer. Dans le livre de Heller, le « catch » n’existe d'ailleurs que pour empêcher le pilote, sain d’esprit ou pas, d’échapper au casse-pipe. Ici, le délai de carence (qui fait tout de même moins mal) est un pur serrage de boulons, pas la fin d’une inégalité.

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