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Les (fréquentes) colères de Manuel Valls relèvent-elles d’une stratégie politique ou d’un tempérament mal maîtrisé ?
©Reuters

Sang chaud

A plusieurs reprises, le premier ministre Manuel Valls s'est laissé emporter par des crises de colères qui l'ont placé au devant de la scène médiatique. Un comportement qui nécessite des explications.

Atlantico : Ces derniers mois, Manuel Valls multiplient les colères sur la scène médiatique. Cette semaine encore, il a été l'acteur d'une violente passe d'armes à l'Assemblé Nationale avec Christian Jacob. Comment peut-on analyser ces emportements ? Est ce qu'il s'agit d'un manque de maîtrise de soi ou d'une stratégie politique ?

Stephen Bunard : Chez Manuel Valls, le sourcil est souvent froncé et la bouche même quand elle sourit, inversée, ce qui est observable aussi chez Martine Aubry et chez toutes les personnes qui sont pétries de principes mais ont aussi une certaine rigidité dans leurs convictions et une faible flexibilité comportementale quant à envisager d’autres hypothèses que celles pour lesquelles ils estiment avoir beaucoup réfléchi. Sans doute faut-il voir aussi dans les racines latines du Premier Ministre, dont les gestes sont élevés, signature d’une engagement entier dans les valeurs qu’il porte, une des raisons de sa plus grande propension à s’irriter. Mais il n’est pas notablement plus enclin à partir en croisade que la plupart des politiques qui, sous stress, dressent leur corps vers l’avant droite, pointe un index donneur de leçon et deviennent intarissables pour justifier leur position ; les Monsieur et Madame Opinion qui n’évaluent les autres et ne s’évaluent eux mêmes que sur la capacité à argumenter, raisonner, défendre des valeurs, opiner sont légion en politique. Il ne s’agit pas plus d’un manque de maîtrise de soi que de stratégie politique, Valls paie le tribu de l’intensité de ses engagements, toute atteinte à ses valeurs le précipite hors de lui. On trouvera selon qu’on l’adule motif à s’en réjouir, selon qu’on le déteste, motif à le blâmer.

Voir :Crise des éleveurs : violente passe d'armes entre Manuel Valls et Christian Jacob à l'Assemblée

Quels gestes pouvons-nous distinguer ? Que traduisent-t-ils ?

Il a en général une grande cohérence gestuelle, c’est-àdire un langage corporel qui vient renforcer le discours. L’utilisation importante de la main gauche dans ses discours de politique générale traduit la spontanéité de Manuel Valls et l’index droit qui bouge son désir d’action au-delà des mots. On a aussi pu voir des codes inconscients de séduction avec les yeux, les paupières, quand il a parlé de dialogue social ou de nouvelle étape du quinquennat, qui sont les points sur lesquels il voulait particulièrement convaincre. On a souvent un Manuel Vallsassez expressif et en mode séduction.

Sa paupière droite plus tombante souligne un certain épuisement professionnel. Je l’avais remarquée lors de la conjonction des événements difficiles à Marseille et de l’affaire Léonarda. Ce qui se joue dans notre tête peut avoir des conséquences sur la neurotonicité de petits muscles très fins autour de l’oail. L’état de sa paupière nous renseigne d’une certaine façon sur sa maîtrise des dossiers. Dans ses discours, il arrive que souvent la langue sorte vers la gauche, cela signifie qu’il va prendre le risque de dire des choses qui ne sont pas toujours faciles à entendre. Si sa très grande cohérence gestuelle fait sa force, le prix à payer, c’est que toute incohérence gestuelle sautera aux yeux.

En mars, après un échange virulent avec Marion Maréchal Le pen, Manuel Valls s'est fait attaqué sur sa main qui tremblait fortement. Bien souvent, cette expression est utilisée pour désigner un manque de détermination. Certains l'ont traduit par un manque de contrôle de soi, d'autres par un signe annonçant un éventuel futur burn out. Est-ce que ces tremblements peuvent souligner une fragilité chez Manuel Valls ? 

Manuel Valls est un émotionnel qui essaie de se contenir. Mais quand il est profondément touché dans ses valeurs, c’est normal que la main gauche, davantage reflet de la spontanéité, perde le contrôle. 

Face à Marion Le Pen, les tremblements sont très impressionnants. Mais de mon point de vue, et en dehors de toute considération médicale, les tremblements de Manuel Valls ne reflètent pas une violence contenue ni dangereuse. En effet, la main qui tremble est la main gauche, celle de la spontanéité et de l’émotion. C’est d’ailleurs, sa main droite, celle qui explique et qui argumente, qui tente de contenir les tremblements. Aussi, je pense qu’à ce moment-là, le Premier ministre est plus dans l’émotion que dans l’agressivité. Plusieurs signes avant-coureurs sont d’ailleurs visibles sur la vidéo mise en ligne par France 3. Alors que Marion Maréchal-Le Pen parle, on le voit arborer un rictus au coin de la bouche. C’est effectivement un signe d’agacement et le reflet de son côté sanguin. Mais quelques instants plus tard, Manuel Valls lève les yeux au ciel. Ce mouvement traduit inconsciemment une volonté de reprendre le contrôle de ses émotions, de reprendre le dessus. Contrairement aux idées reçues qui voudraient y voir que détachement ou mépris. Je constate qu’il a marqué un temps d’arrêt quand Marion Maréchal-Le Pen a évoqué son ‘mépris crétin’. A ce moment-là, le Premier ministre ne cligne plus des yeux, il n’enregistre plus les informations. Sans doute a-t-il été surpris, heurté par ce vocabulaire. Et puis au final, le Premier ministre craque : sa main gauche est prise de tremblements, les émotions le submergent. Il est bien évidemment en colère et cela se voit- il est rouge, un peu bouffi – mais il n’est pas agressif. Je dirais plutôt qu’il est intimement affecté par les propos de la députée FN. La colère dont on parle n’est pas une colère de colérique dur (qui serait très marquée de la main droite), mais plutôt celle d’un être émotionnel profondément blessé, atteint dans sa chair, et qui perd le contrôle.


Si nous devions comparer sa colère à celles d'autres hommes politiques (Le Pen, Sarkozy, Mélenchon ...), quels constats pourrions nous faire ?

Les colères de ces personnalités sont plutôt stratégiques. La colère qui se rapproche le plus de celle de Valls face à Marion Le Pen, est peut-être celle de Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy bien qu’elle exprimera la sienne avec plus de contrôle froid pour tacler son adversaire.


Taubira "tract pour le FN" : Manuel Valls...par LeHuffPost

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