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Pourquoi la droite devrait rompre avec sa vision socialiste de l’immigration
©Reuters

Changement de cap obligatoire

En 2015, 35 années après que George H Bush et Ronald Reagan prirent position en faveur d’une politique migratoire généreuse, le Parti Républicain débat de la politique migratoire opportune, mais du côté de la famille Bush, le fils Jeb reste en faveur d’une immigration régulée mais large, comme il l’a exposé dans un livre. En France, la droite est très loin de cette approche.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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En 1980, dans un débat qui les opposait pour l’investiture républicaine, George H Bush et Ronald Reagan prirent, l’un et l’autre, position en faveur d’une politique migratoire généreuse : pour des raisons historiques et économiques, les Etats-Unis se devaient d’accueillir des migrants. En 2015, 35 années plus tard, le Parti Républicain débat de la politique migratoire opportune, mais du côté de la famille Bush, le fils Jeb (comme son frère George W avant lui) reste en faveur d’une immigration régulée mais large, comme il l’a exposé dans un livre.

En France, la Droite est très loin de cette approche. Dans le débat en cours à l’Assemblée Nationale, elle a opté pour une position de fermeté absolue. Il y a, évidemment, de la posture politique : le Parti socialiste sait qu’avec ce sujet, il peut remobiliser un peu de son camp tout en profitant de l’image du Premier ministre pour ne pas paraître trop laxiste. Dans le même temps, il peut conduire l’Opposition à tenir son rôle fermé, l’éloignant d’un centre mou, tout en la caricaturant pour une prétendue proximité avec le Front National. C’est d’autant plus habile de sa part qu’elle n’a pas fait grand-chose pour l’immigration depuis 2012, ni d’ailleurs pour l’intégration (la politique de la ville, par exemple, qui concerne au premier chef des populations immigrées ou d’origine immigrée, est au point mort).

La Droite considère pour sa part que tout fléchissement serait une compromission impardonnable : il faut dire que dans l’opinion et sur le terrain, l’électorat semble bien plus proche de ses positions que de celles, prétendument généreuses et rarement suivies d’effet, de la Gauche.Elle peine toutefois à trouver le discours équilibré qu’elle avait pu avoir par le passé quand Emmanuelle Mignon tenait la plume du projet…

Pour s’opposer à une politique migratoire trop large, la Droite s’appuie parfois sur un argument culturel : l’intégration pose problème (en clair : « il y a une inquiétude des Français vis-à-vis de l’islam). La faiblesse de ce raisonnement est qu’environ la moitié des migrants qui arrivent en France viennent … d’Europe (et l’immigration européenne ne se cesse de croître). Le premier pays d’origine des immigrants en France en 2012, c’est le Portugal. Le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) représente, pour sa part, 17% des migrants.

Un autre argument est d’ordre économique : il est avancé soit dans l’intérêt des migrants (« la France ne peut pas accueillir tout le monde dans de bonnes conditions »), soit dans celui de ceux qui sont déjà là (« il y a déjà tant de chômage ! », « la France ne peut plus se le permettre », etc.). C’est une erreur d’analyse.

La première faiblesse tient à ce que l’immigration accroit la croissance du pays d’accueil comme du pays d’origine. Sans revenir sur l’abondante littérature économique qui le démontre, il faut rappeler qu’elle augmente la force de travail en apportant une main d’œuvre motivée (pensez à la détermination qu’il faut pour s’embarquer dans un rafiot pour traverser la Méditerranée !). Aux Etats-Unis, c’est même la seule solution pour atteindre 4% de croissance annuelle, qui est l’ambition portée par l’ancien président George W Bush (qui avait œuvré en son temps pour des régularisations massives). L’immigration contribue également à stimuler l’innovation : ce n’était pas tout à fait par altruisme que tous les géants de la Silicon Valley s’étaient mobilisés pour que le Président Obama mette en œuvre une politique migratoire généreuse ! Sergey Brin, fondateur de Google, Jerry Yang, fondateur de Yahoo!, Elon Musk, fondateur de fondateur de SpaceX ou Tesla, Pierre Omydiar, fondateur de Paypal, ne sont pas nés américains !

La seconde erreur – et la plus grave de la droite–,c’est qu’en s’en tenant à des politiques migratoires restrictives, elle sombre… dans le socialisme le plus dépressif. En défendant l’idée que l’immigration bouleverse l’économie française et doit donc être limitée, elle s’inscrit dans le cadre de pensée de la Gauche : celui de la redistribution, au lieu de celui de la création. Dans son discours, l’Opposition fait le constat d’un système qui ne marche plus etdans lequel le rôle résigné du politique serait d’organiser la répartition pacifique des rares bénéfices. Cette logique est celle qui a conduit aux 35 heures, à la taxe à 75% et au chômage de masse. C’est du malthusianisme politique. La Droite devrait au contraire défendre une vision positive, offensive et optimiste qui soutienne la création et promeuvent la concurrence.

L’Etat-Providence ne pouvant plus assumer que plus de monde ne s’assoie à la table du banquet déjà bien pauvre, il faudrait limiter le nombre de convives pour mieux répartir les miettes ? Il faut au contraire réformer les cuisines pour que la production croisse ! Le marché du travail ne produit pas assez d’emplois et il faudrait en limiter l’entrée pour mieux redistribuer les jobs qui existent ? A l’inverse, il faut le réformer pour que toujours plus de monde puisse y progresser !

Si elle se préoccupait un peu plus de croissance, la Droite ne devrait pas s’inquiéter des gens qui veulent venir en France. Elle devrait paniquer en voyant tous ceux qui en partent ! La France a un solde migratoire quasiment équilibré (excédentaire de 40 000 personnes en 2013) : en clair, cela veut dire qu’il y a autant de gens qui entrent en France qu’il y en a qui lafuient (voir l’excellente note de Julien Gonzalez à la Fondapol) ! Ce sont des jeunes, des qualifiés, des familles qui décident que notre pays étant trop bloqué, il est temps d’aller chercher sa chance ailleurs. Mais là-dessus, l’Opposition n’a visiblement rien à dire !

La Gauche socialiste ne défend aucune vision économique de l’immigration : à quelques rares exceptions près, elle ne cherche pas des immigrés pour favoriser la croissance, mais pourparaitre gentille et généreuse. Pour le reste, elle est enferrée dans une idéologie de la redistribution, malthusienne. La Droite y est aussi. Elle ne pourra réformer la France que si elle accepte, elle aussi, de révolutionner son cadre de pensée. Le débat sur l’immigration est en ce sens très révélateur et ce n’est pas une bonne nouvelle.

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