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Cession d'entreprise : la loi Hamon retoquée par le Conseil constitutionnel... Un sport national aux frais du contribuable
©Wikimedia Commons

Une loi qui coûte

Vendredi 17 juillet, les Sages ont retoqué une disposition phare de la loi Hamon qui obligeait un chef d'entreprise de moins de 250 personnes, lors d'une cession, à en informer ses salariés.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Le Conseil constitutionnel vient de déclarer inconstitutionnelle une disposition emblématique de la loi Hamon, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité déposée par un entrepreneur qui voyait la vente de son entreprise menacée d’annulation parce qu’un salarié n'en avait prétendument pas été informé dans les conditions voulue par la loi. Cette décision du Conseil constitutionnel est la bienvenue, non seulement en droit mais aussi, on l’espère, en ce qu’elle souligne le manque d’efficience du travail parlementaire, au préjudice du contribuable.

Le Conseil est venu, ni plus, ni moins, sanctionner une crise d'autorité idéologique des « frondeurs » qui ne pouvait, en droit constitutionnel, qu’être vouée à l’échec. Au détour d'un texte, on donnait ainsi un quasi droit de vie ou de mort sur une entreprise, sur son avenir, au nom d’un prétendu non-respect du droit d’information d’un seul de ses salariés.
En effet, prévoir une nullité en droit des sociétés, notamment  à l’occasion d’opérations de haut de bilan, est un acte grave : le législateur y est toujours allé au compte-gouttes, privilégiant sagement la faculté de régularisation ou d'indemnisation sauf dans des cas graves.

Prévoir l'annulation d'une cession d’entreprise pour avoir voulu préserver le secret des affaires –- ou pour un simple oubli -  était donc une nouvelle épée de Damoclès dramatique, également pour l’entreprise, ses bailleurs de fonds, ses fournisseurs et… ses salariés eux-mêmes : sous la menace permanente du chômage, attentifs au sort de leur entreprise pendant les pourparlers (qu’ils n’ignorent pas, le plus souvent !), les voilà désorientés par les perspectives d’annulation de la vente !

Or, très rares sont les salariés qui ont les moyens ou seulement l’envie de "reprendre" même une TPE, sauf  dans les cas de projets de reprise du type management byout (MBO) ou leveraged management byout (LMBO). Ces salariés sont tout simplement parties prenantes au processus de négociation ! Le propriétaire de l’entreprise est le premier intéressé par cette solution.
Connaissance prise de ces réalités, prévoir l'annulation d'une cession  simplement  parce qu’un salarié (un seul!) n'a pas été informé dans les conditions souhaitées était, comme l'a relevé le Conseil Constitutionnel, totalement  disproportionné et c’est un euphémisme.

Enfin, que la nullité ait pu être envisagée comme une simple menace pour dissuader les « patrons », nécessairement mal intentionnés, n’atténue pas – bien au contraire - cette incantation idéologique d'un autre âge. Le principe d’une indemnisation au cas par cas eut été plus  efficace y compris pour… le législateur lui-même.

Que penser de cette succession de textes qui sont ainsi "rétoqués" par les cours européennes ou le conseil constitutionnel (qui n'a jamais autant été saisi!) ? On peut soit penser qu'il s'agit d'incompétence au plus haut niveau, ce que l'on a quand même du mal à envisager, soit qu’il y derrière tout cela une bonne manipulation politique. Le principe est simple : le gouvernement prévoit une loi, beaucoup trop libérale aux yeux du PS dur, qui gronde et fronde  sur sa gauche ... Alors c'est tout simple et il suffisait d'y penser : nos excellents rédacteurs, au contraire juridiquement très compétents,  introduisent une clause dure, satisfaisant l'aile frondeuse, tout en sachant pertinemment que cela "ne passera pas" car c'est anti- constitutionnel !

Ce petit jeu rédactionnel, si c'est le cas, n’est dans l’intérêt de personne et certainement pas celui des chefs d'entreprises et des salariés qui en sont les principales victimes, au final, attendant en vain la fameuse stabilité que prônent tous les discours politiques. Alors que  préférez-vous ? Des incompétents ignorants juridiquement et hostiles aux réalités de la vie économique, ou bien des manipulateurs ?
Heureusement qu'il y a le conseil constitutionnel. Son président, Jean Louis Debré, auquel je signalais certaines absurdités, m'a toutefois répondu : " nous sommes là pour vérifier qu'une loi est constitutionnelle ou pas, et non pour dire si elle est stupide!

Mais que dire du contribuable qui finance ces milliers d’heures de travail législatif inutile en se serrant la ceinture à chaque fin de mois ? Ce n'est pas gagné!

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