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Près de 2 mois après, quel bilan pour l’implantation de la marque “Les Républicains”?
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Euh, vous vous appelez comment?

Les Républicains cherchent à imposer leur nouveau nom sur le territoire politique français. Pourtant, la sauce ne semble pas prendre. Aujourd'hui, les sympathisants de l'ex-UMP ne sont pas plus nombreux dans les rangs du parti et bien des français et médias ne paraissent pas vouloir retenir leur nouvelle appellation.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Le 29 mai, l'UMP est devenue les Républicains. Pourtant, presque deux mois plus tard,  le nom ne paraît toujours pas ancré dans l'esprit des Français, ni même dans celui des journalistes, qui continuent d’utiliser les termes « UMP » ou d'autres appellations tronquées. Pourquoi une telle réticence ?

Jean Garrigues : Je vois des explications techniques à cette situation. Tout d’abord, intégrer une nouvelle appellation nécessite un certain temps. Dans les précédents mouvements, que ce soit à l'époque des passages de l'Union pour la nouvelle République (UNR) à l'Union pour la défense de la République (UDR) puis au Rassemblement pour la République (RPR) et enfin à l'Union pour un mouvement populaire (UMP), on a constaté des phase de transitions pendant lesquelles les militants et les journalistes étaient déboussolés. Dans les années 1970, les changements d’appellation ont d’ailleurs suscité la verve des chansonniers, ironisant sur la confusion entre les anciens acronymes comme RPF et UDR, et les nouveaux, le RPR créé en 1976 par Jacques Chirac et l’UDF lancée en 1978 par Valéry Giscard d’Estaing. 

Par ailleurs, les Français sont habitués à utiliser des acronymes pour désigner les partis politiques. Choisir les Républicains tranche avec cette habitude. Les Verts et le Front de gauche font figurent d’exception. On est habitué au PS, au PC, à l’UMP, au FN, mais on est troublé par Les Républicains. D’ailleurs en 2002, l’une des propositions d'Alain Juppé était d’appeler le parti « La maison bleue » mais finalement l’acronyme UMP a été préféré.  

Pourquoi le nom "Les Républicains" a également du mal à être intégré et même usité par la plupart des leaders de droite comme Alain Juppé ou François Fillon ? 

Certains leaders, comme Alain Juppé ou encore François Fillon, n'étaient pas de farouches partisans de ce choix et reconnaissaient le trouble de choisir cet intitulé. Ce trouble se retrouve chez les militants et les journalistes.

Cette épine dans le pied pourrait être durable, notamment pour celui qui a initié ce changement de nom, à savoir Nicolas Sarkozy. Les critiques et le scepticisme vis-à-vis de cette nouvelle appellation ne sont pas totalement à dissocier des critiques et des hésitations que suscite la personnalité de Nicolas Sarkozy, sa stratégie politique, et ses dérapages. La personnalité de l’ancien président de la République est associée au nom « Les Républicains ». Et ceux qui contestent, de manière plus ou moins directe, la ligne et la personnalité de Nicolas Sarkozy sont enclins à ne pas soutenir ce nom. 

Qu'est-ce qui dérange le plus dans le choix de ce nom ? 

Nous entrons là dans des explications plus profondes. Les polémiques ont surgi autour de ce choix et notamment sur la question de l'appropriation de ce substantif par la droite, comme si l’on excluait du champ républicain la gauche, le centre et l’extrême droite. Fondamentalement, je pense que c’est cette critique de l’appropriation d’un concept qui handicape les Républicains.

Ce choix provocateur ne peut d’ailleurs être dissocié de la stratégie présidentielle de Nicolas Sarkozy, qui vise à se présenter comme le seul bouclier des valeurs républicaines, face à une gauche considérée comme laxiste et à une extrême droite réputée hostile à ces valeurs. On voit que cette stratégie est loin de convaincre tous les électeurs de droite, et même une grande partie des militants.

La nature ayant horreur du vide, le nom finira probablement par s'imposer. Mais si l’on se réfère aux changements de noms de 1976 et 2002, il est incontestable que « Les Républicains » suscitent davantage de remous. Je le répète, c’est lié à la contestation du leadership sarkozyste, ce qui n’était pas le cas pour Jacques Chirac en 1976 et 2002.

Existe-t-il d’autres raison à cette désaffection qui ne relèveraient pas de ce nom en particulier ?

Au-delà des Républicains, nous sommes dans une phase de désaffection des citoyens envers les partis. A partir de là, quelque soit le nom choisi, il y a l’expression d’un mécontentement, au mieux d’une certaine incrédulité. Les citoyens sont sceptiques quant à la capacité des partis à impulser et à mener à bien les modernisations nécessaires. Il faudrait que les partis se renouvellent, qu’ils mettent en place des systèmes de consultation régulière des militants, des circuits d'information qui fonctionnent plus rapidement notamment avec les réseaux sociaux, etc. Mais il faut bien admettre qu’à l’heure actuelle les partis politiques sont surtout des organisations de seniors. Et les personnes les plus âgées ne sont pas forcément les plus à même à digérer les changements, qu’ils soient de fond ou de forme. On voit que le chantier reste immense pour la prétendue reconquête des Républicains.  

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