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Angela Merkel
Angela Merkel
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Tribune

Angela Merkel a été moquée, méprisée, insultée. Tout le peuple allemand avec elle. Quelle honte.

Alexis Thanasoulas

Alexis Thanasoulas

Alexis Thanasoulas est cadre dirigeant d une agence média du Groupe Publicis a New York. Français de père grec et de mère française, il a commence sa carrière a New York dans le digital, puis occupe des fonctions dirigeantes au sein du Groupe Publicis, a Paris, Mexico City, et New York. Passionne de politique, d'Histoire, et de médias.

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A contre-courant de nombreux media - dont la quasi-totalité des dessins humoristiques - et en tant que Français d'origine grecque, je souhaite remercier Angela Merkel, ainsi que la troika tant honnie. Par la même occasion, je remercie tous les dirigeants Européens, représentant 98% des peuples du continent (et 98% de son PIB), d'avoir eu tant de patience et de tempérance avec ce confetti de gabegie qu'était devenue la Grèce.

Ce qui me choque le plus dans cette télénovela, c'est le succès indéniable des spécialistes de l'agit-prop. On a d'un cote le diable Angela, et de l'autre le saint Alexis. Le peuple nordique oppresseur, et le latin-grec opprime. La mère fouettard, et le pauvre gamin brime. On croit rêver. Les bons élèves pacifiques sont devenus les tyrans. Les dinosaures bolcheviks, qui essaient de nous refaire le coup de l'emprunt russe, seraient les "opprimes de la terre". 1917 d'opérette. #thisisacoup. Against Europe, oui.

En vérité, c'est la Grèce qui menace l'Europe démocratique ! Pas Angela. La Grèce la menace avec son amateurisme total, la malhonnêteté intellectuelle et pécuniaire de sa classe dirigeante, l'avarice de ses ploutocrates, dont les riches armateurs, le silence assourdissant de son Eglise Orthodoxe, la mauvaise foi de son peuple, qui a perdu toute logique simple. La Grèce, "créatrice" de l'Europe, pourrait également être son fossoyeur.

L'Europe aussi a sa part d'ombre. Au nom d'un certain romantisme intellectuel, VGE en tête, on a voulu faire entrer Platon au club sans oser lui demander sa carte d'identité. "C'est la Grèce, tout de même, berceau de notre civilisation, vous comprenez". Le problème, c'est qu'il y a eu usurpation. C'est Hermès qui s'est engouffre. Le Dieu des commerçants et... des voleurs. Goldman Sachs a la Toison d'Or nous joua une belle pièce de théâtre, uniquement composée de masques comiques, remisant les tragiques en coulisses, au vu et au su de tous les dirigeants européens de l'époque.

Au final, cependant, chaque Grec a une part de responsabilité écrasante dans la situation actuelle. Nous connaissons tous un cousin embauche indument dans une quelconque administration ou entreprise publique, se moquant ouvertement de ne pas avoir de bureau, mais touchant un salaire, tout en occupant une autre profession, non soumise à l'impôt. 

Nous avons tous un oncle qui dirige une entreprise familiale de travaux publics, qui a construit 1 km d'une autoroute, engloutissant l'équivalent du prix de 10km, tout ça pour avoir des nids-de-poule dès la première pluie. Sans oublier un autre oncle médecin, qui touchait des enveloppes pour soigner les gens dans un ordre différent. Honteux Hippocrate parjure. Un copain taxi "aveugle" touchant une pension d'invalidité. Une tante patronne de taverne animée, déclarant 12.499 euros de revenus, quand le seuil imposable est de 12.500 euros. Seul un très faible pourcentage des avocats grecs gagne plus de 12.500 euros par an.

Nous connaissons tous Stelios le berger, qui a acheté un énorme 4x4 avec les subventions européennes. Evidemment, il est trop "injuste" de s'attaquer au mythe du berger. Barbe en bataille, œil malin, hâbleur, gardien des collines millénaires de la Grèce. Mais profiteur des subventions agricoles, matois et madré.

Que dire du fisc grec qui roule en Porsche Cayenne ? L a-t-on dénoncé, a-t-on enquêté, puis l a-t-on banni de la Polis ? Non, il était admire. Envie, même ! On cherchait activement un emploi fictif dans son bureau pour le petit-fils ou le cousin par alliance.

Quant aux grands affairistes qui obtenaient tous les contrats publics, et en profitaient pour créer des décharges au bord de la mer, aux frais de l'UE, afin de s'assurer de bien détruire le patrimoine touristique de leur pays, qu'ont-ils fait de leurs milliards ? Ou sont les généreux donateurs a la Grèce comme Onassis ou Averoff ? En Suisse. A Panama. à Hong Kong. Ou tapis dans leur fondation culturelle qui siphonne des millions d'euros d'impôts.

Quid de la poignée de syndicalistes mafieux du port du Pirée, qui a littéralement détruit l'industrie portuaire et des milliers d'emplois directs et indirects ? Il a fallu que les Chinois remettent de l'ordre. Les Chinois ! Eux qui ne s'étaient jamais aventures sur les mers en 5 millénaires, a part une expédition désastreuse qui les cloitra a jamais dans leur Empire enclave, ils viennent enseigner la gestion d'un port a la plus mythique force navale du monde. Le Pirée, de surcroit. Point de départ du rayonnement intellectuel et commercial d'Athènes il y a 2500 ans. Qui peut-on blâmer sinon l'absence totale de courage politique des dirigeants hellènes pour coffrer 20 syndicalistes ? Qui blâmer sinon une collusion clientéliste généralisée de la part des Grecs eux-mêmes ? Blâmer les Chinois, le "capitalisme financier", l'UE, c'est tellement plus commode comme bouc-émissaire.

Les Grecs qui sont choques par ces comportements sont isoles, silencieux, car la pression sociale est trop forte. Combien de brouilles familiales sur tous ces sujets. L'impression de se battre contre une culture tellement ancrée dans les mentalités. A croire que la guerre d'indépendance de 1821 n'a jamais eu lieu. La Grèce ne se serait donc pas libérée de la mentalité orientale ottomane ? Pourtant, nos voisins turcs ont une économie qui tourne mieux. Les Grecs se sont tire une balle dans le pied tout seuls. Blâmer l'Europe, l'absence de démocratie, les diktats allemands sont des accusations trop emphatiques pour être crédibles. Ces anathèmes sont une insulte à l'intelligence de ceux qui les profèrent.

La Grèce... Ses iles, son génie immatériel qui nous en apprend encore tous les jours, la sympathie joyeuse de ses habitants, la simplicité antique, ses criques et ses tavernes, la grandeur des paysages malgré l'étroitesse géographique de cette péninsule balkanique coincée entre la mer, et des voisins compliqués. Ses mythes, son bleu, sa lumière, sa douce folie aussi parfois. On lui a tellement pardonne, au nom d'un héritage dont nous sommes tous redevables, dans un monde que l'obscurantisme religieux couvre peu à peu...

Pourtant, ce souffle épique cache 40 ans de gabegie absolue, digne des pires républiques bananières africaines. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la Grèce est voisine du Soudan pour défaut de paiement au FMI. C'est une économie anarcho-socialiste. Le secteur prive fait ce qu'il veut en raison d'une bureaucratie tatillonne mais inefficace. Les monopoles publics étouffent le secteur privé. Et tout le monde essaie de se nourrir sur la bête.

Forcément, l'addition arrive un jour. Les premiers touchés sont ceux qui ont vécu au-dessus de leurs moyens pendant de nombreuses années. Y compris Stelios le berger, qui devra revendre son 4x4 au rabais, et que l'on verra faire la "pleureuse" a la télévision, puis sur twitter, pour le plus grand bonheur des sensibles qui se laissent piéger. Je ne suis pas inquiet pour Stelios, Il est malin et plein de ressources, il trouvera de quoi s'occuper pour gagner sa vie sans subventions européennes. Les histoires individuelles sont tristes - mes parents, retraites en Grèce en souffrent -  mais la Grèce ne mourra pas. Elle sortira renforcée de cette nécessaire catharsis.

La liste Lagarde, "égarée" par les gouvernements successifs, devra réapparaître, et des accords avec les banques offshore trouves, afin de récupérer tout cet argent vole à coups de milliards de surfacturations. Oui, les riches doivent payer. C'est un libéral qui vous le dit. Au nom justement, de l'égalité des chances et de la confiance, socles incontournables d'une économie saine et politiquement acceptée par le peuple entier.

Je ne souhaite qu'une chose: que cette crise ouvre les yeux a tous les Grecs et à leur classe dirigeante. Nous avons besoin d'une grande thérapie collective. D'un Churchill qui nous dise la vérité brute en face, et qui, en même temps, montre une voie pour s'en sortir par le haut. Il est devenu surréaliste d'entendre les Grecs, et même certains politiques européens, critiquer l'Europe pour son manque de solidarité, sans jamais établir le diagnostic réel.

La leçon de démocratie et de solidarité, c'est l'Europe qui l'a donnée. Les peuples européens ont paye depuis 35 ans, par leurs impôts, fruit de leur travail, une somme énorme pour venir en aide a un pays compose de "citoyens" qui, eux, ne payaient pas les leurs. Le referendum stupéfiant  organise par des sophistes rouges, fut un déni de démocratie, justement. Qui voterait pour payer des impôts, et faire preuve de discipline, quand on a tout eu gratuit depuis 40 ans ? Le matraquage en faveur du non fut inouï de démagogie et une leçon de manipulation communiste de la démocratie. D'ailleurs, quand j'entends parler de "démocratie populaire", je crains pour ma liberté.

Les solutions ne sont pas compliquées: stabiliser le secteur bancaire afin de redémarrer l'économie quotidienne, éliminer à la machette la bureaucratie qui entrave le secteur privé, créer une escouade incorruptible de collecteurs d'impôts, payée a la commission, libéraliser des pans entiers de l'économie publique, parfois captée par les monopoles prives, licencier des milliers de fonctionnaires aux postes fictifs, généraliser l'énergie renouvelable pour réduire la dépendance énergétique au pétrole et au charbon, importes a 100%, travailler main dans la main avec l'immense et industrieuse diaspora grecque, prête à investir des milliards si les conditions fiscales et juridiques inspirent confiance. J'attends paradoxalement de Tsipras le Kokkino (rouge), qu'il soit le leader historique que l'on n'attendait pas. Même si j'ai mes doutes sur ce syndicaliste professionnel étudiant, qui n'a aucune notion d'économie, dont la revendication était "on va en cours quand on veut", qui n'a jamais géré un compte d'exploitation, ni embauche personne...

La Grèce fut romaine, franque, vénitienne, ottomane, bavaroise. Sa perte de souveraineté momentanée n'est pas une première. Elle est une chance pour rebondir. Arrêtons de gémir avec de grands mots vides de leur sens.

Alors danke, Angela. L'eau semble trouble, quand on a les yeux rives sur l'événement. Je suis cependant persuadé que vous resterez dans l'Histoire comme le leader qui aura permis à la Grèce de revenir à la maison Europe - certes en lui forçant la main, comme a un enfant turbulent - en accomplissant des reformes qui l'éloignent enfin du clientélisme moyen-oriental, et de la corruption tiers-mondiste. Comme Othon, Winckelmann, et Schliemann en leur temps, vous avez sauve la Grèce. Danke.

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