Et sinon pour aider la Grèce, qu'est-ce qu'on peut faire concrètement pour qu'elle devienne une économie productive ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Comment aider la Grèce à retrouver une économie productive?
Comment aider la Grèce à retrouver une économie productive?
©Reuters

Il n'y a pas que les milliards

Les débats suscités par la crise grecque s'attardent principalement sur le respect des règles européennes ou le remboursement de la dette. Une forme de pragmatisme consisterait pourtant à se concentrer sur les actions à mener dans le but de relancer l'économie productive.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Comment peut-on relancer l'économie productive grecque ? Sur quelle base préexistante doit-on partir ?

Philippe Crevel : L’endettement grec est le produit d’un état impécunieux mais surtout d’une économie qui s’est étiolée d’année en année. L’introduction de l’euro a permis à la Grèce d’accéder à des prêts à taux faibles mais l’argent ainsi collecté a servi à financer des investissements à faible productivité, essentiellement dans le tourisme et donc dans le bâtiment. Le surcroit de croissance dans le début des années 2000 a provoqué une augmentation des coûts salariaux entrainant une diminution de compétitivité, des pertes de parts de marché. Pour faire face à la désindustrialisation qui en a résulté, les gouvernements grecs n’ont eu de cesse d’augmenter les dépenses publiques. Face à une économie gravement anémiée, il est indispensable de mener des actions structurelles.   

La sortie de la crise grecque ne peut pas être que comptable et financière. Elle suppose la mise en place d’un programme de redéploiement économique. En 1947, face à la menace communiste, les Etats-Unis ont mis en œuvre le plan Marshall afin de permettre à l’Europe de se reconstruire. Les Etats européens, anéantis par des années de guerre, manquaient cruellement de capitaux. Le plan Marshall leur a permis à travers l’Union européenne de paiement alimenté par des dotations budgétaires américains de disposer des devises nécessaires pour financer des investissements réalisés par des sociétés américaines…

L’Europe devrait se doter d’un fond d’action structurelle venant en aide à un ou plusieurs pays confrontés à un choc asymétrique. Au sein des Etats membres, il a été mis en œuvre des dispositifs permettant de venir en aide à des régions en difficulté ou en retard. L’Etat italien a soutenu le développement du Mezzogiorno, de la Sicile, de la Sardaigne, l’Espagne  a fait de même avec le Pays Basque. En France, la Corse a dans les années 2000 bénéficié d’un plan d’équipement et d’investissement. Dans les années 70, la Bretagne et le Grand Sud-Ouest ont également profité de plans de soutien exceptionnels.

Le plan du Président de la Commission de Bruxelles, Juncker, qui porte sur plus de 300 milliards d’euros aurait dû être ciblé sur les pays en difficulté et non se résumer à un saupoudrage de crédits sur une kyrielle de projets plus ou moins intéressants.

Relancer une économie productive induit généralement des investissements. Le secteur privé européen pourrait-il trouver des opportunités intéressantes ?

Les investissements sont les plus porteurs de croissance. Ils génèrent de l’emploi et peuvent s’ils sont bien sélectionnés engendrer des gains de productivité. Ils peuvent en outre favoriser la naissance de nouvelles activités. Evidemment, il ne faut pas investir pour investir. Ce n’est pas en couvrant la Grèce d’autoroutes, de voies ferrées que par magie, la croissance reviendrait.

Plusieurs formules afin d’associer les entreprises grecques et les entreprises européennes pourraient être mises en œuvre. Le recours à des partenariats publics privés offrirait l’avantage d’éviter la suspicion de colonialisme ou de vente à la découpe de la Grèce. Des joint-venture pourraient être également imaginés. L’obligation de recourir des sous-traitants locaux pourrait être introduite…

Au niveau des investissements à réaliser, les opportunités ne manquent pas. De nombreux projets d’investissement pourraient concerner l’énergie pour laquelle la Grèce est fortement tributaire des importations. Plusieurs compagnies recherchent des hydrocarbures en mer Egée, à proximité de Chypres... La probabilité de découvrir du pétrole est assez élevé tout comme pourrait l’être les coûts d’exploitation de gisements en eau profonde. Au niveau de l’énergie, il serait intéressant de mieux relier la Grèce aux réseaux de gazoduc, en particulier à ceux de la Russie.

La modernisation des ports grecs tout comme des infrastructures routières et ferroviaires est souhaitable tout comme l’amélioration de l’accès à Internet à très haut débit. Compte tenu du grand nombre d’iles, la technique satellitaire pourrait compléter le déploiement de la fibre optique.

La Grèce dispose d’atouts indéniables. Son positionnement géostratégique en fait une voie de passage clef d’autant plus la fiabilité de l’allié turc pose problème. La Grèce possède une population plutôt bien formée et qui est en sous-emploi. Le coût du travail est inférieur en Grèce que dans les pays de l’Europe du Nord ou qu’en France. Le temps de travail contrairement à certaines idées préconçues est supérieur à celle constatée en Allemagne.

A une échelle institutionnelle, la BCE a mis en place en début d'année une politique d'assouplissement monétaire de plusieurs centaines de milliards d'euros, et destinée à racheter les dettes européennes en relançant la croissance. Dans quelle mesure un tel plan, aujourd'hui interdit aux grecs, pourrait-il bénéficier à l'économie productive du pays ?

Le Quantitative Easing mis en œuvre par la BCE vise, en effet, à faciliter le crédit en faveur des entreprises. En achetant des titres publics aux banques commerciales, les banques centrales nationales et la BCE augmentent les ressources des premières afin qu’elles puissent prêter aux agents économiques à des taux bas. En empêchant la banque centrale grecque et les autres banques centrales d’acheter des titres grecs que personne ne souhaite, par ailleurs, avoir dans ses comptes, la BCE sur pression allemande empêche la Grèce de bénéficier du QE. Il faudrait sans nul doute créer un canal particulier de financement pour les banques grecques afin qu’elles puissent prêter aux entreprises.

Les entreprises grecques souhaitant investir avec des créations d’emploi à la clef devraient pouvoir accéder à un canal particulier de la BCE qui aujourd’hui maintient simplement à flot le système financier.

Les autres pays européens pourraient-ils apporter une aide technique à l'administration grecque pour relancer l'économie productive ? Quel pays pourrait alors se trouver dans une bonne position ?

Il est toujours facile de conseiller, il est plus difficile de réaliser. Les conseils ne manquent pas mais il faut évidemment faire attention à la susceptibilité grecque. Il faudrait multiplier les échanges entre administrations européennes. C’est par la mutualisation des expériences que l’on pourra obtenir une convergence des pratiques et la diffusion des meilleurs comportements. Il serait illusoire de vouloir plaquer en Grèce le savoir-faire fiscal français et la rigueur budgétaire allemande. Cette crise grecque devrait également inciter les Etats membres à réfléchir à des formations communes pour les hauts fonctionnaires qui devraient pouvoir exercer dans plusieurs Etats membres. L’intégration économique et financières des Etats membres de la zone euro impose aux responsables administratifs d’avoir des expériences internationales comme l’ont de plus en plus les dirigeants des grandes entreprises.

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