François Hollande ne tire aucune leçon du psychodrame grec. Il est content. Quelle audace ! <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande
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L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

François Hollande s’est félicité de l’accord européen, il y croit. A Athènes, Alexis Tsipras dit tout haut, qu’il n’y croit pas lui-même. Mais où va-t-on ? Sur quelle planète est-on ? François Hollande s’est défini comme un président audacieux… Alors qu'il est, tout le contraire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les milieux économiques sont plutôt optimistes sur l’évolution de l’Union européenne mais désemparés par les non-projets du président français et le comportement du Premier ministre grec.

Les propos tenus à l’occasion du 14 juillet ne laissent aucune place au doute, François Hollande n’est préoccupé que par une seule chose : sa réélection aux présidentielles de 2017. En simplifiant ce qu’il a dit, « l’accord européen est un bon accord, le couple franco-allemand est resté uni , la croissance est revenue mais il faut la renforcer , et pour ce faire, je serai un président audacieux .. » De l’audace, toujours de l’audace !!!

Tout est faux. L’accord européen est fragile. Alexis Tsipras vient de déclarer qu’il n’y croyait pas lui-même. Comment dans ces conditions penser que l’accord sera respecté et même validé par les Parlements en Europe? François Hollande le croit, lui. D'autres en Europe pensent que Tsipras a signé le compromis pour recevoir l’argent. Après? On verra bien...La Grèce n’est pas tirée d’affaire.

Au chapitre de l’économie française, la croissance est revenue, dit François Hollande. Mais grâce à la conjoncture internationale, ce qu’il ne précise pas. La France n’en profitera donc pas en termes de créations d’emplois. Il faut  continuer à déverrouiller le système économique. Dans les faits rien n’a été entrepris. Ni sur la fiscalité, ni sur le droit du travail.

Tout est faux, le président de la République a simplement expliqué à ses frondeurs qu’il avait sauvé Alexis Tsipras du désastre. Il a essayé de dire à ceux qui n’ont pas d’emploi que ça allait changer, et aux chefs d’entreprises qu’ils allaient retrouver de la liberté d’entreprendre.

Les milieux économiques n’ont pas vu dans la politique économique menée depuis un an, beaucoup d’audace. La musique a changé, la partition dictée par Manuel Valls et Emmanuel Macron est surement plus libérale qu’avant, mais l’interprétation n’est évidemment pas à la hauteur. Le pacte d’emploi-compétitivité est spectaculaire quand on l’explique à la télévision, mais il tombe à plat des qu'il faut le mettre en œuvre, la politique monétaire est devenue plus volontariste mais les masses de liquidités arrosent principalement les marches financiers. L’investissement et l’emploi sont toujours aussi léthargique. La raison en est simple. Pour investir et créer des emplois, les entreprises ont besoin de visibilité, de stabilité et de souplesse. Un peu de légèreté dans les règles administratives et fiscales. Or ces leviers essentiels de l’audace entrepreneuriale n’ont pas été huilés. Les dépenses publiques captent encore plus de la moitié des richesses créées, le déficit croît moins vite, mais continue de croître, donc la dette d’alourdit encore chaque année.

Nous ne devons notre survie, qu’à la puissance de l’épargne des Français, et à la faiblesse des taux d’intérêt que nous autorise l’appartenance à l’Union européenne.

Il n y a pas beaucoup d’audace dans une telle équation. Ni d’originalité. Il y a beaucoup de conservatisme.

Pour les milieux économiques, l’accord européen pour négocier un nouveau plan d’aide à la Grèce est plutôt mieux ficelé que les deux précédents à deux conditions.

D’abord que la Grèce vote les textes de reformes sur lesquels Tsipras s’est engagé sans y croire, ce qui va rendre l’exercice compliqué. Ensuite, que ces réformes soient appliquées.

Ces deux conditions ne sont pas encore réunies. La majorité des Grecs qui ont voté non au référendum se retrouvent aujourd hui devant un dispositif qu'ils ont refusés massivement. Le ciel d’Athènes risque de se couvrir d’orage dans les jours qui viennent.

Ceci dit, les milieux financiers qui ne souhaitaient pas que la Grèce reste dans l’Euro à n’importe quel prix, sont plutôt satisfait d’un compromis qui préserve l’avenir, alors que l’humiliation immédiate aurait tout  détruit.

Ce qui est sûr en revanche c’est que pour les milieux d’affaires français et européens, la gouvernance française, n’a pas voulu comprendre ce qui s’était passé. Le président français pense et dit qu'il a rendu un grand service à la Grèce. A Bruxelles et dans beaucoup de capitales européennes (y compris en Espagne et au Portugal ) on estime que c’est l’intransigeance et le sérieux des gens du Nord et d’Angela Merkel qui ont rendu un sacré service à la France. Or il aurait fallu tirer les leçons de ce psychodrame grec ce que le président français n’a évidemment pas fait.

Il  aurait fallu tirer trois séries de leçons de cette crise Grecque qui n’est pas terminée.

La première série de leçons, c’est qu'un pays, si malin soit-il n’échappe pas à la contrainte économique et financière. Il ne peut pas échapper à la contrainte des marchés sauf à sortir des marchés. Alexis Tsipras a rendu les armes, abdiqué beaucoup de ses convictions et de ses promesses quand il s’est aperçu que les créanciers n’allaient pas cèder au chantage et que son pays allait tout droit à la faillite. Plus grave, il savait que le système bancaire grec ne tenait plus que par des perfusions. La semaine prochaine, les banques grecques se seraient effondrées. Le peuple grec se retrouvait sans un sou. Dans ces conditions, la réalité des marchés n’a plus rien de théorique. Cette contrainte-là  rappelle que lorsqu’on vit en communauté, on doit forcément respecter les règles de cette communauté. La crise grecque a donc rappelé à l’Europe toute entière que l’euro était porteur d’avantages mais que pour adhérer à ces avantages il fallait respecter les codes et les procédures qui permettent de vivre ensemble. Les pays fragiles comme les anciens pays de l’Est, l’Espagne et le Portugal, ont très bien compris cette contrainte et ils l’assument totalement et réussissent aujourd hui à en tirer bénéfice. Rien dans les discours officiels français ne prend en compte l’endettement excessif de l’hexagone et la nécessite de vivre au sein de l’Union européenne.

Plus grave, François Hollande se complait dans le double langage. Pendant les négociations à Bruxelles, il s’oppose à Mme Merkel et se fait le défenseur du peuple grec nécessiteux. Et quand le spectacle est terminé, il rappelle que le couple franco-allemand, a jamais été aussi uni. Quelle audace !

La deuxième série de leçons, c’est de savoir que l’Europe est un espace très démocratique et qu'elle n’a de leçons à recevoir de personne. Quoi qu'on dise, quoi qu'on pense, il n y a pas que les Grecs qui vivent en démocratie, l’Union européenne est une belle démocratie puisque toutes les décisions stratégiques doivent être validées par les parlements nationaux. Mme Merkel ne parle jamais en son nom propre, elle a toujours besoin de l’accord préalable du Bundestag. Idem dans tous les autres pays du nord. Idem en Espagne, au Portugal et en Italie. Il n y a qu’en France que le président n’est pas obligé par la constitution de faire valider des engagements européens.

Alors Alexis Tsipras a beau avoir été démocratiquement élu, sa légitimité n’est pas supérieure à celle des autres chefs d’Etat et de gouvernement. Il aurait fallu qu’il en tienne compte, ça lui aurait évité de défendre des projets qui ont été refusés par sa majorité.

La troisième série de leçons, c’est de constater que les politiques extrémistes n’existent en démocratie que par la démagogie et le populisme, et que ces politiques ne mènent nulle part, sauf à faire prendre des risques au système lui-même. Le peuple vote, il est responsable évidement sauf que les dirigeants de ces peuples-là  ont une part de responsabilités beaucoup plus grande. Ce sont des leaders de mouvements extrémistes qui diffusent un programme démagogique et donc irresponsable, pour protéger leur pouvoir. En défendant Alexis Tsipras, François Hollande  s’est fait le complice des mouvements populistes et démagogiques. Il a d’ailleurs été félicité par ses frondeurs. Quelle audace !

Ne rêvons pas. L’audace n’est pas dans ce qu'il a fait. L’audace est dans ce qu'il dit après coup.

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