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La grotte d’Ouvéa, simple punching-ball idéologique ?
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Zone franche

Le manichéisme du débat sur l’affaire d’Ouvéa témoigne surtout du mépris des "gentils" comme des "méchants" pour le sort des Néo-Calédoniens.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je ne sais pas si le film de Matthieu Kassovitz sur l’affaire d’Ouvéa est fidèle à la réalité historique (c’est tout le problème), mais c’est certainement un excellent support d’observation des impasses idéologiques dans lesquelles nous sommes coincés depuis des années.

S’il n’y a plus grand monde pour se souvenir effectivement des circonstances et du contexte politique de l’assaut donné par l’armée, en 1988, contre un groupe d’indépendantistes kanaks retenant des gendarmes en otages, on se bouscule au portillon pour donner son avis malgré tout.

Grossièrement, si l’on est de gauche, on est convaincu que Pons, Chirac et les badernes galonnées qui dirigeaient l’opération sont autant de crapules racistes et colonialistes ayant simultanément cherché à briser un mouvement de libération légitime et à faire un peu de buzz entre deux tours de présidentielle.

Si l’on est de droite, en revanche, on épouse mécaniquement la thèse inverse d’une opération légitime de maintien de l’ordre ayant mal tourné (21 morts au total, dont 19 chez les Kanaks).

C’est d’ailleurs à peu de choses près le ton des polémiques de l’époque, mais disons que les prises de position pavloviennes s’adossaient alors à une actualité abondamment commentée. La Nouvelle-Calédonie était un « vrai sujet », qu’il s’agisse de son désir de rester ou pas attachée à la métropole ou de l’exploitation des mines de nickel dont elle est constellée…

Désormais, c’est tout juste si l’on est capable d’évoquer le contenu des accords d’indépendance-association qui devraient conduire à un référendum d’ici à 2018, même si ça n’empêche pas d’avoir un point de vue tranché sur leur artisan Michel Rocard : un saint visionnaire pour les uns, un traitre prêt à vendre un morceau de France à l’encan pour les autres.

On peut très bien, pour autant, s’intéresser pour de bon à la situation néo-calédonienne et à la manière dont ce territoire est traité par le pouvoir sans ignorer à quel point les deux postures « autorisées » résistent mal à un examen vaguement objectif.

Que les militaires se soient tragiquement plantés, c’est une évidence. Que leur intervention en lieu et place d’une opération menée par la gendarmerie locale ait été une terrible erreur de jugement, c’est même assez indiscutable. Mais que cette affaire puisse être convertie en une énième partie de ping-pong doctrinal sans enjeu au-delà du marquage de points pour l'équipe de son choix, c’est témoigner d’un sacré mépris pour les Néo-Calédoniens.

Et faire d'un mort, Kanak ou gendarme, un punching-ball rhétorique juste parce que c'est pratique, ce n’est pas lui rendre hommage.

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