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Pourquoi le maintien de la Grèce dans la zone euro est beaucoup moins certain que ce que veut croire le gouvernement français
©Reuters

L'édito de Jean-Marc Sylvestre

Alexis Tsipras a envoyé une liste de réformes que les créanciers avaient demandé pour garantir un nouveau programme d’aide… Quant aux parlements européens, ils sont désunis et vont traîner des pieds.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Contrairement à ce que proclament les responsables politiques français, le maintien de la Grèce dans la zone euro est loin d’être acquis. Alexis Tsipras a beau avoir mis de l’eau dans son vin en déposant au dernier moment, une liste de reformes qui correspondent en gros à ce que les créanciers avaient réclamé en préalable à une restructuration globale de la dette.

Cette restructuration reviendra à alléger le fardeau de quelques 100 milliards d’euros sur un total de 340 milliards. Parallèlement la commission européenne devrait accepter la demande d’aide directe dans le cadre d’un troisième programme d’un montant de 53,5 milliards d’euros d’ici à 2018, qui correspond d’ailleurs au dernier chiffrage effectué par le FMI.

Tsipras a donc courbé l’échine devant l’urgence de la réalité et devant la peur de voir son pays s’effondrer complètement le 20 juillet prochain quand la BCE aura été obligée de fermer le robinet à liquidités et donc de laisser les banques tomber en faillite.

Mais il se retrouve dans une situation complètement folle. Le premier ministre grec ressort un package qu’il avait demandé à son opinion publique de refuser, ce qu'elle avait fait.

En clair ses projets de réformes n’ont rien de particulièrement spectaculaire. Il s’agit de remonter le taux de TVA à 23% dans la restauration. Tsipras demande de ne pas toucher à la TVA sur les produits de base, soit 13%. Le Premier ministre propose également de supprimer l’avantage fiscal dont bénéficiaient les îles et s’engage a présenter un projet de loi pour imposer les armateurs et remonter l’impôts sur les bénéfices des sociétés.

Sur le dossier retraite, Tsipras admet que l’âge de départ à la retraite sera progressivement augmenté d’ici à 2020 pour arriver à une durée de travail minimum de 40 années.

Enfin, il s’engage à reprendre un plan de privatisations qu'il avait annulé en arrivant et notamment la vente des ports et des aéroports, la cession au privé des télécommunications.

Ajoutons à cela des baisses de dépenses publiques, une réduction importante du budget de la défense qui permettrait de dégager 1 milliard d’économie.

La projection macroéconomique de toutes ces reformes devraient amener la Grèce à retrouver un excédent primaire de 1% cette année, puis de 2% en 2016 , puis de 3% en 2017. A condition que le gouvernement obtienne l’aide de 53 milliards pour faire face aux remboursements de la dette restructurée.

Ce qui est admis par les Européens à partir du moment où les budgets de fonctionnement (hors amortissement de la dette) seront en équilibre et même en excédent. Cette projection signifie que la Grèce ne creuserait plus son déficit et par conséquent pourrait ne pas vivre à crédit (hors liquidation du passe).

Cette perspective-là était l’objectif minimum pour restaurer un début de confiance et permettre à la Grèce de relancer son économie grâce aux investisseurs privés.

Ceci dit les ministres des Finances de la zone euro qui vont examiner aujourd hui le business plan ainsi présenté par Tsipras doivent aussi formuler selon nos informations, deux remarques de fond très importantes.

Un, ils considèrent que les hypothèses macroéconomiques de croissance qui ont été retenues pour sortir une prévision d’excédent primaire sont trop optimistes (mais c’était déjà le point faible du calcul FMI en 2012).

Deux, ils estiment que Tsipras n’apporte aucune assurance sur la rénovation de l’appareil d’état. Pas de reformes des services fiscaux, pas de mise en place d’un cadastre. En bref, on peut toujours remonter les taux de TVA ou d’impôts sur le revenu, si on ne s’équipe pas pour collecter cet impôt et le faire remonter vers l’état, ça ne sert à rien.

Si on ne contrôle pas les paiements, si on ne lutte pas contre l’évasion fiscale, ça ne sert à rien. A Bercy par exemple on s’étonne que dans le projet Tsipras, on ne trouve rien pour essayer de récupérer une partie des 200 milliards de capitaux qui se sont évades a l'étranger. La France et l’Allemagne sont prêtes a dépêcher des experts, des hauts fonctionnaires pour mettre en place une administration, des procédures et des formations pour améliorer la collecte de l’impôt et créer un plan cadastral. Actuellement, l’investisseur qui achète un foncier ou un immobilier n’a aucune garantie juridique sur ce qu'il achète et à qui il l’achète. Sans compter qu’un cadastre fournit la base pour définir l’assiette fiscale des contribuables. Le cadastre, c’est l’arme de base pour assurer la collecte de l’impôt.

Les ministres des Finances vont donc demander des amendements au projet mais vont globalement le transférer aux chefs d’Etat et de gouvernements qui se réunissent dimanche et qui ne vont pas forcement l’approuver en l’état.

La Grèce aura certes franchi une étape importante. Elle aura en main un projet d’accord des créanciers.

Mais encore fait-il que cet accord soit politiquement valide. Or les européens ont une semaine pour valider cet accord. Une semaine pour réunir toutes les conditions juridiques et débloquer les fonds avant le 20 juillet. Parce que contrairement à ce que pensent les dirigeants grecques, l’Europe des 19 pays membres de la zone euro a aussi des obligations démocratiques. Et personne n’est assuré de ses opinions publiques

En Grèce, Alexis Tsipras a assez peu de liberté. Deux de ses ministres et non des moindre ont déjà démissionné depuis jeudi. L’aile gauche de Syriza est vent débout et crie déjà à la trahison. Ceci étant Tsipras a pour lui les résultats de son referendum et ceux du vote de la nuit dernière.

En Europe, la France manifeste un enthousiasme que tout le monde considérait comme exagéré. L’Allemagne est beaucoup plus réservée notamment sur la restructuration de la dette. Mme Merkel souhaite faire voter les mesures d’aides à la Grèce mais n’accepte pas les ambiguïtés entretenues par la France. L'accord du couple franco-allemand existe sur la finalité de protéger la zone euro, mais ne tient plus dès qu'on aborde le prix à payer et les modalités.

En France comme en Allemagne, on sait bien que l’accord est bancale. La France fait semblant de croire que ça va marcher. L’Allemagne n’accepte pas de faire semblant de croire tant  que la situation en Grèce n’est pas rétablie, mais on sait aussi que pour des raisons politiques et géopolitiques, on peut difficilement laisser tomber la Grèce. En France, c’est Manuel Valls qui fera voter ce texte la semaine prochaine. En Allemagne c’est Mme Merkel qui ira s’expliquer devant le Bundestag.

En Europe, les plus grosses difficultés viendront des petits pays membres de la zone euro auxquels on a demandé beaucoup d’efforts pour rester dans le jeu. Mais il paraît difficile que les petits pays puissent bloquer le processus. En revanche l’Espagne et le Portugal ne digèrent pas cet accord , il va donc y avoir dans la semaine des tractations entre les gouvernements de l’Europe du Sud , l’Espagne et le Portugal , et ceux du Nord , Paris et Berlin , pour négocier des compensations. Les Espagnols et les Portugais ont consenti tellement plus d’efforts avec moins de soutiens que les Grecs qu’ils ont du mal à convaincre leurs opinions publiques.

La semaine va donc être chaude. L’aspect économique est à peu près nettoyé. La meilleure preuve, c’est que les marchés financiers qui ne paniquaient pas ont terminé la semaine dans l’euphorie.

La dimension politique est loin d’être réglée.

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