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Politique fiction (partie 1) : si Dominique Strauss-Kahn n'avait jamais croisé Nafissatou Diallo....
©Reuters

Bonnes feuilles

New York – 14 mai 2011. Alors qu’elle vient d’entrer dans la suite 2806 du Sofitel pour y faire le ménage, Nafissatou Diallo peste contre elle-même. Elle a oublié de charger son lecteur MP3 qui vient de s’éteindre brusquement. Elle retire ses écouteurs et perçoit le bruit d’une douche. Elle comprend alors que la chambre est encore occupée et rebrousse chemin. Dominique Strauss- Kahn, qui n’a rien entendu, sort de la salle de bains et se prépare à déjeuner avec sa fille avant de prendre l’avion l’après-midi même pour Paris. Dans quelques semaines, il va annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. Extrait du roman "Le bruit de la douche", par David Desgouilles, publié chez Michalon (1/2).

David Desgouilles

David Desgouilles

David Desgouilles est chroniqueur pour Causeur.fr, au Figaro Vox et auteur de l'ouvrage Le Bruit de la douche aux éditions Michalon (2015).

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Nicolas Sarkozy acheva la lecture de la dernière note préparée par ses différents conseillers et fit quelques pas dans son bureau, avant de se fixer devant une fenêtre donnant sur le parc de l’Élysée. Au plus bas dans les enquêtes, donné largement perdant face à DSK, il cherchait toujours la fenêtre de tir lui permettant de créer la surprise et de rempiler pour cinq années supplémentaires. Il avait beau chercher, il ne la trouvait pas. Il pouvait certes profiter de cette affaire de prostituées à Lille qui pourrait éventuellement mouiller son adversaire. Elle était toute prête et il n’aurait qu’à la faire sortir par quelques journalistes au meilleur moment, afin d’éclabousser DSK. Il pourrait alors faire un discours solennel et expliquer aux Français que leur pays méritait mieux qu’un homme ayant un tel comportement. Il repensa à cet échange qu’il avait eu avec le directeur du FMI dans des toilettes lors d’un sommet international à Pittsburgh. DSK saurait vite d’où viendrait le coup et il répliquerait. Lui aussi aurait droit à toutes ses histoires de fesses sur la place publique. DSK l’avait prévenu. La justice s’intéresserait-elle à une telle affaire concernant un homme en passe de devenir chef de l’État dans les semaines suivantes ? Un non-lieu rapide n’auraitil pas l’effet d’un boomerang ?

Le président pensa aussi aux propositions de Patrick Buisson. Faire une campagne centrée sur l’identité et sur la frontière le tentait. DSK incarnait tellement la globalisation qu’il n’aurait aucun mal à le faire passer pour le candidat des « élites mondialisées », selon l’expression célèbre de Jean-Pierre Chevènement. Jouer le peuple de France contre les élites et les corps intermédiaires, proposer un référendum sur l’immigration, remettre Schengen en cause, Buisson lui proposait du “gros rouge qui tache”. Fillon, Juppé, Bachelot, Baroin en seraient blêmes. Son fidèle Guaino aussi. Il faut dire que la ficelle était un peu grosse. Marine Le Pen aurait beau jeu de lui rappeler son bilan en la matière. En matière d’immigration, et en matière de référendum. Tout dépendrait en fait de l’attitude de DSK. Si ce dernier était fidèle à lui-même et qu’il surfait simplement sur l’anti-sarkozysme ambiant, la campagne de Buisson constituerait la seule option possible. Il fallait compter également sur la dynamique de campagne de Marine Le Pen. Parfois, Nicolas Sarkozy envisageait l’hypothèse à laquelle personne ne voulait croire. Et s’il laissait ce lâche de Fillon aller au combat à sa place ? Et s’il annonçait qu’il se sacrifiait pour son camp, reconnaissant humblement que son image dans l’opinion constituait un handicap ? Voir Fillon dans la même situation que Jospin en 2002, ce serait un plaisir ! Et DSK ferait-il un mauvais président, après tout ? Plus tard, on réécrirait l’histoire à son profit et on ferait un bilan beaucoup moins sévère qu’aujourd’hui de son passage à l’Élysée. N’était-ce pas finalement la meilleure solution ? Il chassa cette pensée. Non, il avait trop envie d’en découdre. Pas forcément avec DSK et les socialistes, mais avec tous ceux qui le donnaient comme mort. Tous ceux qui l’avaient systématiquement attaqué, méprisé, calomnié. Ceux qui, quoi qu’il fasse – tout et son contraire –, critiquaient sa prise de position ou sa décision. La presse. Les fameux “observateurs”. Avec eux, il avait un compte à régler.

Extrait du roman "Le bruit de la douche", par David Desgouilles, publié chez Michalon. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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