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Entretiens avec des intellectuelles issues du monde de l'islam (partie 2) : "On ne peut jamais imposer la foi par la force de la loi"
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Bonnes feuilles

Avec ce nouveau livre, Hamid Zanaz nous invite à découvrir un autre visage féminin de la société arabe contemporaine. Celui des femmes modernes qui n’ont rien à voir avec ces fantômes en niqab qui envahissent les villes occidentales. Extrait de "Non! nos voix ne sont pas une honte", de Hamid Zanaz, publié aux Editions de Paris (2/2).

Sanaa El Aji

Sanaa El Aji

Journaliste marocaine, écrivaine et chroniqueuse, Sanaa El Aji a traité de nombreux sujets en privilégiant une vision moderniste de la société, bannissant ainsi les discours conservateurs et populistes. Titulaire en 2008 du 3ème Prix de la meilleure enquête journalistique décerné par « Press Now », une ONG hollandaise, elle a également présenté de nombreuses émissions et chroniques à la télévision marocaine : « Entreprendre », « Compétences », « Ilayki »… ainsi qu’une chronique sociétale hebdomadaire sur la Radio « Aswat ». Journaliste marocaine, écrivaine et chroniqueuse, Sanaa El Aji a traité de nombreux sujets en privilégiant une vision moderniste de la société, bannissant ainsi les discours conservateurs et populistes. Titulaire en 2008 du 3ème Prix de la meilleure enquête journalistique décerné par « Press Now », une ONG hollandaise, elle a également présenté de nombreuses émissions et chroniques à la télévision marocaine : « Entreprendre », « Compétences », « Ilayki »… ainsi qu’une chronique sociétale hebdomadaire sur la Radio « Aswat ». « Batoul », la chronique hebdomadaire qu’elle a tenue sur Nichane (Magazine hebdomadaire marocain avant-gardiste) entre septembre 2006 et octobre 2010, trace le vécu d’une jeune femme (du nom de Batoul) à l’opposé des stéréotypes et des clichés : black, divorcée, émancipée et curieuse. Chaque semaine, Batoul sévissait sur les pages de Nichane contre les idées reçues, le machisme, le conservatisme et le populisme. Elle défendait une société qui donne sa vraie valeur à l’individu. Pour elle, rien n’était tabou : sexe, religion, famille, politique… Les prises de positions de Batoul ont valu à cette dernière d’être un personnage journalistique célèbre au Maroc. En 2003, Sanaa El Aji a publié un roman en arabe, Majnounatou Youssef chez Argana Editions. Au Seuil, elle a participé à un livre collectif : Lettres à un jeune Marocain, sorti en juillet 2009 en français ; il est paru en arabe en décembre 2009 aux éditions Marsam à Casablanca. Elle est également la seule femme journaliste au Maroc à avoir contribué à un autre livre collectif, Couverture médiatique de la diversité dans la société marocaine, édité en septembre 2009 par le CMF MENA (Centre For Media Freedom). Sanaa El Aji prépare actuellement un doctorat en sciences sociales à Sciences-Po Aix-en-Provence et publie une chronique hebdomadaire dans le journal Assabah.
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Hamid  Zanaz

Hamid Zanaz

Traducteur et journaliste algérien indépendant, Hamid Zanaz collabore à différentes publications arabes et françaises. Contributeur permanent à Al Awan, revue de la ligue des rationalistes arabes, il donne aussi des conférences sur l’islam. Il est l’auteur de nombreux essais, tant en arabe qu’en français, sur différents problèmes sociétaux touchant à la religion, à la sexualité, à la politique ou à la science dans le monde islamique. Notamment, en 2012 et 2013, aux Éditions de Paris : L’islamisme, vrai visage de l’islam, et Islamisme. Comment l’Occident creuse sa tombe. Ce n’est pas le moindre paradoxe que ce soit des femmes et des hommes issus du monde musulman qui affirment la critique la plus radicale de l’islamisme et de son emprise sur le monde et la pensée, au moment même où l’Occident, intellectuellement, démissionne.

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Journaliste marocaine, écrivaine et chroniqueuse, Sanaa El Aji a traité de nombreux sujets en privilégiant une vision moderniste de la société, bannissant ainsi les discours conservateurs et populistes. Titulaire en 2008 du 3ème Prix de la meilleure enquête journalistique décerné par « Press Now », une ONG hollandaise, elle a également présenté de nombreuses émissions et chroniques à la télévision marocaine : « Entreprendre », « Compétences », « Ilayki »… ainsi qu’une chronique sociétale hebdomadaire sur la Radio « Aswat ». « Batoul », la chronique hebdomadaire qu’elle a tenue sur Nichane (Magazine hebdomadaire marocain avant-gardiste) entre septembre 2006 et octobre 2010, trace le vécu d’une jeune femme (du nom de Batoul) à l’opposé des stéréotypes et des clichés : black, divorcée, émancipée et curieuse. Chaque semaine, Batoul sévissait sur les pages de Nichane contre les idées reçues, le machisme, le conservatisme et le populisme. Elle défendait une société qui donne sa vraie valeur à l’individu. Pour elle, rien n’était tabou : sexe, religion, famille, politique… Les prises de positions de Batoul ont valu à cette dernière d’être un personnage journalistique célèbre au Maroc. En 2003, Sanaa El Aji a publié un roman en arabe, Majnounatou Youssef chez Argana Editions. Au Seuil, elle a participé à un livre collectif : Lettres à un jeune Marocain, sorti en juillet 2009 en français ; il est paru en arabe en décembre 2009 aux éditions Marsam à Casablanca. Elle est également la seule femme journaliste au Maroc à avoir contribué à un autre livre collectif, Couverture médiatique de la diversité dans la société marocaine, édité en septembre 2009 par le CMF MENA (Centre For Media Freedom). Sanaa El Aji prépare actuellement un doctorat en sciences sociales à Sciences-Po Aix-en-Provence et publie une chronique hebdomadaire dans le journal Assabah.

En évoquant le phénomène du harcèlement sexuel, vous avez déclaré que l’homme qui ne maitrise pas ses instincts est un animal. Comment le Marocain regarde-t-il la Marocaine ?

La femme dans l’espace public est une propriété publique de l’homme. Il la drague, la harcèle, il ose même la toucher. Le harcèlement sexuel est un phénomène dangereux, très grave, même si certains essayent de le minimiser tandis que d’autres considèrent la femme comme responsable, allumeuse par ses tenues. Pour ces raisons, j’ai parlé de l’animalité de l’homme qui est incapable de maitriser ses instincts.

Qu’en est-il des chiffres terribles concernant le harcèlement sexuel évoqués par les statistiques dans des pays comme l’Égypte et l’Afghanistan où même les femmes sous le voile et le voile intégral sont inquiétées…

Il n’y a malheureusement pas d’études suffisantes au Maroc sur ce phénomène. Mais en Égypte 72% des femmes qui subissent quotidiennement le harcèlement sexuel sont voilées et niquabisées. N’est-ce pas une preuve suffisante que la problématique est liée principalement aux comportements et perceptions masculines et non à la façon dont les femmes sont habillées ? Sinon, qu’en est-il des viols de jeunes enfants ? Cela se produit-il en raison de leurs vêtements excitants ? Quand on a violé et défiguré une fillette de 8 ans au Maroc, et une autre de 2 ans, peut-on dire que c’était à cause de leur apparence excitante ? C’est au contraire dû aux comportements sauvages de certains hommes qui ne savent pas gérer leurs instincts ? Cessons de nous mentir à nous-mêmes ! ce sont effectivement des cas pathologiques et je reste toujours convaincue que l’homme qui ne se contrôle pas n’a pas encore atteint le premier degré de l’humanité. Tout simplement parce qu’il est esclave de sa nature et de ses instincts.

La moudawana considère-t-elle les femmes marocaines comme dépourvues d’esprit et de religion ?

Dans la majorité des pays islamiques, le côté juridique qui s’inspire principalement de la religion, est le code de la famille et le statut personnel. Au Maroc, par exemple, le droit pénal, commercial, et autres ordonnances ne s’inspirent pas de la religion islamique (la charia). Mais tout ce qui touche au mariage, héritage, divorce et relations sexuelles est directement dérivé de la loi coranique. La femme marocaine a le droit aujourd’hui de fonder une société, être témoin dans un contrat commercial, diriger une grande administration, occuper même le poste de ministre, de juge et d’avocat, mais elle n’a pas le droit d’être témoin d’un mariage parce que la voix d’un homme vaut deux fois celle d’une femme. N’y a-t-il pas là une vraie provocation car la femme est une citoyenne qui devrait jouir de sa citoyenneté tout entière, avoir tous les droits et tous les devoirs. Pourquoi la femme hérite-t-elle la moitié de ce que l’homme a le droit d’hériter ? Pourquoi a-t-on besoin de deux hommes pour valider un acte de mariage ou un homme et deux femmes ? Pourquoi continuer à considérer la dot comme condition nécessaire dans tout mariage comme si ce dernier était une relation commerciale ?

Mais certains considèrent que votre liberté s’arrête quand elle touche à la liberté des autres…

Effectivement, ce que vous dites est juste, mais où est-elle cette atteinte à la liberté des autres quand une personne exerce sa liberté individuelle. Toucher la liberté de quelqu’un c’est quand on l’oblige à ne pas faire le ramadan ou de ne pas se vêtir d’une certaine façon ou à le marier de force. Mais quand une personne jeûne et un autre pas, comment le second peut-il porter atteinte au premier ! Où voient-ils ces atteintes à la liberté des autres ? Choquer les musulmans ? Cette foi est-elle donc si fragile chez certains ? Quand les convictions des individus sont fortes, ce ne sont pas les comportements des autres qui les font vaciller. La preuve, les musulmans ne jeûnent-ils pas en Europe tandis que les autres mangent et boivent devant eux ? Pourquoi leur foi est inébranlable en Occident et fragile chez eux, dans les pays islamiques ? La question en vérité, ce n’est pas la peur pour leur foi, mais la volonté d’imposer un seul mode de vie et de pensée, en éliminant toute différence. Leur but, c’est d’annihiler l’autre. Je voudrais dire que ceux qui ont peur pour leur foi devraient reconnaitre que le problème est en eux et non pas chez celui qui exerce sa liberté individuelle.

Une société qui impose la foi religieuse comme un devoir, pourrait-elle un jour reconnaitre l’égalité entre les deux sexes ?

Avant d’évoquer l’égalité, parlons un peu de la foi, si vous voulez. Est-il raisonnable d’imposer une croyance en arrêtant des personnes qu’on accuse d’athéisme ? C’est absurde et dangereux en même temps ! La foi est un droit et tout État devrait la garantir, mais il est inconcevable que cette foi soit un devoir ! Le pouvoir a le droit d’imposer la pratique de certains rites, comme l’obligation de la prière en Arabie saoudite, punition des non-jeûneurs pendant le ramadan dans beaucoup de pays islamiques, dont le Maroc. Mais on ne peut jamais imposer la foi par la force de la loi. Sinon on fabrique des sociétés qui engendrent et développent l’hypocrisie. S’il y a effectivement des aspects de religiosité importante, il y a aussi la violence, le mensonge, la triche, le viol, le vol, la trahison… Ici, on met en avant les rites plus qu’on ne s’intéresse aux valeurs portées par la religion.

Extrait de "Non! nos voix ne sont pas une honte", de Hamid Zanaz, publié aux Editions de Paris, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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