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Grèce : qui pense quoi chez les politiques français.
Grèce : qui pense quoi chez les politiques français.
©Reuters

Le changement, c'est vraiment maintenant

Alors qu'Alain Juppé affirmait que l'UE devait accompagner la Grèce vers la sortie de l'euro, Nicolas Sarkozy a déclaré hier soir sur TF1 que tout devait être fait pour trouver un compromis. La crise grecque a fait éclater les clivages partisans traditionnels. Petit manuel des 3 nouvelles familles de la vie politique.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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La crise grecque n’ébranle pas que l’Europe. En France, elle bouscule les lignes, trouble les clivages politiques traditionnels. Comme lors du référendum sur la constitution européenne en 2005, les familles politiques se trouvent écartelées entre souverainistes et europhiles. Mais de nouveaux paramètres entre en ligne de compte, la crise économique fait émerger de nouvelles frontières entre partisans de la rigueur et chantres ou nouveaux convertis à la relance. La crise grecque agit comme un révélateur qui met en lumière le rapport de chacun aux politiques d’austérité et au respect des règles. 

A l’extrême droite comme à la gauche de la gauche, pas de différence entre l’affichage et les convictions de chacun, bien qu’une partie du FN soit bien plus libérale que la ligne incarnée par Marine Le Pen, le parti a toujours été souverainiste. En revanche, chez les Républicains comme au PS, les choses se compliquent. François Hollande et son entourage, acquis à l’idée de la rigueur budgétaire, n’ont que peu de sympathie pour le bras de fer entamé par Alexis Tsipras.

Chez les Républicains, même ligne de fracture mais à l’envers. En off, un candidat à la primaire expliquait dimanche : "personne ne comprend que l’on soutienne des types en costume gris qui veulent réduire les retraites de gens qui ne gagnent déjà rien". Alain Juppé l’a fait pourtant, mais pour des questions de politique intérieure. Car il est important pour lui apparaître comme pro-européen face à un Nicolas Sarkozy, de plus en plus gagnés par le sentiment souverainiste. On voit donc se dessiner un bloc central qui irait de la droite du PS à la gauche de Républicains, ce bloc est europhile, chantre de la rigueur budgétaire et donc de l’austérité,  mais diverge en matière sociétale. Une autre famille émerge à la gauche de la gauche plus souverainiste, partisane des politiques de relance et ouverte en matière sociétale, où seule Europe Ecologie Les Verts, très europhile, se singularise.

A la droite de la droite, c’est un bloc conservateur en matière sociétale, eurosceptique qui se dessine. En revanche,  il n’est pas homogène en matière économique, une partie derrière Nicolas Sarkozy est plutôt libérale alors que Marine Le Pen entraîne sa famille politique sur un chemin plus interventionniste. Mais on voit clairement que la question européenne traverse ces familles et structure aujourd’hui un nouveau paysage. Alain Juppé ou Manuel Valls incarnant le centre. Arnaud Montebourg ou Benoit Hamon la gauche. Et Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen la droite.

LIRE AUSSI - La grande confusion : ces nouvelles fractures de la vie politique française révélées par la crise grecque

Cartographie des nouvelles familles de la vie politique

Famille 1 - Ceux qui sont plutôt pour la Grèce : les opposants à l'austérité à tendance souverainiste

  • Ceux qui y arrivent surtout par leur opposition à l'austérité. Il s'opposent surtout à la politique européenne qui, derrière Angela Merkel, impose à toute l'Europe une politique de rigueur qu'ils accusent de freiner le retourà la croissance.

Jean-Luc Mélenchon : "Alors que l'ensemble des pays européens appliquent des plans de rigueur, l'exemple grec montre depuis deux ans que cette politique est désastreuse. Cessons-la ! "

André Chassaigne, président du groupe Front de gauche à l'Assemblée : "Le peuple grec a courageusement dit Non aux diktats de la Troïka, Non à l'Europe de l'austérité générale et absolue, Non à l'Europe des financiers (...) Il revient au président de la République François Hollande de faire entendre une autre voix, celle de la raison et de la solidarité avec le peuple grec. C'est pourquoi, dans la perspective des prochaines échéances et négociations européennes, il lui revient de rappeler qu'il n'hésitera pas à user de son veto en cas de tentative d'exclusion de la Grèce de la zone euro." 

Les frondeurs - Christian Paul : "Nous appelons les dirigeants de la zone euro et l’ensemble des créanciers de la Grèce à sortir du déni : malgré la réduction du déficit, la dette a explosé car la Grèce a vu son PIB diminuer d’un tiers. C’est là le résultat d’une politique économique d’austérité absurde et mortifère qui n’a profité à personne."

Jérôme Guedj : "Je dis BRAVO au peuple grec d'avoir montré la voie et d'avoir dit qu'il est possible de tenir tête à ces règles."

Les Verts - Eva Joly : "Bravant les pressions des partisans de l'orthodoxie budgétaire, le peuple grec a dit non à l'austérité et au dogmatisme, pas à l'Europe."

NPA : "Le NPA salue la volonté du peuple grec d'en finir avec l'austérité permanente, qui ne sert qu'à remplir les coffres forts des banques et de la finance mondiale. (...) Pour le NPA ce vote met à l'ordre du jour la mise en oeuvre d'une politique anticapitaliste par l'annulation de la dette, l'expropriation des banques, la renationalisation des services publics privatisés, l'augmentation des salaires et des pensions de retraite en s'appuyant sur les mobilisations du monde du travail pour imposer la rupture des négociations biaisées avec la Troika et faire cesser la dictature de la BCE." 
  • Ceux qui y arrivent surtout par leurs convictions souverainistes et par leur volonté de respecter la volonté du peuple grec. Ils étaient déjà opposés à la constitution européenne et pensent que les pays européens doivent rester entièrement maitres de leur destinée

Nicolas Dupont-Aignan : "Je souhaite bien évidemment que la Grèce sorte de la zone euro, pour rester en Europe un pays libre qui se développe et ne souffre pas comme on le fait souffrir inutilement depuis 5 ans. (…). Il faut qu'on accompagne la sortie de la Grèce pour qu'elle ait sa propre monnaie qui corresponde à son caractère". "D'un côté vous avez l'Allemagne qui veut écraser la Grèce, de l'autre vous avec une Grèce qui veut tirer l'argent des autres sans changer" (...) "la seule solution, c'est un compromis : permettre à la Grèce de sortir de l'euro, et de rééchelonner sa dette". "La seule façon d'aider la Grèce à se développer c'est d'avoir une monnaie moins chère. Pourquoi on veut absolument plaquer une monnaie unique sur des peuples différents?"

Marine Le Pen : "Je continue à penser que seul un retour à une monnaie nationale pour l'ensemble des pays de la zone euro permettrait à nos pays de retrouver la voie de la croissance et de sortir de cette austérité sans fin imposée par la troïka",

Jean-Pierre Chevènement : "Ce non très fort aura des conséquences, contrairement aux non français ou hollandais de 2015, enterrés à travers le traité de Lisbonne. (...) Là, c'est difficile de faire comme s'il ne s'était rien passé". Pour l'ancien ministre, "les Grecs ont refusé le diktat des créanciers."

Henri Guaino : "Vous savez, un peuple qui dit non à ce qu'il considère comme une menace d'asservissement, eh bien c'est un peuple qui a conservé une fierté et qui a un grand sentiment de sa souveraineté, de son indépendance."

Famille 2 - les tenants de la rigueur et du respect des règles européennes 

  • Les "raisonnables", c'est à dire des personnalités politiques pro-européenne qui veulent aujourd'hui que la Grèce sorte de l'euro : issus d'une droite libérale, ils sont pro européens et attachés à l'orthodoxie financière.

Alain Juppé a estimé que l’Union européenne devait aider la Grèce à sortir "sans drame" de la zone euro, si tel était vraiment le voeu des électeurs grecs, souhaitant qu’elle puisse y rester, "mais pas à n’importe quel prix". "Il est très important de bien stabiliser la zone euro, de ne pas la fragiliser [...]. Il faut que les règles et les disciplines qui la gouvernent soient respectées par tout le monde », a déclaré Alain Juppé à des journalistes à Bordeaux, au lendemain du rejet du plan des créanciers par les électeurs grecs. « Si on se contente de prolonger la situation actuelle, on se retrouvera avec les mêmes difficultés dans trois ou quatre ans », a jugé le candidat à la primaire de droite en vue de l’élection présidentielle de 2017, mettant en garde contre toute décision précipitée « qui pourrait ensuite donner lieu à des précédents".

Valéry Giscard d'Estaing était de base pour un "friendly exit" (une sortie en douceur de l'euro  pour la Grèce) : "Il faut mettre la Grèce en congé de l'euro". Ilpropose comme moyen d'y parvenir d'utiliser les articles 108 et 109 du traité de Maastricht, destinés normalement aux pays "qui veulent entrer dans l'Union européenne mais ne souhaitent pas participer au système monétaire (...) Il est possible de les utiliser aussi pour effectuer leur mise en congé"

  • Les "raisonnables", c'est à dire des personnalités politiques pro-européenne qui veulent aujourd'hui que la Grèce reste dans l'euro : eux aussi attachés à une certaine orthodoxie financière, ils pensent cependant que la sortie de la Grèce pourrait entrainer une crise majeur que l'Europe ne peut pas se permettre

Jacques Delors : "La Grèce est dans une situation dramatique, qui s’aggravera plus encore si elle était conduite à faire durablement défaut sur sa dette, voire à quitter la zone euro."

Manuel Valls : "Tsipras doit prendre ses responsabilités aujourd’hui à l’Eurogroupe et engager la Grèce sur la voie des réformes (...) il y a « urgence pour l’Europe, urgence pour la Grèce (...) La zone euro doit rester cohérente et fiable (...) La France est convaincue que nous ne pouvons pas prendre le risque d’une sortie de la Grèce de la zone euro (...) C’est un risque pour la croissance et l’économie mondiales et un risque politique."

Emmanuel Macron : "Il est, toutes choses égales par ailleurs, une forme de Syriza à la française, d'extrême droite. Mais, d'ailleurs, vous voyez cette coagulation des contraires se faire: qui adore Syriza chez nous? Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Avec qui s'allie Alexis Tsipras en Grèce? Avec son extrême droite souverainiste."

Nicolas Sarkozytacle Alexis Tsipras qui porterait "l’entière responsabilité" de la crise que connaît aujourd’hui le pays et plus largement l’Europe. Sur TF1 hier, il a demandé à la Grèce de faire les réformes qui s'imposent : "La question est de savoir si cette dette va continuer à augmenter parce que ce gouvernement d'extrême gauche refuse de faire les réformes que les autres pays en Europe ont faites (...) Les 489 autres millions d'Européens sont aussi en droit de dire : on veut bien jouer la solidarité, mais est-ce que vous, gouvernement grec, vous êtes prêt à accepter les responsabilités ?" Il a par ailleurs indiqué que "tout doit être fait pour trouver un compromis" et s'inquiète des conséquences d'une sortie de la Grèce de l'euro : "L’exclusion d’un pays membre peut avoir des conséquences d’une gravité que personne ne peut vraiment appréhender. Jusqu’au bout, je veux espérer que la raison l’emportera."

Famille 3 - ceux qui sont écartelés ou pris au piège de la doxa dominante de leur parti, ceux qui se rendent compte notamment -même en étant pro-européens- que la zone euro ne fonctionne pas

  • ceux qui le disent haut et fort : issus de familles politiques europhiles ils se démarquent aujourd'hui face à une europe dont ils estiment qu'elle ne répond plus aux attentes des citoyens

Arnaud Montebourg : "Hommage au peuple grec qui sait défendre non seulement son juste intérêt mais également l'intérêt de tous les européens." Il a aussi précisé dans un tribune publiée dans le Journal du DImanche : "Tout président élu commence par aller faire ses génuflexions à Berlin puis à Bruxelles, enterrant en 72 heures ses engagements de campagne."

Dominique de Villepin défend Alexis Tsipras : "Nous avons la chance, je dis bien la chance, d'avoir un jeune Premier ministre grec qui est crédible aux yeux d'une large partie de l'opinion grecque et qui est indépendant. La Grèce retrouve sa fierté. Moi, ça me parle comme gaulliste". Et d'attaquer une Europe "aveuglée" et "pas indépendante" vis-à-vis des Etats-Unis.

  • ceux qui le taisent et qui évitent le sujet : eux aussi venant de familles politique pro européennes, ils prennent plus discrètement leurs distances poussés par des opinions publiques de plus en plus septiques

François Fillon : "Les discussions avec le gouvernement grec doivent être guidées par deux principes : 1/La Grèce est en Europe et tout doit être fait pour qu'elle y reste. L'Europe est une famille dont l'unité est la clé de l'avenir. 2/Le maintien de la Grèce dans l'euro ne doit pas conduire à bafouer tous les engagements pris par les états membres, à réduire à néant les efforts réalisés par l 'Espagne, le Portugal ou l'Irlande et à faire supporter aux peuples européens des charges aussi injustes qu'indues." 

François Bayrou : "Le Non au référendum en Grèce présage de jours bien difficiles pour la Grèce et pour l'Europe. Par ce Non, nous sommes entrés dans la zone des tempêtes. (...) La question majeure pour l'économie d'un pays, c'est de savoir si la confiance règne. Or la Grèce a fait un pas de plus vers une période de grave et durable incertitude. Une telle déstabilisation ne présage rien de bon et débouche, contrairement aux promesses, sur une sortie plus ou moins brutale de ce pays de la zone euro." 

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