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Victoire du non en Grèce : l’occasion pour la France de reprendre la main
©REUTERS/Alkis Konstantinidis

La Grèce a dit Non

Avec 61,31% des voies, le NON l'a emporté lors du référendum annoncé par Alexis Tsipras en guise de réponse à la proposition de ses créanciers. Quelles sont désormais les marges de manœuvre de la France ?

En quoi est-ce que le résultat du référendum, donnant une large victoire au "non", représente-t-il une opportunité pour la France dans la gestion de la crise grecque ? Quelle a été la position de François Hollande et de ses ministres impliqués jusqu'alors ?

Alain Wallon : La large, incontestable, victoire du « non » au référendum en Grèce est d’abord l’échec très cuisant et lourd de la ligne suivie depuis 5 ans dans cette crise de la dette grecque par Mme Merkel. C’est ensuite une claque retentissante à sa politique européenne, un tir de Scud réussi à travers le blindage de ses certitudes que vient de réaliser ce « non » franc et massif, réponse démocratique et très politique à une stratégie qui a fait faillite et ce, désormais, au vu et au su du monde entier. Ainsi, jamais l’occasion n’a été plus grande pour François Hollande de redonner à la France sa place historique et toute sa place motrice, au côté de l’Allemagne, en tête du dispositif de pouvoirs européen. Car il n’est plus temps de tergiverser tout en donnant l’apparence de jouer les « deus ex-machina ». Pendant toute la crise et jusqu’à cette dernière semaine, la France a donné l’impression de s’en tenir au rôle, certes utile mais assez peu convaincant, de facilitateur, de médiateur discret, sans capacité de contrebalancer sérieusement la ligne suicidaire suivie par les institutions européennes, Conseil (les Etats membres), Commission et Parlement européen, incapables de s’accorder à permettre enfin aux politiques de reprendre des mains des « techniciens » - ministres financiers de l’Eurogroupe, gouverneurs de la BCE , experts du FMI (institution extra-européenne) -  les rênes de la négociation, malgré la demande réitérée en ce sens d’Alexis Tsipras.  Angela Merkel a pu ainsi céder à son ministre des finances la conduite des opérations, une lourde erreur qui aujourd’hui la place dos au mur avec les responsabilités les plus graves dans les mains, obligée de se renier ou de faire plonger l’Europe dans l’inconnu.  Ne pas la laisser seule face à ce choix historique, qui engagera profondément l’avenir  de l’Europe, est à la fois crucial et possible. Rester en deçà de cette responsabilité serait pire qu’une couardise : une énorme faute.

Comment précisément la France pourrait-elle s'imposer, et quelles seraient ses marges de manœuvre concrètement ?

Alain Wallon : Il s’agit pour elle moins de s’imposer que de reprendre toute sa place, que dans de telles circonstances aucun autre pays européen ne devrait pouvoir lui contester. Celle d’un pays fondateur de l’Europe et qui a eu un rôle politique majeur, déterminant dans sa construction, et qui doit et veut un rôle équivalent dans son sauvetage et sa relance. Tant qu’on était encore  dans le jeu feutré des réunions de l’Eurogroupe à qui Mme Merkel et ses collègues européens , dont François Hollande, ont trop longtemps délégué le soin de passer la corde au cou du jeune gouvernement grec- croyant pouvoir se contenter, en coulisses du drame grec, d’occuper le trou du souffleur, ni le ministre et représentant français au sein de l’Eurogroupe Michel Sapin, ni encore moins le membre français de la Commission européenne Pierre Moscovici n’avaient le rapport de force suffisant pour infléchir la ligne dure, devenue dominante, incarnée par Wolfgang Schâuble.  Or sauver la Grèce du désastre et la zone euro, donc l’UE, d’une blessure peut-être mortelle à terme, c’était la responsabilité, non pas des « grands argentiers », mais du plus haut niveau politique, et il fallait faire monter la résolution de la crise à ce niveau, coupant au glaive, comme Alexandre le Grand, dans le nœud gordien des discussions techniques subalternes. Eh bien nous y sommes ! Cette fois, les pays qui n’ont cessé  de repousser la question de l’avenir commun au profit de l’adoration du seul « veau d’or » de la discipline budgétaire (que certains d’entre eux, y compris parmi les plus « faucons », comme la Finlande, ne respectent même pas), ces pays  n’ont plus la légitimité nécessaire pour contester à la France le droit de reprendre la main. En effet, au moment où la ligne qu’ils ont massivement suivie, celle de l’Allemagne, est brutalement en panne, ils ne peuvent refuser que la France, qui a présenté, hélas à voix trop faible, une autre option, puisse aujourd’hui la prononcer à voix haute et de toute sa voix… D’autres pays, défenseurs récents de la ligne Merkel-Schäuble comme le Portugal ou l’Espagne par peur de se voir assimilés au « cancre » grec, ou l’Irlande, rescapée de peu de l’enfer de la crise financière de 2008, et aussi parce qu’ils ont payé cher leur retour en grâce, n’ont pas d’argument solide à opposer à un retour de la France au centre du jeu européen. Tous ceux qui ont « poussé au crime », coinçant Tsipras ras au bord du précipice, sont aussi responsables de ne pas avoir écouté les voix modératrices : l’Europe, et dans l’immédiat la zone euro au cœur de son projet politique, n’est pas un pommier auquel on coupe une branche malade pour le faire repartir, c’est un corps vivant dont chaque organe compte pour sa survie. Le rapport de forces, ce dimanche 5 juillet au soir, a soudain changé. Mme Merkel et François Hollande l’ont compris : leur réunion ce lundi soir à Paris, en terre française, en est la preuve indéniable. Elément supplémentaire qui peut paraître secondaire mais qui ne l’est sans doute pas : En reprenant la barre tout en y associant généreusement la « battue », Mme Merkel, Hollande ferait d’une pierre deux coups, en ressuscitant un leadership ancien en Europe et en se donnant les moyens de rassembler plus tard autour de sa candidature à la réélection la plus grande partie de ceux, au sein de son propre parti et à sa gauche, ainsi que chez les écologistes d’EELV, qui ont soutenu Tsipras dans son refus de la mort programmée de son pays par la vis sans fin de l’austérité.

Dans quelle mesure la position Allemande est-elle affaiblie ? Après une campagne de dénigrement incroyable visant le référendum et la tentative ratée de dévoiement de son contenu, l’assimilant frauduleusement à un vote de sortie de l’euro voire de l’Europe, ce vote du « non » à une écrasante majorité signe une lourde défaite pour Angela Merkel.

Non seulement il signifie son échec personnel, après son récent discours au Bundestag dans lequel elle validait la stricte orthodoxie dans le traitement du cas grec, mais aussi l’échec de son modèle européen. Car refuser de reprendre la négociation avec les Grecs sur le fond, c'est-à-dire sur la refonte de la dette et sa maturité, alors que le FMI lui-même dans son rapport du 3 juillet estime que la dette grecque n’est pas soutenable, ce serait signer le fin du projet politique de l’Union économique et monétaire, le réduisant à un simple système technique de changes fixes, vidant le projet européen de toute chance de consolidation à long terme. La simple orthodoxie budgétaire n’est pas un projet politique à la hauteur des enjeux, tant géopolitiques que politiques et économiques et aussi en termes des valeurs qu’entend encore défendre et illustrer l’Union européenne. Angela Merkel s’en est tenue à un conservatisme étroit de gestionnaire de portefeuille, toute à son habileté à séduire et conforter l’électeur allemand, perpétuant ainsi, depuis dix ans, son mandat de chancelière. Affaiblie, elle entraînera dans son discrédit ceux qui ont joué derrière elle la carte du déni de démocratie et fait le mauvais pronostic : du SPD allemand, son allié dans la grande coalition au pouvoir à Berlin, y compris le président du Parlement européen Martin Schulz qui a cru pouvoir se permettre de pronostiquer le départ de Tsipras et la formation d’un gouvernement transitoire de techniciens ( !), jusqu’à Nicolas Sarkozy dont les propos virulents contre le premier ministre grec, alimentant une stratégie de la peur qui a fait « flop » ce dimanche, lui resteront comme un boulet - un de plus direz-vous - au pied. Et ce à rebours de certains leaders européens 

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