La science des courses (à lire absolument avant d’aller au supermarché) <!-- --> | Atlantico.fr
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Les stratégies marketing peuvent vous pousser à acheter n'importe quoi.
Les stratégies marketing peuvent vous pousser à acheter n'importe quoi.
©PHILIPPE MERLE / AFP

Le juste prix

Faire ses courses n'est pas aussi anodin qu'il n'y paraît. Dans chaque rayon se cachent des stratégies marketing bien étudiées qui poussent le consommateur à acheter en trop grande quantité et finalement à gaspiller. Mode d'emploi pour celles et ceux qui ne veulent plus être manipulés dans les magasins.

Nicolas Guéguen

Nicolas Guéguen

Nicolas Guéguen est professeur de psychologie sociale à l'Université de Bretagne-Sud. Il a notamment écrit Psychologie du consommateur : pour mieux comprendre comment on vous influence aux éditions Dunod.

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Danielle Rapoport

Danielle Rapoport

Danielle Rapoport est psychosociologue et dirige le Cabinet d’études DRC, spécialisé dans l’évolution des modes de vie et de la consommation, via une approche ethno-qualitative, auprès des consommateurs et d’équipes managériales en entreprises.

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Ne pas faire ses courses quand on est fatigué

Danielle Rapoport : Les décisions d’achat se réfèrent à de multiples critères, dont l’état d’esprit, l’humeur, le besoin, et tous les stimuli proposés au lieu de vente qui suscitent un état émotionnel  qui favorisent ou pas l’achat. L’état de fatigue est particulier. S’il reflète la "fatigue de faire ses courses", ce qui est courant quand elles sont contraintes (en temps, en dépenses) et  routinières, l’objectif sera de les écourter, de parer au plus pressé, de faire jouer ses automatismes (acheter tel produit en 3 secondes !) etc. 

Si la fatigue est due aux tensions de la vie quotidienne, au stress, acheter peut faire office de parenthèse, du plaisir que l’on s’offre, et dans ce cas, ce plaisir peut être transgressif, tant qu’à faire ! Comme des produits "grassucre" quand on fait un régime (souvent cause de fatigue !), en tous cas régressifs… l’aliment sucré pouvant aussi servir de starter pour retrouver de l’énergie. La peur de dépenser, stressante, peut aussi entraîner une fatigue psychique qui favorise un laisser aller dans la décision d’achat, sachant que les populations les moins favorisées achètent plus de  produits fortement caloriques et peu chers.

La fatigue liée à la décision, si elle entraîne des achats à bénéfice immédiat mais que l’on regrette après, peut pénaliser les marques et/ou les lieux d’achat. Aider à "choisir juste" devrait être leur credo, pour des liens engagés à long terme.

Éviter d’aller acheter le ventre vide aux heures de pointe

Danielle Rapoport : Les moments d’achat sont aussi des influenceurs de décision. Le problème est que le "bon moment" n’est pas toujours rationnel et prévu d'avance, pour exemple la tentation (pas toujours vécue positivement) veut que le caddie se remplisse d’autant plus vite que l’estomac est vide ! Plus généralement  le "bon moment" est un moment choisi, pour certains préparé à l’avance pour gérer rapidement les achats courants et se donner du temps de plaisir, de flânerie ou  de découverte. Le "bon moment" exige des expériences positives  au lieu  de vente : avoir des espaces de déambulation, donc pas trop de monde autour de soi, éviter les files d’attente, connaître l’organisation du magasin … pour favoriser les effets de surprise ou expérientiels. Les technologies nouvelles peuvent être des outils intéressants pour informer, selon des critères de choix personnels,  des temps optimaux pour faire ses courses par exemple.

Acheter en évitant les risques de gaspillage

Danielle Rapoport : La lutte contre le gaspillage est un enjeu majeur pour les marques et les enseignes. Mais le consumérisme oblige à l’effet inverse : proposer des prix bas, des promotions attirantes mais peu utiles et pas toujours économiques, des bons de réduction… C’est le jeu d'un marketing push pour inciter à plus d’achat.

Cela pose la question de la responsabilité, qui devrait être partagée entre l’offre et les consommateurs. Ceux-ci peuvent en effet ne pas céder aux réductions,  gérer leurs achats de manière plus rationnelle, se demander de quoi ils ont vraiment envie et besoin… Mais qu’en est-il du gaspillage des aliments à DLC dépassée (des actions commencent à être faites, mais pas généralisées), des fausses innovations, de déclinaisons à l’infini de produits pour des offres soi-disant personnalisées, sans oublier les suremballages pas toujours protecteurs des produits et déchirés lors du transport etc. Les exemples ne manquent pas pour décréter que beaucoup de chemin reste à faire dans le domaine !

Déjouer les pièges du marketing dans les rayons

Danielle Rapoport : Le marketing se dote de techniques d’appétence pour inciter à l’achat. Quand le rayon de boucherie est éclairée de façon à ce que la viande paraisse plus rouge qu’elle ne l’est, quand les fruits et légumes se parent de mini-cagettes comme signe de "naturalité" alors qu’ils ne le sont pas, quand tous les sens - odeurs, sons… - sont sollicités pour stimuler, pour donner envie. Faut-il résister ou craquer pour quelques secondes d'achat plus magiques ? Tout dépend de la conscience qu’on en a, et vouloir se laisser faire est aussi une posture de consommation, qui implique de ne pas le regretter après, ni d'être déçu. Les achats se font dans un premier temps par l’émotionnel, le facteur rationnel intervient après, avec son cortège de frustrations, de déceptions ou de culpabilité des consommateurs qui pensent, à terme,  qu’ils se sont "fait avoir". Les enseignes, les marques, risquent de perdre en crédibilité. Mais ces techniques rencontrent des  consommateurs plus  exigeants, y compris dans leur course aux « petits bonheurs »… et réciproquement !

Se méfier des promotions et autres bons de réduction

Nicolas Guéguen : Cette capacité de créer des "opportunités" d'achat à été très bien intégrée par une entreprise comme McDonald's qui utilise cette stratégie pour les desserts, ce qui est le plus difficile à vendre dans ses restaurants. Dans un restaurant on disait que le produit était en promotion toute l'année, et dans l'autre qu'il l'était "aujourd'hui uniquement" (en disant bien sûr la même chose tous les jours). Quand on disait que le produit était en promotion "aujourd'hui seulement", les ventes décollaient. Et une promotion faite tous les jours n'est évidemment plus une promotion.

La variante c'est aussi de pousser les gens à se déplacer dans un magasin en faisant miroiter une promotion sur "les 200 premiers". Quand vous arrivez sur place et qu'il n'y a plus de promotion (car il y en avait finalement très peu et qu'elles ont toutes été vendues), et comme vous voulez rationnaliser votre déplacement, vous allez finalement acheter quelque chose, qui lui ne sera pas du tout en promotion. Et au pire, certains produits ressembleront beaucoup à la promotion que vous avez raté pour vous pousser à l'achat.

Faire attention aux faux bons prix

Nicolas Guéguen : C'est une méthode connue que l'on appelle "l'effet contraste". Quand vous partez d'un niveau élevé de prix, les niveaux qui suivent vous paraissent moins importants que si vous partiez du bas. Il faut donc toujours présenter le produit plus cher au début. C'est la même logique quand la publicité présente les modèles les plus hauts de gamme – pratique très courante dans l'automobile par exemple – pour donner un ressenti plus positif sur les modèles les plus courants lorsque le consommateur y sera confronté.

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