Trayvon Bromell, l’ado le plus rapide du monde convoite la couronne d’Usain Bolt : jusqu’où pourra-t-on exploser les records de vitesse ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La relève du Jamaïcain Usain Bolt est déjà prête à le remplacer
La relève du Jamaïcain Usain Bolt est déjà prête à le remplacer
©Reuters

Cours Forrest, cours !

100 mètres en 9,84 secondes : un coureur jamaïcain de 19 ans est devenu le 10ème homme le plus rapide de l'Histoire, surclassant tous les champions de sa discipline quand ils avaient son âge. Mais cette course au record pourrait bientôt atteindre les limites du corps humain.

Gérard Dine

Gérard Dine

Gérard Dine est professeur de biotechnologies à l’École Centrale de Paris, président de l'Institut Biotechnologique de Troyes et chef du service d'Hématologie et d'Immunologie de l'Hôpital des Hauts-Clos de Troyes.

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Atlantico : Bouclant un 100 mètres en 9,84 secondes, Trayvon Bromell, jeune coureur jamaïcain de 19 ans, est bien plus rapide que tous les grands noms du sprint à son âge. Comment expliquer que les records de vitesse sur cette distance ne cessent d'être repoussés ? 

Gérard Dine : Il y a plusieurs explications à cela. Sur le 100m, il faut en premier lieu parler de la rapidité des pistes. Celle-ci a été modifiée considérablement depuis l'époque de Jesse Owens, qui, à l'époque, courait sans starting-block et faisant 10,2 secondes sur 100m. Aujourd'hui les pistes modernes, à la fois fermes et élastiques, restituent une partie de l'énergie du sprinteur sur la course. Donc les pistes sont plus rapides.

Les techniques de course et le départ sur le 100m ont joué un très grand rôle. Les starting-block, inventés dans les années 60, ont modifié, de manière conséquente, le départ. C'est un avantage énorme sur le 100m, ce qui est à pondérer sur le 200m. Ensuite, vous avez le matériel, c'est-à-dire les chaussures, qui s'est complètement amélioré. Aujourd'hui les sprinters courent avec de véritables chaussures quasi-orthopédiques, ce sont des chaussures qui sont calculées de manière très pointue et de façon numérisée. Elles sont calculées par rapport à leur morphologie, de façon à restituer un bras de levier optimal dans le geste de la foulée et de l'accrochage qui restitue l'énergie. Ce sont des éléments qui ont progressé sur 60 ans d'histoire du 100m. Paradoxalement, les premières pistes en composite apparaissent entre les années 60 et 70, et depuis il n'y a eu de cesse que d'avoir du progrès sur les pistes. C'est une évolution plus récente. Les pistes ont continué à évoluer, elles sont plus fermes et plus restitutrices et les chaussures sont personnalisées pour les sprinteurs.

Pour ce qui est de l'humain, il est indéniable que les techniques d'apprentissage de la course de vitesse ont été fantastiquement améliorées depuis 50 ans, grâce aux études biomécaniques et à tous les outils des ingénieurs pour améliorer la course. Cela veut dire qu'il y a des règles générales qui sont ensuite applicables à chaque individu, mais de manières légèrement différente, suivant la puissance de celui-ci du point de vue musculaire, sa morphologie et les bras de leviers. Un sprinteur va être analysé aujourd'hui de manière pointue. Il va falloir adapter la technique par rapport à la foulée pour chaque sprinteur lui-même. Usain Bolt ou Gatlin ont des techniques de course qui sont personnalisées, ils ne courent pas totalement de la même façon. Ils n'ont pas les mêmes morphologies, pas les mêmes bras de levier et pas la même puissance exprimée. La préparation musculaire va jouer un rôle. L'acquisition de puissance au niveau du train inférieur, avec la capacité de la maintenir par le tronc et le rééquilibrage de la foulée par les bras est de plus en plus personnalisée et devra être adaptée au choix de cette foulée.

Qu'est ce qui empêche les coureurs d'aller encore plus vite ? Verra-t-on un jour un 100m bouclé sous la barre des 9 secondes ? 

Les coureurs du 100m sont des mammifères supérieurs de l'espèce humaine qui disposent de morphologies particulières et de biomécaniques biomusculaires optimisées. Avec tous les outils dont je vous ai parlé, on va essayer d'identifier quels sont les individus qui vont avoir les capacités musculaires les plus explosives et ceux qui ont la capacité de coordination indispensable pour garder la vélocité. Là, on rentre dans la mécanique humaine, c'est-à-dire la morphologie. A biomécanique égale, tous ces outils permettent d'avoir un profil type et on va essayer de déterminer quels sont les gens qui ont ces caractéristiques et des morphologies sur lesquelles on va travailler. Au niveau de la biologie, aujourd'hui on a un certain nombre d'éléments qui informent sur quelles caractéristiques biologiques il faut avoir pour être sprinter : un maximum de fibres rapides au niveau des structures musculaires. Ce qui veut dire qu'il y a une répartition déterminée génétiquement sur la composition de nos muscles. Des individus ont des répartitions favorables à la force et à la puissance, ainsi qu'une élasticité pour garder la vitesse. Cette morphologie, il faut la déterminer le plus tôt possible, il suffit ensuite de faire des mesures biologiques dont certaines sont à terme génétiques pour savoir si l'individu a un capital de sprinter potentiel.

Quelle peut être l'influence de l'origine ethnique des coureurs sur leurs performances ? 

Il existe effectivement des répartitions différentielles selon les ethnies en fonction des développements. On sait qu'un certain nombre de populations vont avoir des potentiels en termes de musculature. Statistiquement, vous allez avoir une surreprésentation d'individus doués au sein d'une population mais cela ne suffit pas, encore faut-il les dépister, les entraîner, et mettre en coordination tout ça. Il y a un énorme travail neurologique et neuropsychologique par rapport à toute cette masse de travail. Il faut que les gens soient encadrés et entraînés pour optimiser le talent qu'ils ont, s'habituer au matériel qu'on va leur proposer, mettre tout ça en coordination dans un effort. Vous aurez remarqué que le sprinteur va avoir sa façon de courir modifiée par son entraînement pour obtenir le meilleur angle d'attaque biomécanique. La course de 100m n'est pas une course totalement physiologique, les gens vont courir en avançant les jambes très haut. 

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