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Le Pentagone fait repousser des muscles de soldats
menacés d'amputation
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Dr House

C’est une première mondiale. Quelques mois après le début de leur essai clinique, des scientifiques américains ont pu opérer quatre soldats sévèrement blessés.

C’est le Dr House qui va être content. Pour la première fois, une équipe de scientifiques a réussi à faire repousser le muscle d’un être humain, dans le cadre d’un programme financé par le Pentagone.

Un essai clinique lancé à l’Université de Pittsburgh il y a quelques mois donne déjà des résultats plus que prometteurs. Grâce à des cellules de cochons, une seule opération et un entraînement physique quotidien, quatre soldats ont déjà pu récupérer une partie de leurs muscles. Ces derniers ont rejoint l'essai du docteur Stephen Badylak après avoir subi de graves traumatismes, et perdu une partie d'un membre.

Stephen Badylak est un spécialiste de la médecine régénérative. Dans la vidéo ci-dessous, il explique que les cellules de notre corps tiennent ensemble grâce à une sorte de colle, appelée matrice extra-cellulaire. "Nous pouvons utiliser cette matrice comme un échafaudage autour duquel des tissus endommagés peuvent se régénérer." Son équipe fabrique ces échafaudages à partir de protéines provenant de l’intestin de cochons. Elles sont insérées dans le tissu humain endommagé et initient ainsi le processus de régénération. Sa technique est devenue célèbre en 2007, quand elle a permis à un patient de récupérer le bout de son doigt sectionné en quelque semaine.

Vidéo du docteur Stephen Badylak (attention, certaines images sont dures à voir)

Pour la personne opérée, la suite, c’est un programme de réhabilitation intensif. Elle doit travailler quotidiennement le muscle naissant pour permettre aux tissus, aux tendons et aux nerfs de repousser. "Les patients doivent faire leur part du travail, on ne se contente pas de poser un plâtre sur la jambe et d’attendre, explique le docteur Badylak. Mais les soldats qui ont perdus 60 à 70% de leurs muscles seraient prêts à tout pour retrouver leur vie d’avant."

Le premier soldat opéré dans le cadre de l’essai clinique de cette année est en voie de guérison. Il vient de terminer le programme de réhabilitation de six mois, et "il va bien", affirme le docteur Badylak. "Alors que cela aurait dû se terminer en amputation, ce soldat a maintenant un membre qui fonctionne bien mieux qu’après la blessure."

A l’heure actuelle, il n’existe quasiment aucune solution pour les victimes de traumatismes majeurs, qui doivent faire face à la perspective d'une douleur chronique et d'un handicap, et n'ont comme alternative thérapeutique que l'amputation. "La perte massive de muscles et de tendons qui résulte d’un traumatisme, entraîne inévitablement la perte de fonctions et une douleur prolongée, raconte le docteur Badylak. La reconstruction des muscles et des tendons, après une blessure, est souvent impossible. Les options chirurgicales sont très limitées, et c'est assez courant de voir amputer le membre."

Si le rythme des avancées médicales reste stable, l’essai clinique pourrait se terminer dans deux ans. D’ici dix ans, les milliers de soldats américains blessés sur les fronts irakiens et afghans, qui ont perdu des muscles et souffrent depuis de douleurs chroniques, pourraient enfin éviter de se faire amputer, et retrouver au moins un quart de leurs fonctions physiques.

Cet essai de l’Université de Pittsburgh fait partie de l'Institut de médecine régénérative des forces armées : un programme de 250 milliards de dollars du Pentagone pour accélérer le développement de cette branche de la médecine. L’autre axe important du projet, c’est la reconstitution d’os. Une étude est conduite au Pitt Medical center dans ce sens : faire repousser des os pour les patients dont la main ou la boîte crânienne est endommagée, grâce à un "ciment d’os" spécifique.

Ces essais, s’ils sont destinés en premier aux soldats américains, pourraient révolutionner la chirurgie orthopédique et traumatologique. Appliquée aux civils, la méthode du docteur Badylak signifie que les accidents de voitures, les incendies ou certains cancers ne causeront plus forcément des dégâts irréparables. Elle pourrait changer la vie des victimes d’accidents graves. "Restaurer la qualité de vie des individus affectés, dans le secteur privé comme dans l’armée, est l’objectif final de ce travail", explique le docteur Badylak.

Le tout premier a en avoir bénéficié, c'est le marine Isaias Hernandez. En 2004, il se trouvait dans la province d'Al-Anbar, en Afghanistan, quand il perd un quart de sa cuisse droite à cause d'un éclat d'obus. En 2008, le soldat a déjà subi une cinquantaine d'opérations quand il se porte volontaire pour devenir le premier humain sur lequel sera testée la thérapie expérimentale du docteur Badylak. Trois ans plus tard,"ça va plutôt bien", résume le soldat. "J'ai perdu du poids et je fais du sport." Son objectif : retrouver la forme afin de pouvoir rejoindre les marines.

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