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Gazoduc Nord Stream : l'Europe n'est-elle pas trop dépendante de la Russie ?
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Ça gaze ?

Lundi dernier a eu lieu l'inauguration du gazoduc Nord Stream, reliant la Russie aux pays d'Europe occidentale -en contournant soigneusement l'Ukraine. Une nouvelle page de la coopération énergétique européenne vient d'être tournée, mais les questions demeurent. En témoigne le soutien de l'UE au projet de gazoduc Nabucco.

François Lafargue

François Lafargue

François Lafargue est docteur en Géopolitique et en Science Politique. Il enseigne à Paris School of Business.

Auteur d’une thèse portant sur l’Afrique du Sud, il est également docteur en Science politique avec comme thème de recherche la stratégie des Etats-Unis devant la vulnérabilité énergétique de la Chine. Ses travaux portent principalement sur les enjeux énergétiques en Asie et en Afrique et les relations sino-africaines.

Son dernier ouvrage : La Guerre Mondiale du pétrole (Ellipses, 2008)

 

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Atlantico : Les vannes du gazoduc Nord Stream sont officiellement ouvertes en direction de l'Europe occidentale. En quoi cela va-t-il bouleverser l’approvisionnement gazier de l’Union européenne ?

François Lafargue : La construction du gazoduc Nord Stream obéit à deux logiques, énergétique et politique. Le gaz représente près du quart de la consommation d’énergie primaire en Allemagne contre 34 % pour le pétrole et 11 % pour le nucléaire. La production de gaz en Allemagne ne couvre aujourd’hui que 15 % de sa consommation et le pays doit importer principalement de Russie, de Norvège et des Pays-Bas. Et l’abandon du programme nucléaire en Allemagne entraîne une hausse de la consommation de gaz, et donc des importations.

Le Nord stream devrait permettre de répondre à cette forte demande. Sur le plan politique, la réponse est plus complexe. Moscou poursuit son projet géopolitique de contrôler l’approvisionnement énergétique de ses voisins, comme les routes d’exportations des hydrocarbures. Gazprom est actionnaire majoritaire du consortium, chargé de la gestion du gazoduc. Pour l’Union européenne, l’objectif est de sécuriser son approvisionnement, puisque pour le moment le gaz en provenance de Russie transite par la Biélorussie ou l’Ukraine. Et chacun a en mémoire les récentes « guerres du gaz » dans ces deux pays, qui inquiétèrent les Européens.

N’est-il pas paradoxal d’engager un tel projet énergétique, alors même que l’Union européenne s’inquiète de l’évolution institutionnelle du pays ?

L’annonce par Vladimir Poutine de son intention de briguer un nouveau mandat présidentiel en 2012, a suscité une réelle et légitime déception dans les démocraties occidentales.

Si l’évolution institutionnelle de la Russie a été décevante depuis dix ans, (avec des scrutins électoraux entachés de fraudes) et une liberté d’expression limitée, force est de reconnaître que ce pays a toujours été un partenaire énergétique fiable. La dépendance de l’Union européenne à l’égard de la Russie, tant sur le plan gazier que pétrolier, n’a fait que s’aggraver depuis les élargissements aux pays d’Europe de l’Est. Si le gaz russe fournit en moyenne la moitié des importations de l’Union européenne, cette dépendance s’établit à 37 % pour l’Allemagne (contre 21 % en France), mais elle est totale pour les Pays baltes et la Pologne.

La Russie livre également 32 % des importations pétrolières de l’Union. Cet approvisionnement en hydrocarbures n’a jamais été menacé, y compris durant les années de Guerre froide. Rappelons également que l’Allemagne est le premier client et premier fournisseur de la Russie.

Et pour la Russie, ne serait-il pas plus intéressant d’exporter vers les pays asiatiques où la demande est soutenue ?

Les années 2000-2010 ont été marquées par la signature de plusieurs accords énergétiques avec la Chine, mais dont la portée demeure encore limitée, puisque la Russie en dépit de sa proximité géographique avec la Chine, ne couvre que 6 % de ses importations en pétrole.

Les réticences de la Russie peuvent s’expliquer de plusieurs manières. D’une part, les infrastructures de transport sont principalement tournées vers l’Europe de l’Ouest. L’approvisionnement en hydrocarbures de la Chine ne peut se faire que par voie ferroviaire, ou par la construction de nouveaux oléoducs et gazoducs. Alors même que la Chine exige un tarif préférentiel pour ses achats en Russie.

Pour Moscou, le partenariat avec l’Europe présente également plusieurs avantages. La Russie négocie avec 27 États, qui ne parviennent pas à s’entendre sur l’attitude à tenir vis-à-vis d’elle.

Pour garantir son approvisionnement énergétique, l’UE encourage les partenariats industriels avec la Russie, afin de créer une interdépendance financière à l’image de la politique qui fut menée à partir des années 1970 avec les pays arabes. La Banque publique russe Vneshtorgbank a ainsi acquis près de 6 % du capital du constructeur aéronautique EADS. Moscou espère pouvoir ainsi accéder à la technologie civile qui lui fait encore défaut. Pour la Russie, la coopération pétrolière avec la Chine, présente sur ce plan moins d’intérêts.

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