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Referendum grec : qui va gagner le Waterloo de l’euro ?
Referendum grec : qui va gagner le Waterloo de l’euro ?
©Reuters

Les paris sont ouverts

Les députés grecs ont approuvé ce week-end du 27 et 28 juin la proposition du gouvernement d'organiser le 5 juillet prochain un référendum concernant le plan d'aide au pays. Les pronostics sont ouverts quant à l'issue pour la zone euro.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le referendum grec restera quand même comme un très beau pavé dans la mare monétaire européenne. Il devrait préparer un véritable Waterloo pour la zone euro, mais on peine aujourd’hui à savoir qui en sera le vainqueur final – étant entendu que le perdant est déjà connu: la monnaie unique devrait rapidement disparaître désormais.

Le referendum grec était prévisible

Depuis plusieurs semaines, Tsipras faisait courir le bruit d’un recours aux urnes, sous une forme ou sous une autre (législatives anticipées ou referendum), pour faire passer le nouveau plan de sauvetage européen. Ses partenaires ont en effet exigé de lui des concessions pour lesquels il ne dispose pas de mandat populaire. Coincé par son aile gauche, Tsipras a besoin de « réassurer » ses arrières pour éviter une crise politique et raffermir une majorité parlementaire.

L’annonce lancée dans la nuit vendredi à samedi d’un recours au referendum n’était pas une surprise. Si l’Union Européenne était un espace démocratique, elle l’approuverait d’ailleurs: il n’y a rien de scandaleux à consulter les citoyens sur des décisions importantes. On peut simplement reprocher à Tsipras d’avoir fait durer le plaisir depuis plusieurs mois pour sortir de sa botte, in extremis, une arme qui compromet le processus engagé en février.

Le referendum, un choix tactique des créanciers?

A lire les propositions soumises à Tsipras, toutefois, on peut se demander dans quelle mesure les Européens n’ont pas tout fait pour rendre le recours aux urnes inévitable. L’offre d’une aide de 12 milliards d’euros en 2015 est notoirement insuffisante pour remettre la Grèce sur les rails et organise l’insolvabilité du pays:

L’argumentaire développé par le gouvernement dans cette note est que chacune des tranches prévue jusqu’à novembre ne servira qu’à rembourser différentes échéances dues au créanciers jusqu’à cette date: 4 milliards d’euros prévue d’ici mi-juillet se répartiront entre le remboursement d’obligations détenues par la BCE (3,5 milliards) et la contribution aux fonds structurels européens (500 millions) ; 4,7 milliards début août, également destinés à rembourser la BCE et 1,5 milliard en octobre pour payer le FMI.
Conséquence, en déduit la partie grecque: la proposition ne contient par la moindre liquidité pour l’Etat, et ne compense pas le refus, jugé probable par les Grecs, que le FMI ne verse pas les prêts prévus initialement jusqu’en mars 2016 puisque la dette publique grecque ne sera pas jugée soutenable.

Autre grief des Grecs: le montant de 12 milliards d’euros ne tient pas compte du fait que l’Etat grec, qui attend depuis près d’un an le feu vert des créanciers au versement d’une aide prévue dans son programme d’assistance internationale, a accumulé des impayés et subi une hausse de son taux de refinancement.

Autrement dit, les Européens ont fini par proposer aux Grecs de l’argent pour se rembourser eux-mêmes, à charge pour les Grecs de se débrouiller pour survivre. En contrepartie de cette solution minimaliste, les Grecs doivent entreprendre des réformes sanglantes: une TVA sur la restauration à 23%, des coupes sombres dans les retraites et un excédent budgétaire massif.

Mathématiquement, Tsipras n’a évidemment aucun intérêt à accepter cet accord léonin. D’où son idée de referendum, et son appel à refuser les propositions des créanciers, qui apparaît comme un véritable coup de poignard dans le dos de ceux-ci.

Le referendum est-il une victoire prussienne?

Depuis le mois de février, le ministre allemand des Finances, le cruel Schaüble, soutient qu’un « Grexit » serait un bien plutôt qu’un mal, et qu’il ne comporterait que très peu de conséquences négatives pour la zone euro. Cette conviction explique très largement la ligne maximaliste des « Prussiens » en Europe, Jeroen Dijsselbloem, président néerlandais de l’Eurogroupe, en tête. Ce « parti » a tout fait pour pousser les Grecs dans leurs retranchements (on notera que la Française Danièle Nouy, présidente du conseil du Mécanisme de supervision unique, pense de même).

La grande illusion de Tsipras a consisté à croire que la France de Hollande avait une quelconque autorité ou influence capable d’infléchir la ligne prussienne. Il a donc systématiquement misé sur l’effroi qui s’emparerait des Européens au moment de passer à l’acte du Grexit. La suite de l’histoire (je l’ai écrit plusieurs fois sur ce blog d’ailleurs) a montré que la mesure du rapport de force n’était pas la première qualité du Premier Ministre grec.

Cette semaine, le camp Schaüble a continué à faire entendre sa voix, contribuant à faire capoter les négociations mais sans toutefois pouvoir faire seul la différence. Schaüble déclarait d’ailleurs hier:

"Nous ferons tout notre possible pour éviter une contagion à la zone euro."

En revanche, la rigidité de la position allemande est apparue plusieurs fois cette semaine. Ainsi, alors que François Hollande estimait jeudi:

"Il y a encore des écarts qui demeurent", a confirmé le président français, François Hollande, jugeant toutefois que les deux parties n’étaient "pas loin d’un accord". Mais il a appelé à ne plus perdre de temps: "Il faut savoir terminer une négociation (…) il n’y aurait rien à gagner à laisser trop de temps encore", alors que "la Grèce n’en a plus".

Angela Merkel affirmait pour sa part (avant de plaider l’extrême générosité de son offre):

"D’après ce que j’ai entendu aujourd’hui, nous n’avons pas encore fait les progrès nécessaires"

Le referendum grec, une victoire du FMI?

Selon Jean Quatremer, il semble toutefois que, plus fort encore que la ligne Schaüble, la folie du FMI aurait conduit à un échec des négociations. Prise dans un processus de réélection, Christine Lagarde a dû donner des gages à ses futurs électeurs.

"C’était une négociation surréaliste, car le FMI ne semble plus savoir ce qu’il veut », raconte un diplomate proche des négociations. « Ainsi, il voulait une hausse de la TVA sur la restauration à 23 %, une mesure que rejetait Tsipras à cause de son effet récessif. On lui a expliqué que cela lui permettra de trouver les 900 millions qui manquent pour parvenir à un deal. Il négocie durement avec sa majorité et finalement accepte. Mais à ce moment le FMI explique qu’il a refait les calculs et qu’à cause de l’effet récessif, cette mesure va seulement ramener 300 millions et qu’il faut augmenter la TVA ailleurs. De quoi devenir dingue, non ?"

L’attitude du FMI soulève ici une question majeure: certains concurrents de l’Europe font-ils pression sur Christine Lagarde afin de torpiller l’euro? Le scénario n’est pas dénué de fondement si l’on songe que la FMI détient la clé de la stabilité monétaire en Europe et qu’un moyen commode (et discret) de neutraliser politiquement et économiquement le Vieux Continent consiste à mettre la Grèce en situation de faillite…

Et l’on peut faire confiance à l’absence de vision politique prussienne pour ne pas comprendre qu’elle se fait l’alliée de fait d’une stratégie globale qui court à rebours de ses intérêts.

Le referendum grec et la BCE

Si le FMI semble à la manoeuvre du côté des politiques, les Prussiens retrouvent tout leur poids du côté des banquiers centraux, où le gouverneur de la Bundesbank, Jens Weidmann, mène la frondepour arrêter la discrète perfusion de liquidités assurée par la BCE. Depuis le mois de février, en effet, Mario Draghi assure la survie de la Grèce en autorisant les banques du pays à se refinancer en urgence en échange des bons d’Etat qu’elles apportent. Cette mécanique a permis au gouvernement grec de placer ses emprunts sans trop de difficulté auprès des banques locales.

Depuis jeudi, toutefois, la BCE a décidé de juguler l’hémorragie. Elle se réunit aujourd’hui en urgence pour décider des mesures à prendre désormais face au défaut grec attendu officiellement mardi… Mario Draghi est désormais le maître du destin européen.

Telle est probablement la principale leçon à retirer de cette tragédie grecque: l’euro, invention des financiers, périra (ou non) par les financiers. Les six mois qui viennent de s’écouler auront simplement démontré le naufrage des politiques, incapables de décider au mieux de l’intérêt général.


L’Italie va-t-elle suivre le chemin ouvert par la Grèce?

Pendant que la Grèce met l’Europe au tapis, d’autres fronts secondaires s’ouvrent, qui pourraient devenir tout aussi nuisibles pour la construction communautaire. C’est notamment le cas du dossier des migrants, qui n’en finit pas de déchirer les Etats membres. Le sommet européen de jeudi, brillamment présidé par le Polonais Donald Tusk, a montré une fois de plus la rupture entre les nouveaux arrivés dans l’Union, qui sont peu sensibles à la solidarité continentale, et le noyau présent dès le traité de Rome, partisan d’une politique plus ambitieuse.

Alors que Jean-Claude Juncker proposait des quotas obligatoires par pays, de nombreuses passes d’armes ont eu lieu.

« La discussion a été longue et elle a connu quelques moments de tension », a souligné dans un euphémisme François Hollande à l’issue de la réunion.

Selon la presse italienne, Matteo Renzi aurait lancé pendant le sommet : « si c’est ça votre idée de l’Europe, alors gardez là pour vous. Nous nous débrouillerons seuls », laissant entendre comme il l’a fait souvent par le passé qu’il laisserait passer chez ses voisins les migrants entrés sur son territoire. (…)

Cela n’a pas été la seule passe d’armes de la soirée. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, s’est ainsi frotté à Donald Tusk, le président du Conseil européen, l’instance où siègent les Etats. Le premier s’est vu reprocher par le second d’avoir, avec sa proposition initiale du mois de mai, pris trop de liberté par rapport à la feuille de route que lui avaient délivrée les Etats en avril. « La Commission s’estime libre de présenter un texte législatif au Conseil et nous ne retirerons pas ce texte », a répondu devant la presse Jean-Claude Juncker.

Au final, le Conseil n’a pas retenu le principe de quotas obligatoires.

La Grande-Bretagne donnera-t-elle le coup de grâce?

Lors du même sommet européen, David Cameron a exposé les grandes lignes de ses revendicationsquant au fonctionnement de l’Union. La bataille du Brexit a toutefois semblé faire interlude dans la tension entre Européens sur les migrants… Voilà qui en dit long sur l’état de décomposition avancée du projet communautaire.

Dans la pratique, le choix de sortir de l’Union n’est pas encore mûr en Grande-Bretagne. Sa menace constitue toutefois un puissant levier pour réorienter un projet collectif dont la bonne santé n’est pas manifeste en ce moment! Et les Anglais pourront, une nou

Les écoutes de la NSA en rajoutent une couche

Semaine noire pour l’Europe qui vit un véritable Waterloo: les révélations, par Wikileaks, sur les écoutes dont la France, présidents de la République compris, a fait l’objet depuis plusieurs années, n’ont guère réchauffé le climat multilatéral. Immédiatement, de nombreuses voix se sont élevées en France pour réclamer un arrêt complet des négociations sur le traité transatlantique.

Mesure que François Hollande a refusé de prôner.

Waterloo, Waterloo, morne plaine…

Bref, la situation de l’Union Européenne paraît plus que jamais dégradée. Quelques jours après les célébrations du deux-centième anniversaire de la bataille qui mit un terme à l’expérience impériale contemporaine, tout concourt à laisser penser que l’état du continent devrait revenir à ce qu’il était en 1815…

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