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Dans les ressorts de la fascination de la culture anglo-saxonne pour la femme française
©Reuters

Parisienne chic

La Sorbonne propose cet été un cours entièrement dédié à la "femme française". L'occasion pour une chroniqueuse britannique, Celia Walden, de dévoiler dans un article moqueur publié dans The Telegraph, les sept leçons qui ne seront pas abordées dans l'amphithéâtre. Entre admiration et jalousie pour les Françaises.

Sophie  Bramly

Sophie Bramly

Sophie Bramly a été photographe et est maintenant productrice de télévision. Elle est aussi créatrice du site secondsexe.com, un portail dédié au plaisir au féminin. Elle a publié avec le Professeur François Olivennes Tout ce que les femmes ont toujours voulu savoir sur le sexe et enfin osé le demander.

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Talia Soghomonian

Talia Soghomonian

Talia Soghomonian est une journaliste américaine basée à Paris, ex-Metro et New-York Times, aujourd'hui freelance. Elle écrit sur le cinéma, la mode et la musique, et a été publiée dans Rolling Stone, InStyle, Marie Claire.

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Atlantico: La découverte par Celia Walden, journaliste au Telegraph, de l'existence d'un cours d'été à la Sorbonne consacré à la "femme française" a été l'occasion d'un article moqueur véhiculant un certain nombre de stéréotypes sur les Françaises. Selon elle, ces dernières, entre autres choses, ne s'entraideraient pas, seraient minces parce qu'elles fument et boivent du café, terroriseraient les hommes, n'accepteraient de recevoir de conseils de personne. A quel point cette image est-elle commune dans l'imaginaire anglo-saxon ?

Talia Soghomonian : Il est d’abord important de noter que lorsqu’on dit “femme française”, les anglo-saxons et les Américains comprennent “Parisienne” car on ne voit pas grand chose au-delà des frontières de la capitale dans les magazines, films ou séries. Si ces stéréotypes de la femme française ont autrefois existé, ils se sont effacés avec le temps. Les gens voyagent plus, sont plus informés. Avec la technologie, le monde est devenu plus petit. Même s’il demeure encore une part de vérité dans certains stéréotypes, ceux véhiculés par Celia Warden sont exagérés. Je la trouve même assez dure. On dirait qu’elle s’attendait à plus de glamour et elle est déçue de découvrir que les femmes françaises sont, tout compte fait, comme “les autres”. Juste mieux habillées.

Sophie Bramly : Effectivement, les anglo/saxons ont stéréotypé une femme française - et surtout une parisienne - sous les traits d'une femme qui place la séduction au-dessus de tout. Elle y sacrifierait son appétit, sa santé, son entraide avec les autres femmes, etc. Dans ce même imaginaire, il ne me semble pas qu'elles terrorisent les hommes mais sont au contraire sujet de fantasme, d'où la critique féminine outre-Atlantique. Cela m'a particulièrement frappé au moment de l'affaire DSK: il y a eu une jouxte de féministes où les unes reprochaient aux autres de trop jouer avec les codes de la séduction et les autres de répondre que le féminisme n'était pas un frein à la féminité...

D'où vient cette image des femmes françaises ? Où et comment a-t-elle pris racine ?

Talia Soghomonian : Cette image a commencé à prendre racine après la Deuxième guerre mondiale lorsque les GIs américains sont rentrés avec plein de souvenirs des aventures les femmes françaises, moins inhibées que leurs fiancées américaines. Les magazines pour hommes ont surfé sur la vague en mettant le mot “française” a coté des images de danseuse burlesques ou des femmes en petite tenue. Et puis il y aussi la reconstruction de la capitale du centre mondial de la mode. Dior a tout lancé avec son “New Look” et ensuite Yves Saint Laurent est venu bouleverser et peaufiner cette image de la femme chic parisienne. Au cinéma, la Nouvelle Vague a joué un rôle primordial pour véhiculer une certaine image, et le film Midnight in Paris, de Woody Allen, démontre bien qu’elle est toujours bel et bien vivante.

Sophie Bramly : Il me semble qu'elle est très ancienne: la France a inventé l'amour courtois au Moyen-Age, puis les Françaises ont inventé les salons et les bonnes manières au XVIIIe siècle, manœuvres habiles pour mieux s'immiscer dans les jeux de pouvoir à la cour. La séduction jouait un grand rôle: les femmes utilisaient leur intelligence, leur beauté, leur sexualité, leur sens de la repartie, ou tout autre talent qui leur permettait un certain poids social. Au final, peut-être que les Françaises ont toujours joué d'atouts dits féminins, alors que les Anglo-Saxonnes ont sans doute misé sur des atouts dits masculins. 

Cette image s'inscrit-elle dans un schéma attirance-répulsion ?

Talia Soghomonian : La femme française reste la plus grande ambassadrice de son pays. Elle est considérée l’incarnation de l’élégance, du chic, de ce je ne sais quoi dans son attitude qui fascine les femmes outre-Manche et outre-Atlantique. C’est surtout Brigitte Bardot et Catherine Deneuve qui demeurent les références de la femme française. Il y a également Carla Bruni qui fascine pas mal aux Etats-Unis. A Los Angeles, j’entends souvent ses chansons dans les cafés ou grands magasins. Une jolie première dame qui était top-modèle, fait de la musique et s’habille en Dior? Only in France!

Sophie Bramly : Tout sujet contraire est un schéma d'attirance et répulsion. Ici, les Anglo-saxonnes critiquent, mais là elles se nourrissent de tous les livres qui vantent des méthodes ou façons de faire, à la Parisienne. Pendant ce temps-là les Françaises se ruent sur les méthodes de coaching à  l'américaine pour s'améliorer là où elles se sentent défaillantes, et portent jeans et baskets après les avoir critiqué... 

Comment cela se traduit-il dans la culture populaire anglaise et américaine (films, séries télévisées, livres,...) ?

Talia Soghomonian : Les films, séries télés et surtout la presse féminine perpétuent la fascination avec la femme française. Et lorsque les anglo-saxonnes s’essayent à l’art de devenir française, ou plutôt parisienne, elles échouent souvent car, comme les stéréotypes évoqués par Mme Warden, elles exagèrent. Il y a cinq ans, je rigolais en regardant les Gossip Girls ou elles se promenaient dans les rues de Paris bien trop apprêtées pour la journée, sur leur 31 en robes coutures et perchées sur des Louboutins sur des voies pavées. Personne ne s’habille comme cela à Paris, voyons, je disais à mes copines aux Etats-Unis. Les rues de Paris ne sont pas les Fashion Week en permanence. En fait, les parisiennes s’habillent comme tout le monde, comme l’évoque Mme Warden, sauf qu’elles ont le chic pour transformer la plus banale des tenues en une image sortie tout droit des pages de Vogue.  

Elles sont justement admirées pour leur capacité de porter une jean et t-shirt et dégager un air de haute couture. Et puis, elles s’assument au naturel, sans trop d’artifice et de maquillage et une coiffure qu’on appelle “bedhead”, c’est-à-dire coiffée comme si elle sortait du lit. Or, elles n’ont pas compris que la femme française est comme toutes les autres et se maquille, a recours aux procédures cosmétiques comme le Botox, mais tout en discrétion - il ne faut surtout pas le dire, cela nuirait à cette image qu’elles sont tout de même conscientes à avoir à travers le monde. Mais le secret est qu’elles savent doser et c’est cela qui fascine. Et qui dérange. Elle a une insouciance, elle est chic naturellement et ne fais pas d’efforts. Or, les “autres” passent des heures à se faire looker pour capter cette “parisianisme”, sans réaliser que la parisienne aussi passe du temps a peaufiner son look naturel…

Autre chose qui fascine -- et dérange -- est bien la minceur des françaises. On les imagine se goinfrer avec du foie gras et des pâtisseries à longueur de journée, tout en affichant une ligne de mannequin. Mais les régimes sont un business aussi puissant qu’ailleurs, tout comme McDo. Je ne sais pas si Celia Warden parle des années 80, mais je connais peu de femmes qui fument ou boivent du café en permanence dans le but de rester mince. Au contraire, celles que je connais mangent en modération -- mais de tout --, sont actives et luttent pour garder la ligne. Car oui, la population grossit. Les françaises aussi aiment les burgers et Starbucks.

Sophie Bramly : Il me semble que la culture étant encore essentiellement aux mains des hommes, la Française apparaît surtout comme un objet de fantasmes. Elle apparaît encore comme la séductrice, là où l'Américaine veut décider pour elle-même et du coup semble plus puissante, quitte à effrayer. Je suis étonnée par les différences au cinéma: Mad Max ou Ex Machina d'un côté et des histoires d'amour de l'autre. Personne n'a tort ou raison, mais les deux gagneraient à s'enrichir de la façon de penser et d'agir de l'autre.

Les Français bénéficient-ils d'une image similaire ? Pourquoi ?

Talia Soghomonian : Les Français, quant à eux, ne sont peut-être pas épargnés avec leur réputation d’arrogance, de séducteurs et de coureurs de jupons s’est estompé. Ils sont souvent aussi incarnés comme les “bad guys” dans les films hollywoodiens. On voit souvent le rôle du bandit (séducteur tout de même) décerné à un français, même si cela devient moins courant. Selon Mme Warden, ils seraient terrorisaient par leurs compatriotes féminines. J’avoue que certains copains français m’ont dit qu’ils préféraient ne pas être en couple avec une française -- à comprendre Parisienne -- car elle est justement “gâtée et exigeante”, voire “prude”. Mais si le Français se sentirait terrorisé par la Française, c’est peut-être parce qu’elle est très émotive et assez exigeante à la fois, ce qui n’est pas forcement un mauvais trait dans ma tête de femme… Cependant, le trait qui définit le plus la française est l’arrogance. Et ça rend les relations amicales tendues.  

Elle pense souvent qu’elle sait tout, qu'on a tous tort, qu’elle incarne la femme idéale et pas n’importe qui pourrait être son amie. Elle est donc très méfiante vis-à-vis d’autres femmes, prenant souvent une simple amitié pour un rapprochement intéressé. Un petit conseil pour elle? Surtout pas. Mais elle ne se gêne pas d'en donner derrière des propos condescendants, voire moqueurs. J’avoue avoir beaucoup de mal à ne pas me sentir observée, épiée ou jugée, tenue à distance car je ne rentre pas dans “le club”. Ou une case. On ne s’étonne donc pas de voir les expatriées (peu importe leur pays d’origine) préférer le cocon entre expatriées. Quant à l’entraide qui n’existerait pas entre femmes françaises selon Mme Warden, cela existe entre amies (une fois la confiance de la française gagnée et qu’on peut être amies) mais pas dans un cadre professionnel, malheureusement. Cela dit, je ne veux pas trop généraliser comme ma consoeur britannique, car en tant que expatriée -- et je connais la France depuis l’enfance -- cela représenterait seulement une certaine catégorie de personnes. Et surtout, ces stéréotypes existent partout.  

Sophie Bramly : Je n'ai pas l'impression que les hommes français pré-occupent autant. Dans le cinéma américain 8 fois sur 10 l'homme est armé et n'hésite pas à tuer. C'est là que sa virilité semble se jouer. Les français jouant surtout dans des histoires sociales ou d'amour, les Américains n'y trouvent pas leur compte, comme si c'était le reflet d'un manque de testostérone. Peut-être que cela plait aux Américaines, mais comme elles ne tiennent pas les rênes de la culture, c'est imperceptible. 

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