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Pourquoi les hommes et les femmes 
ne sont pas complémentaires
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Où sont les femmes ?

La psychanalyste Sophie Marinopoulos tire la sonnette d’alarme sur la guerre des sexes qui gronde plus fort chaque jour, dans son livre "Combattre les petites philosophies du pénis - Où vont les femmes ?" Extraits.

Sophie Marinopoulos

Sophie Marinopoulos

Sophie Marinopoulos est psychologue et psychanalyste.

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Des millions de couples subissent en effet depuis la nuit des temps l’idée que nous sommes complémentaires. Folie de penser que ces corps qui se complètent vont rendre les âmes complémentaires. Pensée simpliste qui fait l’économie de la complexité de nos êtres. Nous ne sommes pas de simples Lego qui nous encastrons par amour, par affection, par hygiène, par besoin ou sous la pulsion. Il y a longtemps, ce malentendu était une rumeur.

À l’âge où l’humanité est devenue adulte, c’est un mythe. Nous adhérons bien entendu à la complémentarité des corps, où le manque opère le désir. Mais ce n’est pas lui qui nourrit la relation singulière. Pour preuve, quand ce désir est assouvi, quand ce manque est comblé, on ne donne pas cher du couple formé. Ces couples du corps n’ont pas d’identité particulière, sont éphémères. De nombreuses combinaisons sont possibles.

Ces quatre quadras qui parlementent autour de leur plat diététique semblent d’avis que, dans le meilleur des mondes, il n’y aurait pas d’homme, ces êtres le plus souvent infantiles à la recherche d’une mère, et qui d’ailleurs les ont épousées pour avoir une mère plus jeune. Faux procès ou lucidité extrême, je ne saurais le dire tant leur parole me déprime. Me passer des hommes ? J’ai à peine le temps de formuler silencieusement ma question que j’entends l’une d’elle affirmer sans aucune pudeur : « enfin au lit, ce serait triste quand même ».

Revoilà mes Lego encastrables qui flottent devant moi, tels de lugubres fantômes : j’ai beau les peindre en rose et bleu pour faire plus homme et femme, plus sexy aussi, rien n’y fait, je ne fantasme plus. Un homme affirmerait peut-être, dans un vocabulaire plus cru, qu’il ne bande plus.

D’un côté l’image, de l’autre la chair, tel est le plaisir, tels sont les mots des âmes sexuées qui n’utilisent pas le même corps psychique pour penser, plus clairement les mêmes canaux émotionnels. Les mots des femmes sont plus ronds, plus évanescents, ceux des hommes plus durs, plus directs. La femme possède l’art de la conversation tandis que l’homme dompte l’impétuosité de ses mots et donc, sur le champ de l’intime, préfère se taire. Pendant qu’il la possède avec son corps, elle le possède avec les mots. La femme a du temps pour développer pendant que l’homme est pressé d’en finir. Dans ce rapport à la parole, la complémentarité homme/femme est difficile à imaginer, nos jeux d’encastrement ont disparu, et il apparaît clairement que ce malentendu originaire a créé dans les rapports humains des discordes et incompréhensions si fortes qu’elles ont creusé entre ces deux clans humains un passif loin d’être réglé.

Les hommes en veulent aux femmes de ne pas adhérer au récit du premier homme. Les femmes en veulent à l’humanité qui, alors qu’elles étaient à peine nées, les a trompées. Depuis, elles ont demandé aux hommes et obtenu massivement de sortir de l’esclavage, de la soumission, de la sexualité imposée, de contrôler la natalité, de vivre sereinement avec ou sans enfant, de choisir leur mari, d’en divorcer, d’aimer des femmes, de ne plus rester à la maison, de faire de la politique, de prendre des décisions, d’être indépendante et bien d’autres choses encore.

Au nom de l’égalité, elles ont vécu bien des combats qui depuis n’ont jamais cessé mais qui semblent aujourd’hui s’essouffler au point que le féminisme d’Éros est remis à l’ordre du jour, sans que j’en comprenne la légitimité. En témoignent les magazines féminins. Ils s’abreuvent de femmes images, qui tombent telles des larmes sur ce que nous sommes devenues. Être femme, désormais, est devenu équivalent à être un cliché de femme. Une image, un être-belle qui revient à être esthétique, faisant la joie des chirurgiens qui allongent les visages, mettent le nez droit, relèvent les pommettes et lissent la peau. Sans compter le corps, qui doit être grand, de préférence osseux mais avec une poitrine refaite.

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Extraits deCombattre les petites philosophies du pénis - Où vont les femmes ?, LES LIENS QUI LIBERENT EDITIONS (novembre 2011)

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