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Le gouvernement en crise de schizophrénie aigüe
©Reuters

Querelle des anciens et des modernes

La situation économique globale a tendance à s’améliorer sauf sur le front de l’emploi. Pourtant, le gouvernement a été pris cette semaine d’une crise de schizophrénie : une fois de plus les compteurs dans le monde des affaires se sont affolés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout se passe avec ce gouvernement comme si, dès qu'il sent que la situation pourrait s’améliorer, il ne l’accepte pas. Il change de cap ou de rythme, il se contredit et, du coup, il perturbe à nouveau le monde des affaires qui a besoin de stabilité et de visibilité dans les décisions. François Hollande a servi du brouillard toute la semaine.

Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il n’a toujours pas défini une stratégie économique et qu'il ne sait pas arbitrer entre les anciens et les modernes qui partagent sa majorité. Entre les conservateurs et les progressistes qui débattent à longueur de journée et qui cassent le Parti socialiste en deux. Alors, pour faire semblant de restaurer l’unité, François Hollande nous sert du thé tiède que personne ne veut plus boire.

Le dossier des écoutes américaines a été traité de façon surréaliste. Personne n'a été surpris au niveau du pouvoir, d’apprendre que les Américains ont installé des grandes oreilles partout chez leurs amis et chez leurs alliés. Tout le monde sait qu’il faut toujours plus se méfier de ses amis que de ses ennemis. Les Américains ont écouté le pouvoir Français mais apparemment ils n’ont rien entendu, sinon on l’aurait su.

Cette affaire est assez scandaleuse et l’opinion publique n’a pas manqué de s’en émouvoir. Le monde des affaires lui, en a profité pour renforcer ses systèmes de sécurité. Parce que si les hommes politiques ne se disent pas grand-chose d’important, les chefs d’entreprise en revanche sont porteurs de secrets stratégiques. La guerre économique préoccupe tout le monde. Il aurait donc fallu réagir haut et fort à la mesure de la gravité du problème. On s’est contenté d’un coup de téléphone à Barack Obama, d’une convocation de l’ambassadrice américaine à qui l'on a demandé de ne plus recommencer. La belle affaire !

Il aurait sans doute fallu protester plus fortement, ajourner des voyages ou suspendre les négociations sur le contrat d’alliance de l’Atlantique nord. Mais il aurait surtout fallu mobiliser toute l’Europe.

Autre dossier de la semaine, la crise grecque qui n’a pas fait l’objet d’une position française très forte et cohérente. Comme souvent, le président de la République s’est retrouvé coincé dans un nœud de contradiction. Entre une partie de sa majorité qui assume avec beaucoup de sympathie les thèses défendues par Alexis Tsipras et une énorme majorité des Français qui ne veulent plus payer pour les Grecs. Contradiction entre ceux qui souhaitent que la Grèce sorte de l’euro pour protéger la monnaie et ceux qui la défendent pour le mêmes raisons.

Et puis, il y a ceux qui sont tellement anti-européens, qu'ils travaillent à l’aggravation de la crise grecque estimant que plus le dossier trainera, plus la zone euro va se fragiliser. Face à toutes ces interrogations, la France n’a jamais opposé une position très claire et très ferme. A part le ministre des Finances qui a fait le job, le Premier ministre et le Président ont été d'une discrétion remarquable et remarquée.

Ce weekend,  les Européens auront sans doute accouché d’un accord à minima. Et pour cause, l’accord doit combiner les exigences de rigueur de la Bundesbank et les utopies radicales des marxistes purs et durs qui entourent Alexis Tsipras. Par conséquent, l’accord sera boiteux. Les Grecs vont faire des promesses et les Européens vont faire semblant de croire qu’elles seront tenues. Cette crise a mise en évidence le déficit de cohérence de la zone euro, mais personne en France n’a réclamé plus d’Europe et plus de fédéralisme.

Le gouvernement français est tétanisé entre la nécessité de construire les Etats-Unis d’Europe et le sentiment que l’opinion publique française serait formellement allergique à la discipline que cela suppose et surtout le sentiment que cette opinion publique est complètement opposée aux abandons de souveraineté. Ce qui n’est pas prouvé. Alexis Tsipras croyait avant son élection que son peuple était contre l’Europe. Il a milité pour un scénario de rupture. Arrivé au pouvoir, il s’est aperçu que son peuple veut majoritairement rester dans l’euro et même en payer le prix. Surprise.

Enfin, le conflit des taxis a, là encore, administré la preuve que le gouvernement français est incapable de gérer l’évolution de la société vers plus de modernité. La révolte des taxis est équivalente à celle des cochers qui, à la fin du 19è siècle s’opposaient aux voitures mécaniques d'un certain Louis Renault. Les bagarres ont duré dix ans et personne ne s’est étonné que la 1ère guerre mondiale avait été gagnée parce que l'on avait pu transporter les troupes très rapidement sur le front grâce à des taxis Renault, les fameux taxis de la Marne.

Le développement d'offres digitales et plus collaboratives comme Uber sont incontournables. Elles doivent obliger la profession de taxis à évoluer et à répondre aux besoins du client et non pas à se contenter de protéger la valeur patrimoniale des licences. Le service UberPOP est une caricature qui ne méritait pas que l'on mette Paris à feu et à sang. Cela mérite plutôt une règlementation et des conditions de charges équivalentes aux autres moyens de transport. Seulement le gouvernement n’a pas osé trancher.

Là encore, il s’est retrouvé coincé au sein même de sa majorité entre des courants très modernistes qui voient dans "l'ubérisation de la société", un facteur de progrès. Ne serait-ce que par la création d’emplois que cela entraine ou par les compléments de revenus qu’il apporte. De l'autre côté, un courant plus conservateur qui réclame des règles, des encadrements sans même s’apercevoir que ces gens défendent des rentes légalement installées par l’Etat.

Il n'y a rien de plus anti-économique que la rente ou le privilège. Le patron de la G7 peut être satisfait. La gauche au pouvoir, ou en marge du pouvoir, défend les privilèges et les rentes.

Le gouvernement aurait pu gérer cette affaire avant que les chauffeurs de taxis n'abiment l’image de Paris aux yeux des touristes qui débarquent. Les Américains, qui ont tout compris de la communication, ont fait tourner en boucle sur leurs écrans, les aéroports bloqués et les périphériques incendiés.

D’une certaine façon, la ville de Paris et les hôteliers ont mieux gérer l’invasion de l’armée Airbnb : la municipalité a tout simplement appliqué la taxe que les hôteliers doivent payer.

Le dossier de la politique économique est aujourd'hui l’objet des mêmes incertitudes. Ces incertitudes fiscales et sociales nourrissent un stress chez les chefs d’entreprise qui censurent leur capacité d’investissement alors qu’objectivement, ils en auraient les moyens.

Quand les chefs d’entreprise reconnaissent que le versement du CICE a été un élément parmi d’autres de l’amélioration de leur situation, toute la gauche s'en inquiète. Pour rassurer les troupes du monde des affaires, Emmanuel Macron proclame que l'on ne touchera pas au CICE. Mais ça, c'était lundi.

Deux jours plus tard, le ministre du Travail, préoccupé par la montée du chômage, laisse entendre qu'il faudra vérifier si ce CICE a bien été utile pour générer des emplois. Sinon il faudra en modifier les modalités. Et le jeudi et les jours suivants, qui croire ?

Il est évident que la majorité présidentielle et le gouvernement sont coupés en deux. Des conservateurs qui s’accrochent au dogme socialiste ou l’Etat tout puissant ne doit pas seulement réguler mais dirigez.  Et des modernes qui assument la mondialisation, l’Europe, l’économie de marché, la révolution technologique. Surtout, des modernes qui considèrent que ces questions et ces bouleversements ne sont pas contraires aux valeurs de la gauche.

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