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Pour pallier la faible rentabilité du secteur de l'aviation civile, les compagnies aériennes établissent des cartels.
Pour pallier la faible rentabilité du secteur de l'aviation civile, les compagnies aériennes établissent des cartels.
©Reuters

Couper les ailes

Pour pallier la faible rentabilité du secteur de l'aviation civile, les compagnies aériennes établissent des cartels. Même si le phénomène se voit moins en Europe que dans le reste du monde, il permet aux entreprises de l'aéronautique de freiner la tendance à la baisse des prix des billets.

Yves Crozet

Yves Crozet

Yves Crozet est Professeur à l’Université de Lyon depuis 1992. Aujourd’hui en poste à Sciences Po Lyon (IEP Lyon). Il est membre du Laboratoire d’économie des Transports (LET) qu’il a dirigé de 1997 à 2007. 

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Atlantico : Comment les compagnies aériennes organisent-elles leurs survie ? Peut-on évoquer le terme de cartel, qui entretiendrait une certaine exclusivité pour elles ? 

Yves Crozet : Il est juste de parler de survie car le secteur du transport aérien connaît une forte mortalité. Beaucoup de compagnies célèbres ont fait faillite au cours des décennies qui ont suivi la déréglementation du secteur (1970 aux Etats-Unis, 1988-1997 en Europe). Des noms emblématiques de l’histoire du transport aérien comme TWA ou Pan Am ont disparu du paysage. Pour ne pas sombrer complètement, d’autres compagnies nord-américaines comme Delta, American Airlines, Continental ou Northwest Airlines ont dû se lancer dans des fusions géantes, non sans être passées auparavant par la case du redressement judiciaire. Plus proche de nous, en Europe, Sabena (Belgique) a disparu. Swiss Air, Iberia ou KLM (Pays-Bas) n’ont été sauvées que par leur intégration dans les groupes des compagnies de grands pays, et donc de vastes marchés comme, respectivement Lufthansa, British Airways et Air France. 

Mais il faut bien comprendre est que cette fragilité des compagnies, repérable dans leur faible rentabilité, est le résultat que recherchait la déréglementation du secteur. Il s’agissait de faire disparaître les rentes pour obtenir une baisse du prix des billets et une démocratisation du transport aérien. Cet objectif a été largement atteint et nous sommes maintenant dans la situation rêvée par les économistes : la concurrence comme aiguillon permanent. Ce rêve est bien sûr un cauchemar pour les gestionnaires des compagnies aériennes qui doivent sans cesse abaisser leurs coûts de production et fidéliser autant que possible leurs clients

Par quoi cela peut-il se traduire concrètement, comment les compagnies aériennes l'organisent-elles dans la réalité ?

En Europe, les compagnies aériennes se rangent aujourd’hui en deux grandes catégories.

1 - Les majors qui disposent d’une grande plateforme d’interconnexion (hub) où transitent des dizaines de millions de passagers, souvent en correspondance entre un vol intra-européen et un vol transcontinental. Elles se font concurrence entre elles pour ces derniers types de trafic, leur rentabilité est donc faible. D’autant que sur les autres types de trafic elles sont en concurrence avec la seconde catégorie de compagnies.

2 - Les compagnies low-cost qui assurent des vols moyens courriers en maîtrisant étroitement leurs coûts en maximisant le temps de vol des avions (escales de 30 minutes seulement) et en réduisant les coûts de personnel par une autre organisation du travail.

Finalement, la réalité paradoxale du transport aérien est qu’il s’agit d’un secteur dont l’activité s’est fortement développée au cours des dernières décennies mais les grands gagnants de ce boom des trafics ne sont pas les compagnies aériennes. Le financier américain Warren Buffet aime à expliquer qu’il a fait fortune parce qu’il n’a jamais investi dans les compagnies aériennes, dont les valorisations boursières sont sans rapport avec leurs chiffres d’affaires. A contrario, d’autres firmes du secteur du transport aérien sont plus rentables parce qu’elles sont moins exposées à la concurrence. Il en va ainsi des constructeurs de moteurs ou d’avions, des loueurs d’avion, des services dans les aéroports.

Originellement, l'aviation civile étaient un secteur public dans une large majorité de pays. Jusqu'où cela peut-il remettre en cause le fait que ce secteur puisse être un secteur économiquement rationnel ? *

Qu’il s’agisse d’Air France, de Lufthansa ou de British Airways, la vie d’une compagnie major n’est pas de tout repos car elles ont les pires difficultés à résister à la tendance à la baisse des prix. Pour éviter de perdre de l’argent sur les vols moyens courriers, elles sont obligées d’adopter pour ces derniers la logique des compagnies low-cost. Or, leur gestion des ressources humaines, construite à l’époque des monopoles publics nationaux, recèle de multiples rigidités. Il en résulte des tensions récurrentes (grèves) avec les syndicats de pilote et autres personnels navigants. Il leur faut aussi fidéliser les passagers avec des systèmes leur permettant de cumuler des "miles". La volatilité des prix des carburants rend encore plus complexe l’équation comptable. C’est pourquoi elles doivent, comme Air France, multiplier les plans de réorganisation. Il n’en va pas de même pour les compagnies low-cost car leur business plan leur permet d’être rentables avec une faible recette moyenne par passager (60 euros).

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