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L'Allemagne va-t-elle euthanasier l'Europe ?
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Poutre Rhin

Les Allemands ont-ils fait un hold-up sur la zone Euro avec leur modèle du tout à l'export ? La France n'aurait peut-être pas tant à envier au modèle économique allemand. Première partie de notre série en trois volets sur les ambiguïtés de "l'exemple allemand".

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Quelle est la différence entre une jeune fille et l’Allemagne ? Une jeune fille ne restera pas toujours une jeune fille, mais l’Allemagne restera l’Allemagne, un peuple reste un peuple.

Je suis Alsacien, Germain et Français. Cette appartenance me permet de dire : si la France continue de suivre l’Allemagne, en voulant ainsi sauver l’Europe, nous porterons la lourde responsabilité de la fin du projet européen. Il revient à la France, avec l’appui de l’Espagne et l’Italie, et d’autres pays de l’Europe du Sud, de contenir l'Allemagne. A défaut, l’Europe n’aura aucune chance de survie.

Nous sommes, en effet, en train d’aller vers une Europe allemande, c’est-à-dire vers plus d’Europe du tout !

Le refus de tout achat direct de la dette ou le refus statutaire de la monétisation par la BCE, voulu par l’Allemagne, est suicidaire pour l’Europe, car ils ne tient pas compte du contexte mondial de guerre monétaire et de la pratique des autres Banques centrales.

L’Europe ne peut enfin aboutir à une dictature au nom de l’impératif économique, lui-même résultat de la guerre économique imposée par un libéralisme libertaire devenu fou. L’Europe, c’est la main tendue d’une famille, ça ne peut être le bras tendu d’une Nation sur les autres.

Le modèle économique allemand est un passager clandestin à l'export

Le modèle économique allemand n’est pas viable pour l’Europe, car il est un modèle de passager clandestin à l’export : les excédents allemands dans les pays européens font les déficits européens. Si toute l’Europe pratiquait ce modèle, en diminuant sa consommation intérieure pour augmenter son exportation vers ses voisins européens, l’Europe aurait une croissance encore plus faible, alors qu’elle a déjà une croissance faible, plus faible que les autres pays de l’OCDE, en raison notamment de cette politique de la fausse locomotive allemande. L’Allemagne serait d’ailleurs la première à en souffrir. Elle ne ferait plus d’excédents commerciaux en Europe et serait confronté à ses déficits face aux pays émergents.

Le modèle allemand du tout à l’export est récent. Il a changé en quinze ans, d’une moyenne européenne autour de 25 à 30% à l’export, il dépasse désormais largement 40%. Mais l'Allemagne fait 85% de ses excédents commerciaux en Europe ; nos déficits, à commencer, par celui colossal de la France, font ses excédents. L’Allemagne fait deux fois moins d’excédents commerciaux aux États-Unis qu'en France (près de 14 milliards pour les États-Unis pour un peu plus de 27 milliards en France), ce qui est quand même étrange pour un compétiteur qui se prétend global. Enfin, l'Allemagne enregistre 19 milliards de déficit commercial avec la Chine en 2009, soit un niveau proche du déficit français avec les Chinois, plafonnant à 22 milliards.

Le modèle salarial et social allemand est surestimé

Si l’Allemagne est si compétitive, c’est parce qu’elle a su maintenir une croissance de ses salaires en dessous de ses gains de compétitivité, par une politique de déflation salariale, même si cette tendance tend, aujourd’hui, à s’infléchir. L’Allemagne achète en Europe centrale et en Chine plus de productions intermédiaires qu’elle assemble sur son sol, sous des marques de qualité ; elle est ainsi compétitive, mais en Europe uniquement et particulièrement dans la zone Euro.

L’Allemagne, contrairement aux idées reçues sur les 35 heures, ne travaille pas plus que la France. Une étude fouillée de Natixis ’’Flash Economie 401’’ montre que la durée moyenne du travail y est de 1 390 heures, alors qu’elle est de 1 554 heures en France. Par ailleurs, si on prend une base 100 en 1995 pour l’emploi industriel, l’Allemagne perd, comme tous les pays occidentaux et la France, ses emplois industriels face aux pays émergents. Elle part certes d’un niveau plus élevé, mais sa dégradation de l’emploi industriel suit les mêmes tendances.

Face au chômage et aux nouveaux défis de la mondialisation, sous un chancelier socialiste, le peuple allemand sut faire corps pour  survivre face aux émergents, mais contre les autres pays européens, sans doute sans le vouloir vraiment. En effet, le Germain sait faire corps face à l’adversité, alors que le Gaulois et le Latin se divisent toujours selon leurs intérêts individualistes. César en faisait déjà la remarque ! Mais cette unité germanique, qui fait sa force et sa compétitivité, l’empêche quand même de tenir face aux émergents : ceci doit nous servir de leçon et de réflexion pour tous ceux qui refusent un protectionnisme rétablissant la concurrence européenne face aux émergents… l’Allemagne est déficitaire par rapport à la Chine, et si son modèle à l’export veut subsister, il doit se faire par des excédents en Europe et dans les pays occidentaux.

Le modèle économique allemand a bénéficié d'une fiscalité favorable et de la monnaie unique

En pure théorie économique libérale, et compte tenu des manipulations monétaires de la Chine, l’Europe serait en droit de mettre 70% de taxe douanière sur tous les produits chinois. Ces 70% correspondent à la différence du PIB nominal avec le PIB en parité de pouvoir d’achat, et ceci sans tenir compte de la différence de salaires et de charges sociales. Mais l’Europe ne pratique pas la réciprocité des droits de douane que pratique la Chine, par pure idéologie ou religion libérale ! Si on veut comprendre le modèle allemand de passager clandestin européen, il faut se situer dans ce contexte d'une mondialisation de la concurrence inique.

Un chiffre doit cependant nous faire réfléchir dans le débat interne européen : près de 8 points de PIB pèsent en moins sur les entreprises allemandes que sur les entreprises françaises ; les impôts allemands pèsent beaucoup plus sur les ménages que sur les entreprises ; le Danemark a également pratiqué une telle politique avec succès et sans déflation salariale. L’Allemagne a certes pu pratiquer cette politique de limitation de la consommation par une démographie faible, car un peuple vieillissant consomme moins, mais à terme, la compétitivité des entreprises dans un cadre mondial reste un facteur capital.

Cependant, c’est grâce à l’Euro que cette politique allemande put prendre toute son ampleur. Sans l’Euro, les pays du Sud n’auraient pu s’endetter aussi facilement pour consommer allemand. Enfin, l’Euro empêche les dévaluations compétitives, et sans la monnaie unique, le pseudo-compétiteur global n’aurait pu faire ses excédents en Europe pour combler ses déficits vers les pays émergents. Les pays du Sud auraient dévalué, et l’expansion allemande aurait été contenue par sa monnaie forte.

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