Harold Pinter au théâtre de la Bastille : des "Trahisons" intéressantes <!-- --> | Atlantico.fr
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"Trahisons" de Harold Pinter. Version française d'Eric Kahane.
"Trahisons" de Harold Pinter.  Version française d'Eric Kahane.
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Si vous n'avez pas peur du théâtre "sérieux", allez voir cette pièce du prix Nobel de littérature qui en a fait de bien moins bonnes.

Thème

"Trahisons" est une pièce du dramaturge et prix Nobel de littérature anglais Harold Pinter. Elle a été créée en 1978 au Royal National Theatre de Londres et jouée en France à plusieurs reprises ( à l’Athénée en 2006, au théâtre du Vieux Colombier en 2014…).

Cette pièce constitue une variation sur l’adultère et le triangle convenu mari-femme-amant. Son originalité réside dans le fait que le récit se déroule à rebours: on part de la fin de l’aventure pour remonter, étape par étape, aux prémisses de la liaison, sept ans auparavant

Points forts

- Il faut d'abord souligner l'originalité de la démarche du collectif tg STAN. Il s'agit de comédiens qui ont décidé en 1989, à leur sortie du conservatoire d’Anvers, de créer leur propre compagnie: tg, c'est l'abrégé de toneelspelersgezelschap, qui signifie compagnie d'acteurs, en néerlandais; et STAN, ça veut dire Stop Thinking About Names. Refusant "l’esthétisme révolu, l’expérimentation formelle aliénante et la tyrannie du metteur en scène" , ils voulaient se placer, en tant qu’acteurs, au centre de la démarche qu’ils ambitionnaient : la destruction de l’illusion théâtrale , le jeu dépouillé , la mise en évidence de divergences éventuelles dans le jeu, et l’engagement rigoureux vis à vis du personnage et de ce qu’il a à raconter. Etre résolument tourné vers l’acteur, refuser tout dogmatisme, voilà les mots clefs qui caractérisent le collectif Tg STAN.

- La pièce, bien sûr : sur un sujet éculé, Pinter, grâce à sa connaissance surprenante de l’être humain et des relations humaines, et à sa langue "spartiate et tranchante", apporte un éclairage différent : il s'efforce de démontrer que la quête de la vérité est vaine tant celle-ci est multiple et contradictoire .

- La mise en scène. Dés le départ, avant le "lever de rideau" ( qui n’existe pas...), on sent que tout va être différent. Les spectateurs s’installent, ils sont éclairés; les acteurs, quant à eux, sont sur la scène, dans le noir, mais visibles, et ils observent les spectateurs. Quand la lumière se fait sur la scène, les trois acteurs sont donc là et ils y resteront tous les trois durant les neuf scènes, chaque scène ne concernant que deux d’entre eux; mais le troisième est toujours là, montrant par sa présence que c’est entre eux trois que cela se passe. Il n’y a pas de décor : juste une table, des chaises, quelques accessoires. C’est d’une sobriété totale. Cette sobriété se marrie bien avec la langue de Pinter, qui travaille avec peu de mots et seulement des mots justes. Ce qui fait tout reposer sur les acteurs; aucun élément, aucune fioriture ne viennent perturber leur jeu.

- Les acteurs : Jolente De Keersmaeker , Robby Cleiren et Franck Vercruyssen sont totalement crédibles.Ils sont vrais, sympathiques chacun à leur tour: la femme est touchante , le mari un peu distant et désabusé, l’amant juste un peu mufle. Tous les trois se laissent peu à peu prendre dans la mécanique des petites lâchetés, des trahisons conjugales et amicales. Ils sont tous les trois au service du texte, leur français est parfait. Ils répondent admirablement à l'inquiétude exprimée par Pinter lui-même: "si j’avais su à quel point mes pauses et mes silences seraient si mal joués, je ne les aurais pas écrits." La première scène des retrouvailles, entre la femme et l’amant, illustre bien ce propos : ils sont loin l'un de l’autre, debout; on sent une certaine gêne de se revoir après tant de temps; d'où ces silences entrecoupés d'un :  "tu vas bien toi"? Chez Pinter, le silence fait vraiment partie du texte. Ainsi, à travers cette première scène, on entre immédiatement dans son univers, très réaliste.

Points faibles

La femme se change une dizaine de fois sur scène alors que "ces messieurs", quant à eux, enlèvent, au plus, leur veste... Jolente De Keersmaeker a certes une plastique parfaite et elle sait s’habiller avec beaucoup de naturel, mais n’est-ce pas un peu sexiste, dans une mise en scène (décor et costumes) aussi sobre, de faire changer la malheureuse actrice dix fois de tenue ?

En deux mots...

Une interprétation très en accord avec le style de Pinter : peu de mots, mais précis et justes. Des comédiens qui se mettent totalement au service d'un auteur: ce n'est pas toujours le cas...

Recommandation

Excellent Excellent

A condition d'apprécier l'univers minimaliste de Pinter.

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Texte et interprétation : du grand Pinter, dans tout son dépouillement.

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Informations et réservation

"Trahisons" de Harold Pinter.  Version française d'Eric Kahane. Spectacle du collectif tg STAN. Conception et jeu : Robby Cleiren, Jolente De Keersmaeker, Frank Vercrusen.

Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, 75011 Paris.

Réservation : 01 43 57 42 14 (www.theatre-bastille.com) et à la FNAC. Jusqu'au 5 juillet.

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