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La guerre de demain 
sera religieuse ou ne sera pas
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La Guerre des Dieux

Le fait religieux est au cœur des grandes problématiques de notre siècle et oriente les décisions politiques. Ardavan Amir-Aslani décrypte les nouveaux défis et enjeux auxquels seront confrontés citoyens et dirigeants de tous les États, dans un livre à sortir le 17 novembre, "La Guerre des Dieux. Géopolitique de la spiritualité" . Extraits (1/2).

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Le Quai d’Orsay a créé en juillet 2009 un pôle religion au sein de la direction prospective du ministère des Affaires étrangères afin de mesurer l’acuité du paramètre religieux dans le devenir de nombreux pays ou régions. Pour Bernard Kouchner, il s’agissait de prendre en compte des paramètres nouveaux dans les relations internationales tel le risque de pandémies, le développement durable, les crises financières ou les religions.

La diplomatie française est partie du constat que le fait religieux joue un rôle important dans les rapports entre les nations, les questions de développement ou les équilibres politiques internes. Il convient donc d’observer les grandes tendances et mouvements qui affectent les religions à travers le monde. Le Quai l’illustre par quelques sujets d’étude qu’il a retenus comme : l’expansion du protestantisme évangélique, le poids de l’orthodoxie en Russie, l’islam et l’islamisme, le débat au sein du haut clergé chiite sur le principe du velayat-e faqih ou l’hindouisme et son impact sur le nationalisme indien. La responsabilité de ce pôle a été confiée à Joseph Maïla, libanais, spécialiste de l’islam, ancien recteur de l’Institut catholique de Paris, directeur du Centre de recherches sur la paix.

Le fait religieux peut être un paramètre, une des causes, d’un conflit. Dans le passé, la notion de guerre de religion était surtout liée à la prédominance de l’Église catholique en Europe. La papauté n’était pas seulement un pouvoir spirituel, mais disposait d’un véritable pouvoir politique. Au gré des circonstances, elle s’est alliée aux grandes cours européennes. Sa stratégie visait aussi à préserver ses territoires : les États pontificaux. L’emploi rhétorique des termes de « guerre sainte » ou djihad ne correspond pas à ce concept de guerre de religion. Outre que l’islam, en dehors du chiisme, n’est pas une structure organisée et hiérarchisée, aucune guerre sainte n’a été menée par un État musulman. Représentant d’une branche de l’islam, les chiites imanites ismaïlis – la seule à être dirigée par un imam vivant et héréditaire – l’Aga Khan, descendant direct du prophète avec une lignée qui remonte à mille quatre cents ans, l’exprime à propos de sa vision apolitique de l’islam : « Il est difficile de parler de l’islam politique dans le monde d’aujourd’hui.

La vaste majorité des conflits est d’origine politique ou socio-économique, et non religieuse. Par la suite, les différentes communautés ont calqué un lien religieux élargissant le conflit. L’islam n’est pas une foi nourrie dans la politique. Ce n’est pas le cas des autres religions. »

Si l’on observe les violences interreligieuses, qu’il s’agisse de celles opposant chrétiens et musulmans au Nigeria ou celles entre hindous et musulmans en Inde, la dimension religieuse doit être relativisée au profit d’autres causes comme les inégalités sociales et économiques qui opposent certes les communautés religieuses mais plus encore des exclus à des groupes dominants.

En Inde, la cause des tensions reste encore la partition du pays. Dans la mémoire des Pakistanais comme des Indiens, les morts, les victimes, les déplacés sont toujours présents. Le partage du pays avait été décidé par les Anglais à partir de critères ethniques et religieux sous la pression des intégristes de l’islam comme de l’hindouisme. Cet héritage pèse lourd en Inde comme au Pakistan.

Notre vision du fait religieux a changé avec les attentats de New York. La politique et le discours de George W. Bush inspirés par les néoconservateurs ont contribué à ce changement, tout en jetant l’anathème sur le monde musulman. Qu’en est-il alors de l’un des pays qui incarnait l’« axe du mal », l’Iran? Il faut tenter de voir la réalité des faits. L’Iran est depuis longtemps en voie de sécularisation, et même si le Guide suprême de la Révolution, un religieux, a un rôle fondamental dans la vie du pays, le pouvoir est aussi entre les mains des Gardiens de la Révolution incarnés par le président Ahmadinejad, et non pas entre celles de la hiérarchie religieuse.

Avec le 11 Septembre, les diplomates ont redécouvert l’importance de mouvements se revendiquant de la religion et du fait religieux dans la vie de certains États. Il apparaît dans certains cas difficiles de sérier la frontière entre le fait religieux et d’autres phénomènes. 

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Extraits de La Guerre des Dieux. Géopolitique de la spiritualité, Nouveau monde éditions (17 novembre 2011)

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