Législatives au Danemark : l’exemple chimiquement pur de l’impact déterminant de l’immigration sur la montée des populismes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les représentants du Parti du peuple danois.
Les représentants du Parti du peuple danois.
©Reuters

Politique de l'autruche

Alors que les élections législatives danoises ont lieu jeudi 18 juin, le Parti du peuple danois, mouvement d'extrême-droite, a réussi à imposer son thème de prédilection dans les débats : l'immigration, faisant écho à la même problématique à l'échelle européenne.

Claus Kragh

Claus Kragh

Journaliste au journal danois Mandag Morgen.

Claus Kragh est spécialisé sur les questions européennes. Il intervient régulièrement sur RFI.

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Atlantico : Le vote populliste a été expliqué par beaucoup comme la résultante d'un manque de démocratie, notamment avec le référendum européen. Pourtant le choix des Danois en la matière a toujours été respecté par le gouvernement. Dans quelle mesure le débat de ces élections législatives danoises inscrit l'enjeu de la gestion de la migration à l'échelle européenne ?

Claus Kragh : Les pressions exercées sur les frontières extérieures de l'Europe sont énormes. Et le Danemark n'est pas le pays le plus durement touché par tout cela. Si l'on compare le nombre de réfugiés dans les pays européens, la Suède et l'Allemagne sont bien plus concernées par cette immigration. L'enjeu des quotas se discute encore à l'échelle européenne mais le Danemark bénéficie d'une exception en matière de politique migratoire européenne, puisqu'il n'en fait pas partie. De plus, il n'y a pas de contrôle aux frontières, or c'est ce que réclament les membres du parti du peuple danois.

Comment lire les propos de la Reine qui, en avril 2015, expliquait à propos des nouveaux venus : "Nous faisons volontiers de la place. Cependant, ils sont venus dans notre société et ne peuvent pas s’attendre à pouvoir perpétuer leur modèle de société chez nous" ?

Il y a les mêmes tensions au Danemark qu'en France. Des extrémistes islamistes sont présents dans le pays. Quelques semaines après l'attentat en France de Charlie Hebdo, un jeune homme attaquait au Danemark une réunion portant sur la liberté d'expression en présence de l'ambassadeur français. Et ensuite une synagogue à Copenhague a été visée. Et je vous passe l'affaire avec les caricatures de Mahomet… Le Danemark a connu le même débat que celui qui a eu lieu aux Pays-Bas ou en France.

La gauche danoise est en train de rattraper un peu son retard sur ces questions en abordant davantage ces sujets. Il y a 10-15 ans, la gauche avait très peur de critiquer les islamistes ou les Musulmans car ils craignaient d'être perçus comme racistes. Maintenant ces sujets sont bien plus évoqués dans la société. Le Danemark a des problèmes avec l'intégration. Les principales difficultés concernent celles que connaissent les réfugiés placés dans des centres. Ils ne parlent pas la langue, les dossiers trainent souvent...

Concernant les propos de la Reine, ils font référence d'une certaine manière aussi à ce qu'elle a dit il y a 20 ans. Elle avait critiqué à l'époque la manière qu'avaient les danois de parler des immigrés, en des termes incorrects d'après elle. Il faut savoir que la Reine n'écrit pas ses discours puisqu'elle est apolitique, c'est le bureau du premier ministre qui s'en charge.

Comment se positionne d'ailleurs l'extrême droite danoise ?

Ce qu'on voit au sein de ces partis nationalistes, c'est qu'ils se placent économiquement au centre gauche plutôt car ils se positionnent comme des défenseurs de l'Etat providence. Ils font donc concurrence aux partis sociaux-démocrates. L'extrême droite danoise vise essentiellement les populations âgées ou modestes bénéficiant d'aides sociales par exemple. Ces partis-là soutiennent une politique économique de gauche avec des valeurs plutôt conservatrices autour de la famille, de la nation.

Et malgré l'image d'un pays riche et paisible, même au Danemark on trouve des quartiers où règne l'insécurité, avec des soucis d'intégration. L'extrême droite surfe dessus.

Le Danemark n'est pas le pays le plus touché par la crise financière et les chiffres relatifs à l'immigration sont assez faibles. Comment expliquer que le débat de ces prochaines élections législatives s'articule autour de la question de l'immigration ?

Le parti du peuple danois est très fort, on l'a vu il y a un an lors des élections européennes. Ils ont gagné 4 places au Parlement européen ce qui n'est pas négligeable. Ils sont autour de 18% aujourd'hui dans les sondages. Ils ont réussi à imprimer tout le débat dans le pays autour des questions suivantes : est-ce que l'on peut garder notre état-providence avec le coût que représentent les réfugiés ? Les travailleurs provenant de l'est ne volent-ils pas l'emploi des danois ?  Le parti du peuple danois a fait en sorte que toutes les questions s'orientent autour de  l'état de providence et de l'étranger, et la pression de l'extérieur.

On a vu aussi le premier ministre danois, Helle Thorning-Schmidt, social-démocrate, se déplacer vers la droite afin de "cloisonner" un peu le côté droit de son mouvement. Elle a durci le ton, n'hésitant pas à parler du "dumping social" par exemple.

Malgré ce constat, le Danemark a besoin de main d'œuvre parce que notamment la société danoise est en train de vieillir. Les travailleurs de l'est, ceux venant d'Italie, les Portugais, sont souvent embauchés car les danois sur le marché de l'emploi n'acceptent pas toujours certains emplois. D'ailleurs le montant du RMI est un sujet fréquemment posé.
Concernant l'économie, même si le pays n'a pas été autant touché que certains de ses voisins, le PNB danois a baissé de 5 points en 2008 suite à la crise. Des emplois ont été détruits même si maintenant la situation va mieux ce qui bénéficie à Helle Thorning-Schmidt. Le Bloc bleu, c'est-à-dire les 3 partis de la droite, Parti libéral, Parti du peuple, Parti conservateur, apparait au coude à coude avec le Bloc rouge formé par le Parti social-démocrate, le Parti socialiste populaire, le Parti social-libéral et la Liste de l'unité-Alliance rouge-verte. Un nouveau parti montant est arrivé dans le Bloc rouge, l'Alternative qui est crédité de 5% des voix.

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